Rechute métastatique inhabituelle amygdalienne d’un cancer du sein
Ilias Benchafai, Marouane Balouki, Mohamed Jawad Fassi Fihri, Mohamed Zalagh, Fouad Benariba, Leila Afani
Corresponding author: Ilias Benchafai, Service d’ORL et CCF, Hôpital Militaire d’Instruction Mohamed V, Rabat, Maroc
Received: 21 Oct 2019 - Accepted: 05 Nov 2019 - Published: 09 Dec 2019
Domain: Otolaryngology (ENT)
Keywords: Cancer du sein, métastase, amygdales palatines
©Ilias Benchafai et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Ilias Benchafai et al. Rechute métastatique inhabituelle amygdalienne d’un cancer du sein. PAMJ Clinical Medicine. 2019;1:47. [doi: 10.11604/pamj-cm.2019.1.47.20758]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/1/47/full
Rechute métastatique inhabituelle amygdalienne d’un cancer du sein
An unusual case of breast cancer metastasized to the tonsils
Ilias Benchafai1,&, Marouane Balouki1, Mohamed Jawad Fassi Fihri2, Mohamed Zalagh1, Fouad Benariba1, Leila Afani3
1Service d’ORL et CCF, Hôpital Militaire d’Instruction Mohamed V, Rabat, Maroc, 2Service de Chirurgie Générale, Hôpital Militaire Avicenne, Marrakech, Maroc, 3Service d’Oncologie Médicale, Institut National d’Oncologie, Rabat, Maroc
&Auteur correspondant
Ilias Benchafai, Service d’ORL et CCF, Hôpital
Militaire d’Instruction Mohamed V, Rabat, Maroc
Le cancer du sein est la première cause de décès par cancer chez la femme dans le monde. Les principaux sites métastatiques sont l’os, le poumon, le foie, le cerveau et les ganglions. Les métastases amygdaliennes sont extrêmement rares. Nous rapportons l’observation d’une patiente âgée de 48 ans suivie pour un carcinome canalaire infiltrant du sein type Luminal A depuis 2011. Le traitement initial a consisté en une chirurgie, une chimiothérapie et une hormonothérapie adjuvante. Après un intervalle libre de 5 ans, la patiente a présenté une rechute métastatique isolée au niveau de l’amygdale gauche. Une résection chirurgicale puis une chimiothérapie a été proposée. A travers ce travail nous proposons une revue de littérature sur les métastases amygdaliennes.
English abstract
Breast cancer is the leading cause of cancer death among women in the world. The most common sites of metastases are the bones, the lungs, the liver, the brain and the lymph nodes. Tonsillar metastases are extremely rare. We report the case of a 48-year old female patient who had been treated for infiltrating ductal breast cancer (luminal A) since 2011. Initial treatment was based on surgery, chemotherapy and adjuvant hormone therapy. After 5-year relapse-free interval the patient developed metastasis in the left tonsil. Surgical resection and then a chemotherapy were proposed. The purpose of this study was to conduct a literature review on tonsillar metastases.
Key words: Breast cancer, metastases, palatine tonsils
Les tumeurs secondaires de l’amygdale sont extrêmement rares, elles sont estimées à environ 0,8% de toutes les tumeurs amygdaliennes [1]. Les tumeurs primitives les plus incriminées sont le mélanome malin, l’ADK gastrique et l’hypernéphrome. Le cancer du sein est l’une des tumeurs primitives les plus rares à métastaser à l’amygdale. Les métastases amygdaliennes sont de diagnostic facile et se manifestent souvent par des maux de gorge, des odynophagies, des dysphagies, ou bien des hémorragies et dans les cas avancés par un trismus. Parfois elles sont asymptomatiques découvertes lors d’un examen oral de routine. Les métastases amygdaliennes sont de mauvais pronostic avec une survie moyenne de 9 mois après leurs découvertes, quel que soit la nature de la tumeur primitive [2]. Nous rapportons un cas rare d’une rechute métastatique amygdalienne isolée d’un cancer du sein.
Il s’agit d’une patiente de 48 ans suivie pour cancer du sein depuis 2011. La patiente avait bénéficié d’une mastectomie gauche avec curage ganglionnaire. L’examen histologique était en faveur d’un carcinome canalaire infiltrant du sein type luminal A. Le traitement adjuvant a consisté en six cycles de chimiothérapie à base d’anthracyclines et taxanes puis une hormonothérapie pendant 5ans. Au cours de son suivi qui a duré cinq ans, la patiente s’est plainte d’une odynophagie. L’examen ORL a objectivé une masse nécrosée blanchâtre de l’amygdale palatine gauche, très douloureuse et friable à la biopsie (Figure 1) et dont le résultat de la biopsie a révélé une localisation secondaire du carcinome canalaire du sein avec expression de l'anticorps anti-Mammaglobin par les cellules tumorales (Figure 2, Figure 3, Figure 4). Le profil moléculaire était toujours de type luminal A. Un bilan d’extension fait d’IRM cervicale, de TDM thoraco-abdomino-pelvienne et de scintigraphie osseuse, n’a pas retrouvé d’autres localisations secondaires. La patiente a subi une large amygdalectomie et une chimiothérapie lui a été proposée.
Première cause de mortalité par cancer chez la femme, le carcinome du sein est le plus fréquent cancer féminin au monde avec 1,4 million de nouveaux cas par an [3]. Au moment de son diagnostic, il est dans 46% des cas associé à des métastases régionales ou à distance. L’os, le poumon, le foie, le cerveau et les ganglions sont les sites métastatiques les plus fréquents [4]. Les métastases amygdaliennes sont très rares et représentent moins de 1% de toutes les tumeurs amygdaliennes [2]. Les tumeurs primitives les plus incriminées sont le mélanome malin [5] et le carcinome bronchique à petites cellules [6]. D’autres localisations primaires ont été décrites tel que l’adénocarcinome gastrique, le carcinome anaplasique de la thyroïde, l’adénocarcinome du côlon et de la prostate mais à moindre fréquence [2]. Pour les tumeurs du sein, les métastases amygdaliennes sont rares et à notre connaissance moins de dix cas ont été rapportés dans la littérature avec 3 cas décrits avant 1910 [2,7-9]. Le type histologique retrouvé est le carcinome [8-10], les tumeurs phyllodes malignes [11,12] et les angiosarcomes [7,13]. La rareté de ces métastases amygdaliennes s’explique d’une part que les amygdales n’ont pas de vaisseaux lymphatiques afférents. D’autre part, le tissu amygdalien est riche en cellules réticulo-endothéliales capables d’éliminer les cellules tumorales [12]. Les métastases amygdaliennes peuvent être bilatérales ou unilatérales avec une prédilection pour le côté gauche [2,7].
Les rechutes métastatiques isolées du cancer du sein après in intervalle libre sont rares [2,10]. Ces rechutes isolées pourraient s’expliquer par la présence de cellules dormantes qui échappent aux traitements cytotoxiques [14]. Cela laisse à penser que l'on peut être "cliniquement guéri", sans pour autant être "biologiquement libre" du cancer. Le cas ci présent illustre la nécessité de suivi à long terme dans le carcinome du sein. Concernant le profil moléculaire, il a été décrit un changement du statut des récepteurs hormonaux et de l’HER2 entre la tumeur primitive et la métastase allant jusqu’à 20%, d’où l’intérêt de la biopsie [15]. Pour notre cas, il s’agissait du même profil moléculaire. L’apparition de métastase amygdalienne est souvent symptomatique allant d’une sensation de corps étranger, de mal de gorge, d’otalgie, d’odynophagie jusqu'à une dysphagie ou une dyspnée et elle est parfois révélée par une hémorragie amygdalienne. La métastase amygdalienne d’un cancer du sein est souvent associée à un taux élevé du CA 15-3 (1245.3 mU/ml chez notre patiente). L’amygdalectomie chirurgicale fournit un diagnostic histologique et permet de soulager la douleur et de tarir un saignement s’il existe. En outre la chimiothérapie conventionnelle, certaines thérapies ciblées tels que le trastuzumab, le lapatinib ou le nératinib peuvent être utiles à ce stade de la maladie. Les métastases amygdaliennes même isolées restent de mauvais pronostic quel que soit la nature de la tumeur primitive et le type de traitement entrepris, avec une durée moyenne de survie estimée à 9 mois après le diagnostic [2].
Les métastases amygdaliennes isolées du cancer du sein sont rares mais peuvent exister. Un suivi régulier à long terme des patientes avec biopsie de toute anomalie amygdalienne reste nécessaire. Bien que le présent cas ne soit qu’un évènement rare, il confirme que la patiente atteinte de cancer du sein peut être considérée comme cliniquement guérie mais pas biologiquement libre de cancer, d’où la nécessité d’un suivi à long terme.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.
Tous les auteurs ont contribué à la rédaction de cet article. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale de ce manuscrit.
Figure 1: aspect clinique de l’amygdale palatine gauche
Figure 2: muqueuse pharyngée ulcérée en surface et infiltrée par une prolifération tumorale d´allure carcinomateuse
Figure 3: cette prolifération est faite d´amas et de boyaux de cellules au cytoplasme abondant et au noyau arrondi anisocaryotique hyperchromatique
Figure 4: expression de l´anticorps anti-mammaglobin par les cellules tumorales
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