Invagination intestinale aiguë colo-colique transverso-transverse du nourrisson avec revue de littérature: à propos d´un cas
Eugène Syalita Nzanzu, Jean-Bosco Mbeva Kahindo
Corresponding author: Eugène Syalita Nzanzu, Service de Chirurgie, Hôpital Général de Référence Kitatumba de Butembo, République Démocratique du Congo
Received: 18 Jul 2022 - Accepted: 03 Jan 2023 - Published: 13 Jan 2023
Domain: Pediatric surgery
Keywords: Invagination intestinale aiguë, colo-colique, nourrisson, escherichia coli, cas clinique
©Eugène Syalita Nzanzu et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Eugène Syalita Nzanzu et al. Invagination intestinale aiguë colo-colique transverso-transverse du nourrisson avec revue de littérature: à propos d´un cas. PAMJ Clinical Medicine. 2023;11:19. [doi: 10.11604/pamj-cm.2023.11.19.36389]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/11/19/full
Case report
Invagination intestinale aiguë colo-colique transverso-transverse du nourrisson avec revue de littérature: à propos d´un cas
Invagination intestinale aiguë colo-colique transverso-transverse du nourrisson avec revue de littérature: à propos d´un cas
Acute transverse colocolonic intestinal intussusception in infants with literature review: case report
&Auteur correspondant
L´invagination intestinale aiguë est la cause la plus fréquente d´occlusion intestinale du nourrisson. Cet article rapporte une invagination intestinale aiguë colo-colique transverso-transverse qualifiée d´exceptionnelle chez un nourrisson. Il s´agit d´un nourrisson de 29 mois de sexe féminin référé pour syndrome dysentérique, d´une structure éloignée de 52 km de l´hôpital après 5 jours de traitement pour une gastro-entérite. A son admission hospitalière, il présente une toux productive, il est anorexique, afébrile, polypnéique, tachycarde, son pli cutané s´efface lentement, sa cavité buccale est sèche. Son abdomen est ballonné, souple, dépressible. Le boudin est palpé au mésogastre à un travers de doigt sous l´ombilic. La fosse iliaque droite est habitée. Au toucher rectal, les selles sont glaireuses. L´hypothèse diagnostique d´une invagination intestinale aiguë probablement iléo-colique a été émise. L´exploration chirurgicale a mis en évidence une invagination colo-colique transverso-transverse sur environ 20 cm, un mésocôlon transverse au collet du boudin avec des lymphadénites, des anses coliques et iléales dilatées par de l´air. Une exsufflation colique, une désinvagination colique rétrograde et une appendicectomie de principe ont été réalisées. Les suites opératoires ont été simples avec une coproculture positive à Escherichia coli 1 sensible à l´Azithromycine. Dans un contexte de ressources limitées, une grande vigilance du clinicien est requise face à l'invagination intestinale aiguë, en vue d´un diagnostic précoce nécessaire pour réduire le niveau élevé de mortalité. Cet article a le mérite de rapporter une invagination intestinale aiguë colocolique transverso-transverse exceptionnelle à coproculture positive à Escherichia coli avec des suites opératoires simples.
Acute intestinal intussusception is the most common cause of intestinal obstruction in infants. This study reports an exceptional case of acute transverse colocolonic intussusception in an infant. The study involved a 29-month-old female infant referred from a facility 52 km away from the hospital for the treatment of dysenteric syndrome after 5 days of therapy for gastroenteritis. On admission to hospital, the patient had productive cough, was anorectic, afebrile, polypneic, tachycardic, had gradually receding skin fold and dry mouth. His abdomen was bloated, soft, depressible. The bladder was palpable in the mesogastrium one fingerbreadth below the umbilicus. The right iliac fossa was populated. Rectal examination showed the presence of mucoid stool. The diagnosis of acute intestinal invagination, probably ileocolic, was made. Surgical exploration revealed transverse intestinal intussusception measuring about 20 cm in lenght, transverse mesocolon at the neck of the pudding with lymphadenitis, and colonic and ileal loops dilated with air fluid levels. Colonic exsufflation, retrograde colonic desinvagination and appendectomy were performed. The postoperative course was simple, with positive coproculture for Azithromycin-sensitive Escherichia coli 1. In a context of limited resources, clinicians should suspect acute intussusception. Early diagnosis is necessary to reduce the high rates of mortality. This study reports an exceptional case of acute transverse colocolonic intussusception with positive coproculture for Escherichia coli and simple postoperative course.
Key words: Acute intestinal intussusception, colo-colonic, infant, Escherichia coli, case report
L´invagination intestinale aiguë (IIA) est un retournement en doigt de gant d´un segment intestinal d´amont accompagné de son méso dans un segment intestinal d´aval [1,2]. C´est une urgence chirurgicale et la cause la plus fréquente d´occlusion intestinale aiguë chez le nourrisson [1,2]. Dans les pays développés, l´incidence de l´IIA varie entre 0,5 et 4,3 cas pour 1000 naissances vivantes [1]. En Afrique subsaharienne, son incidence est élevée [1]. Mais, faute d´études d´incidence relatives aux nourrissons et enfants, la fréquence annuelle moyenne hospitalière de l´IIA varie de 1 à 60 cas selon les années et les sites où les études ont été menées [3]. L´IIA est plus fréquente chez les garçons avec un sex ratio variant de 1,1/1 à 9/1 selon les pays [3]. Son étiologie est mal connue. Elle est idiopathique dans 90% des cas [1]. L´hypertrophie des plaques de Peyer d´origine virale dans la région iléocæcale serait l´obstacle en cause [1,4]. Des parasitoses, des infections virales et bactériennes ainsi que la vaccination contre le rotavirus ont été associées à l´IIA [1,4]. Il en est de même de l´allaitement maternel et des antibiotiques [1]. L´existence d´une malformation intestinale telle un cæcum non fixé, une malrotation intestinale est connue aussi comme facteur favorisant [1]. L´IIA est secondaire, dans moins de 10% des cas, à une cause locale, une maladie générale ou un contexte particulier (nouveau-né, prématuré, chimiothérapie, en post-opératoire, post vaccin à rotavirus) [1,4]. Dans ce cas, elle se voit à tout âge mais surtout chez les enfants de plus de 5 ans et en tout point du tube digestif [1]. Si le diagnostic, la prise en charge et le pronostic sont améliorés dans les pays développés [1], dans les pays à ressources limitées, le diagnostic est tardif [2,3] et de ce fait, la prise en charge limitée seulement à la chirurgie [2,3]. Le taux de mortalité varie entre zéro et 1% dans les pays développés [1], alors qu´elle est élevée en Afrique pouvant atteindre 54% [3]. Le manque d'installations radiologiques et d'expertise chirurgicale pédiatrique peut conduire à un retard diagnostique et thérapeutique ou même au non établissement du diagnostic avant le décès [3]. Le but de ce travail est de rapporter une IIA colo-colique transverso-transverse qualifiée d´exceptionnelle [4,5] chez un nourrisson et d´attirer l´attention du clinicien sur les formes qu´elle peut prendre, rendant son diagnostic difficile dans le contexte à ressources limitées.
Informations anonymes spécifiques au patient: un nourrisson de 29 mois de sexe féminin a été référé à l´Hôpital Général de Référence (HGR) Kitatumba en ville de Butembo, dans la province du Nord-Kivu, à l´Est de la République Démocratique du Congo (RDC) pour une présomption d´une perforation amibienne en date du 21 février 2022. Il a été admis le lendemain en service de chirurgie après avoir parcouru une distance d´environ 52 km sur moto.
Principaux symptômes du patient: il s´est plaint des douleurs abdominales intermittentes et d´une émission de selles glaireuses teintées de sang.
Chronologie (histoire de la maladie et des soins): le début de sa symptomatologie clinique remonte à une semaine de notre consultation par une émission de selles liquides accompagnée de vomissements. Il a été suivi dans un centre de santé de référence pendant 5 jours et a reçu du Métronidazole infusion. L´évolution a été marquée par l´amendement des vomissements et de la diarrhée. L´apparition des selles glaireuses teintées de sang et d´un ballonnement abdominal ont motivé la référence pour sa prise en charge.
Antécédents médicaux: il n´y a pas eu de notion d´une hospitalisation antérieure. Son calendrier vaccinal est achevé mais la notion de vaccination contre le rotavirus n´est pas précisée.
Complément d´anamnèse: il est anorexique et présente une toux productive.
Résultats cliniques: c´est un nourrisson lucide, afébrile à 36,3°C, polypnéique régulier à 36 cycles/minute, tachycarde à 152 battements à la minute, pesant 10 kg. Sa saturation en oxygène à l´air ambiant est normale soit 95%. Ses conjonctives palpébrales sont normalement colorées et les bulbaires sont anictériques. Son pli cutané s´efface lentement. Sa cavité buccale est sèche. Le thorax est symétrique avec présence des râles ronflants dans les 2 champs pulmonaires. Son abdomen est ballonné, souple, dépressible, le boudin est palpé au mésogastre à un travers de doigt sous l´ombilic. La fosse iliaque droite (FID) est habitée. Au toucher rectal (TR), les selles sont glaireuses.
Diagnostic: nous avons émis comme hypothèse diagnostique une IIA probablement iléo-colique compliquée d´une déshydratation modérée compliquant une gastro-entérite afébrile et une bronchite associée. Nous avons décidé d´une exploration chirurgicale.
Examens de laboratoire: le taux d´hémoglobine a été normal à 15,8 g/dl. Pour la numération formule sanguine, il a été noté une hyperleucocytose à 12300/mm3 à prédominance neutrophilique.
Intervention thérapeutique: nous avons entrepris la mise en condition préopératoire par une réhydratation avec du Ringer lactate 500 ml/3h; une sonde nasogastrique d´aspiration a été placée ainsi qu´une sonde Foley CH n°6, une antibiothérapie composée de Ceftriaxone 2 x 1 g/j et de Gentamycine 1 x 50 mg/j a été instaurée. Deux heures et demie après avoir posé le diagnostic et 6 heures 30 minutes après son admission, il a été admis au bloc opératoire où sous anesthésie générale le constat suivant a été établi après laparotomie: 1) les anses coliques et iléales dilatées par de l´air en amont du boudin; 2) une invagination colo-colique transverso-transverse sur environ 20 cm dont la tête du boudin est à la fosse iliaque gauche; 3) le mésocôlon transverse au collet du boudin présente des lymphadénites dont le plus grand a 1 cm de diamètre. Les actes suivants ont été réalisés: 1) une exsufflation colique à l´aide d´une aguille de seringue 21 G avec suture en bourse au vicryl 4/0; 2) une désinvagination colique rétrograde c'est-à-dire une réduction partant de la tête du boudin, l´anse colique étant viable au vu du retour du péristaltisme après application du sérum salin chaud; 3) une appendicectomie de principe. Le prélèvement d´un ganglion du mésotransverse n´a pas pu être réalisé faute de liquéfaction après 2 tentatives.
Suivi et résultats des interventions thérapeutiques: les suites opératoires ont été simples. Au deuxième jour post-opératoire, le résultat de la coproculture en cours dès son admission a révélé escherichia coli 1 (E. coli) sensible à l´Azithromycine que le nourrisson a reçu pendant 5 jours per os. Il est sorti de l´hôpital au septième jour post-opératoire. Un mois et demi après la désinvagination, il a été revu en consultation en ambulatoire n´accusant aucune plainte.
Consentement éclairé: le consentement éclairé et libre des parents a été obtenu pour la rédaction et la publication de ce manuscrit.
L´IIA représente la cause la plus fréquente d´occlusion intestinale aiguë du nourrisson de moins de 2 ans et plus particulièrement entre 3 et 9 mois [1,6]. Notre nourrisson avait 29 mois, elle se situait en dehors de ce pic de 3 à 9 mois. En effet, l´IIA secondaire peut survenir à tout âge surtout chez l´enfant de plus de 5 ans et à tout point du tube digestif [1]. De là, faut-il qualifier notre IIA de secondaire ? Nous répondons par la négative faute d´avoir des arguments concordants (même germe, sérotype, biotype et lysotype, isolé en coproculture et lymphadénoculture) [7]. Mais l´âge en dehors du pic soit 29 mois, un site inhabituel transverso-transverse d´IIA avec lymphadénites mésocoliques [1,4], une coproculture positive à Escherichia coli 1 pourraient être des arguments en faveur du caractère secondaire de l´IIA chez notre nourrisson. Après l'âge de 2 ans, un point de départ pathologique est retrouvé chez un tiers des patients avec IIA [1].
En 1992, Hervas et al. [7] avaient rapporté un cas d´invagination intestinale chronique (IIC) iléocæco-colique chez un enfant de 8 ans sans signes digestifs mais à coproculture et lymphadénoculture positives au même Yersinia enterolitica; ce qui leur avaient permis de conclure à une IIC secondaire. En ce qui concerne notre nourrisson, la lymphadénoculture n´a pas été possible faute d´avoir un specimen adéquat. Des études ultérieures permettront de clarifier la question. L´IIA est liée à un trouble du péristaltisme d´origine mal connue [1]. Chez notre nourrisson nous retrouvons la diarrhée avec une coproculture positive à Escherichia coli 1. L´entérite à E. coli serait responsable d´une augmentation du péristaltisme intestinal favorisant l´invagination au même titre qu´une infection virale [1,4]. L´hyperpéristaltisme serait déclenché par des réflexes neuro-végétatifs à point de départ ganglionnaire [5]. Le site de l´invagination étant colo-colique transverso-transverse, loin de l´iléon terminal, l´hypothèse de l´hypertrophie des plaques de Peyer situées à l´iléon terminal qui serait l´obstacle en cause [1,4] est ici battue en brèches. En revanche, Il est connu que l'hypertrophie des lymphonœuds mésentériques de toute étiologie peut servir de point de départ pour l'invagination [7]. Ce qui serait le cas chez notre nourrisson.
La triade symptomatique de l´IIA, présente dans un tiers des cas, est composée de douleurs abdominales, vomissements et rectorragies [1,4]. Elle n´a pas été retrouvée au début à l´admission du nourrisson au centre de santé de référence. Cependant, dans l´évolution clinique de notre nourrisson, elle y est présente ; ce qui nous permet de qualifier l´IIA de forme classique [1]. C´est pourquoi nous insistons sur la vigilance du clinicien qui, devant tout épisode de pleurs paroxysmaux violents avec refus d´alimentation et rectorragies, pourrait évoquer le diagnostic d´IIA potentielle [6]. Et en conséquence, il faut référer le nourrisson pour une prise en charge dans un milieu médico-chirurgical pédiatrique si possible en urgence [6]. Mais, ce propos doit être nuancé pour dire qu´il ne faut pas attendre la rectorragie qui est un signe majeur [1] mais tardif dans la chronologie des symptômes et signes pour pouvoir poser le diagnostic [5]. La chronologie habituelle étant composée de douleurs abdominales paroxysmales évoluant par crise, de vomissement après la première crise, de refus de s´alimenter et enfin de rectorragie, un signe qui est rare au début [1,5]. Les douleurs abdominales peuvent être absentes chez le nourrisson de moins de 4 mois [1].
Ainsi, le moment capital pour évoquer le diagnostic est l´interrogatoire [6]. Il doit être précis, à la recherche de signes caractéristiques orientant d´emblée vers l´IIA. Il faut demander à la mère de décrire ce qui arrive au nourrisson. Elle répondra que le nourrisson est calme, normal et subitement, il se met à hurler comme je ne l´ai jamais entendu, un court instant, d´une à quelques minutes, puis il s´arrête d´hurler tout aussi brutalement et reprend une activité normale [1,4,6] ou reste inquiet [5] méditant sur la survenue de la prochaine crise. Pour se rappeler de ces crises, Harouchi [5] les décrit comme des crises douloureuses soudaines, nous citons, tel un « coup de tonnerre dans un ciel serein ». En bref, le nourrisson crie, s´agite, son faciès se contracte et devient pâle [1,4] ; les cris sont inhabituels, inoubliables pour les parents [5]. Ces crises s´alternent au fil des heures, elles sont de plus en plus rapprochées et durent plus longtemps [6]. Les douleurs abdominales paroxysmales peuvent être isolées dans 15% des cas [1]. C´est pourquoi, dans les milieux à ressources limitées nous proposons ceci : « chez un nourrisson, la seule notion de douleurs abdominales paroxysmales évoluant par crises impose la suspicion de l´IIA bien avant l´apparition de la rectorragie [5] ». Cette dernière est variable [4] dans son aspect : sang pur et frais mélangé à quelques matières diarrhéiques, glaire sanguinolente ou selle véritable entourée de sang [1,5]. La rectorragie traduit le caractère déjà évolué de l´IIA (stade d´ischémie, voire de nécrose) [4,6]. La nécrose de la paroi intestinale peut se révéler par des rectorragies plus importantes ou du méléna [1,4]. En dehors de la forme classique, il est décrit des formes atypiques qui doivent tout aussi être connues des cliniciens pour ne pas retarder le diagnostic et par conséquent la prise en charge [1]. Lamber et al. [1] citent les formes suivantes: 1) forme entérocolitique avec diarrhée fébrile [4]; 2) forme hémorragique avec rectorragie importante; 3) forme occlusive pouvant correspondre à une invagination iléo-iléale; 4) forme avec boudin extériorisé ; cette forme est fréquente à cause de la méconnaissance de l´affection dans les pays à ressources limitées [2,5,6] faisant conclure hâtivement au diagnostic de gastro-entérite; 5) forme neurologique [4], pseudoméningée où les symptômes neurologiques sont au premier plan (hypotonie, convulsions, altération de la conscience). Amzallag M. [6] insinue une autre forme pseudo-neurologique qui survient parfois lorsque les douleurs sont si violentes que l´enfant peut ne pas présenter de crises de pleurs paroxysmaux. Mais il peut, par contre, être dans un état de prostration profonde. Il est totalement aréactif, le regard vide, pouvant faire évoquer une atteinte de la conscience : l´enfant est "absent", le regard vide, très pâle, trop calme. Cette forme neurologique est l´expression d´une si importante striction vasculaire au collet de l´IIA [4].
Ces formes font à ce que le diagnostic de l´IIA n´est pas facile. Les signes cliniques peuvent être trompeurs par la variabilité des signes fonctionnels d´appel et entraîner un retard diagnostique aux conséquences gravissimes [6]. Nous n´avons pas eu besoin de l´échographie pour poser le diagnostic tant la clinique était patente chez notre nourrisson. Cependant l´échographie abdominale demeure un examen de référence en matière d´IIA du nourrisson et de l´enfant car facilement réalisable et n´entraînant pas d´irradiations [1,4,6]. L´abdomen sans préparation (ASP) a un intérêt controversé en raison des particularités anatomiques avant 5 ans d´âge où le sigmoïde fait une boucle à la FID dans 45% des cas pouvant simuler un cæcum rempli des matières [1]. Les auteurs s´accordent pour dire que l´ASP normal n´élimine pas le diagnostic de l´IIA [1,4,6]. Le lavement hydrostatique ou pneumatique surveillé par scopie (irradiation) ou par échographie a actuellement un intérêt plus thérapeutique que diagnostic en l´absence de contre-indication (perforation) [1,4,6]. Il n´est pas accessible dans le contexte à ressources limitées où la réduction chirurgicale est encore la seule option thérapeutique liée le plus souvent au retard diagnostique [2]. Les formes atypiques requièrent les examens complémentaires pour le diagnostic [1,6]. Il arrive que ces examens ne soient pas à la portée du clinicien qui devra alors soit référer vers un centre plus équipé [6] soit s´atteler à l´interrogatoire et à l´examen physique minutieux pour établir le diagnostic [6]. L´appendicectomie de principe est controversée dans la littérature [1,8]. Au vu du site d´IIA colo-colique transverso-transverse chez notre nourrisson, elle est discutable bien qu´ayant été réalisée. Amzallag [6] rapporte qu´une appendicectomie évite le risque de récidives qui passe de 10 % à 1 %. Il s´agirait ici d´appendicectomie dans les formes iléocoliques ou iléocæcales qui sont les plus fréquentes [1,4,8]. Rien n´est dit sur les formes colo-coliques qui sont exceptionnelles ou iléo-iléales qui sont rares quant à l´appendicectomie [4].
Les suites opératoires ont été simples probablement à cause de l´absence de nécrose du transverse malgré la durée que peut avoir eu l´invagination. Plus que la durée d´évolution de l´IIA, c´est le degré de striction au niveau du collet qui entraîne une stase veineuse et lymphatique avec œdème qui accentue la compression, arrêtant le flux artériel responsable des lésions muqueuses, voire de nécrose et de perforation [1,2,4]. La morbidité est liée à la cause et aux complications de l´IIA qui sont fonctions du degré de striction des vaisseaux irriguant la paroi intestinale (déshydratation, ischémie - nécrose - perforation intestinale et sepsis, choc septique) [1]. Le retard au diagnostic aggrave les complications [1]. L´IIA a entraîné une résection intestinale dans 36 à 66% [6] des cas en Afrique en fonction du délai diagnostique [2,6]. En outre, il existe une morbidité liée à toute intervention estimée à 1% dans les pays développés [1] et qui peut passer au-delà dans les pays en développement en cas de traitement chirurgical (complication de l´anesthésie, abcès de la paroi, occlusion sur bride, péritonite post-opératoire). La mortalité est élevée au-delà de 1% dans les séries africaines hospitalières variant d´une contrée à une autre et d´une année à une autre [2,6,8]. Pourtant c´est en pré-hospitalier [3] que les conséquences effroyables de l´IIA surviennent en l´absence d´une évocation diagnostique (52% en Haïti, 55% au Niger, 58% en Inde) [6]. Le diagnostic et la prise en charge précoces sont en dehors de la lésion causale et des risques opératoires, les seules garanties d´une éventuelle évolution bénigne [1,6]. Trois retards sont identifiés dans la prise en charge de l´IIA en Afrique: - retard à la consultation (RC) - retard diagnostique (RD) - retard thérapeutique (RT) [2]. La détérioration physiologique du malade à laquelle ces 3 retards contribuent davantage est défavorable à un résultat post-chirurgical satisfaisant [9,10].
Le RC est compris comme le temps anormalement long écoulé entre le début des symptômes et la première consultation dans une formation sanitaire (FOSA) de base ou secondaire ou tertiaire. L´extrême inférieur que nous prenons comme référence varie de 2 à 5 heures selon les études ayant pour objet une occlusion intestinale [2,11]. En Afrique, le RC résulterait des conditions socio-culturelles et économiques de nos populations, et à l´ignorance des parents qui tentent en premier lieu une automédication ou une médication traditionnelle devant les troubles digestifs et en cas d´échec, envisagent une consultation médicale [2]. Le coût de soins relativement élevé dans les FOSA [8,9] favoriserait le recours à l´automédication ou systématiquement aux tradi-thérapeutes du fait de leur proximité géographique et culturelle [2]. Ce RC explique pourquoi souvent les nourrissons souffrant d´IIA sont admis dans les FOSA au stade de complications [2]. Le RT est le temps écoulé au-delà 6 heures entre l´heure d´admission et le traitement curatif [9,10]. Le RD quant à lui peut être pris comme le temps anormalement long écoulé entre l´admission et le moment où le diagnostic d´IIA est posé dans une FOSA [8]. Le RD peut être considéré au-delà de 3 à 4 heures [8] en le déduisant du RT accepté de 6 heures sachant que la réanimation prend 2 à 3 heures. Le RD serait lié dans les structures périphériques aux professionnels de santé méconnaissant l´IIA [8] et qui mettent à tort tous les symptômes digestifs sur le compte de gastro-entérite ou de dysenterie [2]. Ceci a été observé chez notre nourrisson. Le manque d´expertise en chirurgie pédiatrique et en imagerie médicale dans les FOSA [3] qui sont éloignées par rapport aux grands regroupements de population serait aussi une cause en prendre en compte [8]. Notre nourrisson a dû parcourir 52 km pour atteindre le lieu de sa prise en charge. Le RT est lié à plusieurs facteurs qui sont intriqués [9,10]. Contrôler ou éliminer ces facteurs pourrait non seulement raccourcir le temps d´attente avant une intervention chirurgicale urgente mais aussi diminuer la morbi-mortalité [10]. Ces facteurs sont liés les uns aux patients et les autres aux insuffisances institutionnelles [9,10].
Pour les patients, il s´agit des contraintes financières en vue de faire face aux coûts de l´opération (matériels requis, actes, examens complémentaires) [9,10] et du temps nécessaire pour le consentement éclairé [9,10]. Les facteurs liés aux insuffisances institutionnelles peuvent être: 1) l´occupation ou l´indisponibilité des salles d´opérations (cas électifs de jour, longue file d´attente des urgences journalières ou manque de matériels stériles) [10]; 2) l´insuffisance du nombre de médecins qui ont des tâches simultanées dans différentes salles d´opération [10]; 3) les activités administratives ou académiques simultanées des chirurgiens ou anesthésistes [9,10]; 4) le retard du laboratoire à rendre les résultats ou l´indisponibilité du sang [9,10]; 5) l´indisponibilité de lits en salle de réveil [10]; 6) le temps pris pour la réanimation préopératoire [10]. Pour pallier ces 3 retards nous proposons, contre le RC la sensibilisation de la population pour améliorer ses connaissances en matière d´IIA, l´amélioration de l´accès géographique et financier aux soins [9]. Contre le RD, la formation continue pour l´amélioration de la connaissance clinique de l´IIA par les premiers acteurs de santé consultés, la collaboration améliorée entre professionnels de base et les spécialistes, l´amélioration des infrastructures et équipements des FOSA [6]. Contre le RT, le Contrôle ou l´élimination des facteurs impliqués qui sont intriqués [10]. L´entérotomie d´exsufflation à l´aiguille nous a permis de faciliter la réduction devant une valvule iléocolique continente en réduisant la pression en amont de l´obstacle. Ce geste n´est pas décrit mais il a été dicté en fonction du contexte local afin d´éviter une perforation diastatique non contrôlée lors de la désinvagination. Pour notre nourrisson, malgré les retards diagnostique et thérapeutique, le pronostic de l´IIA transverso-tranverse était bon probablement à la suite de la moindre striction du méso-côlon [1,4] et du traitement de l´entérite à E. coli.
Les symptômes précoces de l'IIA pourraient échapper aux cliniciens. L´affection étant qualifiée de bénigne dans les pays développés, elle devrait aussi l´être dans les pays à ressources limitées pour les formes typiques. Une grande vigilance du clinicien est nécessaire devant les présentations typiques et non typiques face à la morbidité et mortalité de l´IIA liées le plus souvent aux retards à la consultation, diagnostique et/ou thérapeutique et au degré de striction du mésentère. L´amélioration des infrastructures et équipements des FOSA et la connaissance clinique de l´IIA par les prestataires de base consultés permettront de réduire la gravité de cette affection dans les pays à ressources limitées. Une collaboration et une communication entre professionnels de santé à tous les niveaux sont nécessaires pour qualifier cette pathologie de bénigne dans les pays à ressources limitées. L´amélioration de connaissance de la population sur l´IIA par des efforts de sensibilisation, l´amélioration de l´accès géographique et financier aux soins éviteront le RC et les décès pré hospitaliers. Cet article a le mérite de rapporter une IIA colo-colique transverso-transverse exceptionnelle à coproculture positive à Escherichia coli dont les suites opératoires ont été simples.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.
Eugène Syalita Nzanzu a collecté les données et rédigé ce travail. Jean-Bosco Mbeva Kahindo a relu et corrigé ce travail. Tous les auteurs ont approuvé la version finale du manuscrit.
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