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Research

Enquête transversale sur la prévalence des maladies chroniques et des facteurs associés à un mauvais pronostic chez les patients COVID-19: cas du Centre Hospitalier Al Farabi au Nord-Est marocain

Enquête transversale sur la prévalence des maladies chroniques et des facteurs associés à un mauvais pronostic chez les patients COVID-19: cas du Centre Hospitalier Al Farabi au Nord-Est marocain

Cross-sectional survey on the prevalence of chronic diseases and factors associated with poor prognosis in COVID-19 patients: case of the Al Farabi Hospital Center in North-East Morocco

Saliha Mharchi1,&, Abdellatif Maamri1

 

1Water, Environment and Health Team, LAPABE Laboratory, Faculty of Science, Mohammed First University, Oujda, Morocco

 

 

&Auteur correspondant
Saliha Mharchi, Water, Environment and Health Team, LAPABE Laboratory, Faculty of Science, Mohammed First University, Oujda, Morocco

 

 

Résumé

Introduction: la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) a entraîné une morbidité et une mortalité considérables dans le monde entier depuis décembre 2019. Notre objectif est d´estimer la prévalence des maladies chroniques et d´identifier les facteurs associés au mauvais pronostic chez les malades COVID-19, hospitalisés à l´Hôpital Al Farabi au Nord-Est du Maroc.

 

Méthodes: nous avons réalisé une étude rétrospective transversale à visée analytique. La population étudiée comprenait 702 patients COVID-19 hospitalisés du 17 juillet au 31 août 2021. La régression logistique multivariée a permis d´identifier les facteurs associés.

 

Résultats: parmi les 702 patients hospitalisés, 70,9% (n = 498) étaient de sexe masculin contre 29% (n = 204) de sexe féminin, l'âge médian était de 40 ans (écart inter-quartile, 38-56 ans). La prévalence des maladies chroniques était de 56,7% (n = 398). Les comorbidités associées au risque de développer une forme grave ou de décès étaient l´obésité (OR = 5,633 IC95% [2,111 - 15,035], p < 0,001, l´insuffisance rénale terminale (OR = 2,116 IC95% [0,702 - 6,38], p < 0,018, le diabète (OR = 1,154 IC95% [0,292 - 4,554], p < 0,0001, et l´hypertension artérielle (OR = 0,984 IC95% [0,401 - 2,418], p < 0,012. Les signes cliniques qui sont fortement associé au décès étaient l insomnie (OR = 4,032 IC95% [1,127 - 14,422], p < 0,032 et la dyspnée (OR = 1,714 IC95% [0,630 - 4,668], p < 0,0001. Tandis qu´une atteinte pulmonaire supérieure à 70% (OR = 1,79 IC95% [1,13 - 3,19], p < 0. 002, et une saturation en oxygène < 80 (OR = 1,12 IC95% [0,064 - 1,67], p < 0,013 ont été significativement associées au risque de décès.

 

Conclusion: nous avons conclu que la prévalence des maladies chroniques est très importante chez les malades COVID-19. Par ailleurs, l´obésité, l´insuffisance rénale, le diabète, l´hypertension, la dyspnée, l´insomnie, la pneumonie et l´hypoxie étaient aussi les facteurs associés au risque de mauvais pronostic. Pour réduire le taux de complication et de mortalité, les actions de prévention doivent prendre en compte ces facteurs.


Introduction: coronavirus 2019 (COVID-19) disease has caused considerable morbidity and mortality worldwide since December 2019. Our objective is to estimate the prevalence of chronic disease and identify factors associated with poor prognosis in COVID-19 patients hospitalized at Al Farabi Hospital in North East Morocco. Methods: we conducted a retrospective cross-sectional study with analytical purposes. The study population included 702 COVID-19 patients hospitalized from July 17 to August 31, 2021. Multivariate logistic regression was used to identify associated factors. Results: among the 702 hospitalized patients, 70.9% (n=498) were male versus 29% (n=204) female, the median age was 40 years (interquartile range, 38-56 years). The prevalence of chronic disease was 56.7% (n=398). Co-morbidities associated with the risk of developing a severe form or dying were obesity (OR=5.633 IC95% [2.111-15.035], p < 0. 001, chronic end-stage renal failure (OR=2.116 IC95% [0.702-6.38], p < 0. 018, diabetes (OR=1.154 IC95% [0.292-4.554], p < 0.0001, and hypertension (OR=0.984 IC95% [0.401-2.418], p < 0. 012. The clinical signs that were strongly associated with death were insomnia (OR=4.032 IC95% [1.127-14.422], p < 0. 032 and dyspnea (OR=1.714 IC95% [0.630-4.668], p < 0.0001. While, lung injury greater than 70% (OR=1.79 IC95% [1.13-3.19], p < 0. 002, and oxygen saturation < 80 (OR=1.12 IC95% [0.064-1.67], p < 0.013 were significantly associated with the risk of death. Conclusion: we concluded that the prevalence of chronic disease is very important in COVID-19 patients. In addition, obesity, CKD (Chronic kidney disease), diabetes and hypertension, dyspnea, insomnia, pneumonia and hypoxia were also factors associated with the risk of poor prognosis. To reduce complication and mortality rate, preventive measures must consider these factors.

Key words: COVID-19, chronic diseases, prognosis, eastern region, Morocco

 

 

Introduction    Down

Depuis fin 2019, un nouveau bêta-coronavirus, connu sous le nom de virus corona 2 du syndrome respiratoire aigü sévère (SARS-CoV-2), a été identifié comme l'agent pathogène de la COVID-19. Il s'est rapidement, propagé en Chine et dans le reste du monde, d´où l´OMS lui a attribué le caractère pandémique [1]. Ce virus a entraîné une morbidité et une mortalité considérables dans plus de 200 pays et régions du monde [2]. Selon les statistiques mondiales, le taux de mortalité du COVID-19 est de 4,3% [3]. Ses dommages sur les êtres humains ont dépassé l´épidémie de syndrome respiratoire aigü sévère (SRAS) en 2002 et de syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) en 2012 [2]. Les symptômes du COVID-19 aux premiers stades comprennent une pneumonie, de la fièvre, des myalgies, de la fatigue, de la diarrhée et une perte de l'odorat et du goût [3]. Ces manifestations sont légères dans 80% des cas. Cependant, une forme grave et potentiellement mortelle peut se manifester chez environ 13,8 et 6,1% des malades, nécessitant leur admission à l'hôpital et parfois dans une unité de soins intensifs [4]. En effet, les études sur les patients atteints par la COVID-19 ont montré que les personnes souffrant de maladies sous-jacentes ont non seulement un risque plus élevé de développer la maladie mais sont également plus susceptibles de mourir de l'infection virale [4]. Un autre facteur influençant le taux de mortalité du COVID-19 est l'âge avancé, notamment au-delà de 60 ans [4]. Bien que la présentation épidémiologique et clinique du COVID-19 soit bien documentée dans plusieurs pays du monde, les informations concernant les facteurs de gravité de cette maladie en Afrique, en particulier le Maroc, restent rares et limitées. Ainsi, une analyse actualisée des cas pourrait aider à améliorer considérablement nos connaissances et, par conséquent, réduire le taux de mortalité dans notre région, compte tenu de son contexte spécifique: 1) le Maroc est classé en première position des pays maghrébins avec 149841 cas de COVID-19 et 2572 (1,71%) décès suivi par la Tunisie et l´Algérie [5]; 2) 21% de la population marocaine présentait au moins une maladie cardiovasculaire (MC) [6]; 3) les ressources limitées et un système de santé défaillant [7]; 4) la préfecture d´Oujda, lieu de notre étude, enregistrait en ce moment la grande proportion des cas 53,25% et un taux de létalité de 2,32%, taux supérieur à la moyenne nationale [8]. Une panoplie de mesures et décision ont été prises pour freiner cette invasion mais sans résultat [9]. C´est ainsi que notre étude se propose d´estimer la prévalence des maladies chroniques et les facteurs associés au mauvais pronostic chez les patients atteints de COVID-19.

 

 

Méthodes Up    Down

Conception et cadre de l'étude: il s´agit d´une étude transversale à visée analytique, effectuée au Centre Hospitalier Al Farabi entre le 17 Juillet et le 31 Octobre 2020. Notons que cet hôpital est à vocation régionale, dessert toute la population de la région orientale, dans le contexte de la pandémie, il a été désigné comme centre COVID-19 accueillant les patients ayant une forme grave référés des 6 provinces de la région. Au sein de l´hôpital, il y avait 2 pôles: pôle médical A et pôle chirurgical B. Chaque pôle contient 6 services avec des circuits distincts. L´hôpital avait un seul service de réanimation situé au 3e étage du pôle A.

Population de l'étude: les patients inclus dans cette étude sont des hommes et femmes âgés de 18 ans et plus, avec MC ou non, admis au Centre Hospitalier Régional (CHR) Al Farabi pour une infection SARS-CoV-2 confirmée par test Polymerase Chain Reaction (PCR). Les femmes enceintes et les patients de moins de 18 ans ont été exclus. Tous les dossiers des patients hospitalisés dans le pôle A pendant la période d'étude ont été consultés (N = 702).

Collecte de données: pour expliquer les liens entre la présence de la MC et les complications observées chez les malades de COVID-19, toutes les variables en relation avec ces deux caractères ont été extraits des dossiers médicaux des patients depuis l´admission jusqu´à la sortie. Ces données comprennent la situation démographique (âge, sexe, résidence), clinique (antécédents médicaux et chirurgicaux), les commentaires des examens radiologiques effectués et évolution de la maladie (favorable, transfert en soins intensifs ou décédés).

Analyse statistique: des statistiques descriptives ont été utilisées pour représenter les variables de l´étude. Les variables continues ont été présentées sous forme de moyennes et d´écarts-types ou de médianes et d´écarts inter-quartiles (EI), selon le cas. Les variables des catégories ont été présentées sous forme de nombres totaux et de pourcentages. En analyse univariée, chaque variable indépendante a été croisée avec la variable dépendante. Ceci, afin d'étudier les associations entre chaque variable indépendante et la variable dépendante. En analyse multivariée, les variables significatives en analyse bivariée ont été intégrées dans le modèle de régression logistique. Les Odds ratio bruts avec leurs intervalles de confiance à 95% et les P-values ont été calculées. Toutes les analyses statistiques ont été effectuées à l'aide du logiciel SPSS 22.0. La valeur p < 0,05 a été considérée comme statistiquement significative.

Considérations éthiques: l'accès aux données des patients a été autorisé par le directeur régional de la santé (représentant du ministre à la région orientale) et le directeur de l´Hôpital Régional Al Farabi. Compte tenu de la conception rétrospective de cette étude, le consentement des patients n´était pas utile. L'anonymat des données a été respecté conformément aux directives nationales et internationales.

 

 

Résultats Up    Down

Caractéristiques cliniques des malades de COVID-19

Les caractéristiques socio-démographiques et cliniques de notre échantillon sont décrites dans le Tableau 1. Notre étude a concerné 702 malades COVID-19 hospitalisés au CHR Al Farabi. L´analyse des résultats a montré une prédominance masculine 71% (n= 498) dans la population total (sex ratio égal à 2 en faveur des H), comme dans les 2 groupes de malades avec MC et sans MC sans relation significative. L'âge médian de nos patients était de 40 ans (écart inter-quartile, 34-56 ans). Par contre les patients avec une MC ont tendance à être plus âgée (P < 0,020), dont la médiane était de 64 ans [(écart inter-quartile, (55-69)], et plus du tiers 37% (n = 147) leur âge se situe entre [61-80]. L´estimation moyenne de la durée d´hospitalisation montrait une relation significative avec la présence de MC (P < 0,004) qui s´étalait jusqu´au 8±2,6 jours contre 6j±1,1 en moyenne chez les malades sans comorbidité.

Prévalence des MC et pronostic des malades du COVID-19

Plus de la moitié de nos patients présentait au moins une MC 56,69%% (n = 398), dont la plus fréquente par rapport aux autres comorbidités est le diabète soit (47,73%) (n = 190) suivi pour hypertension artérielle (HTA) (20% (n=79), l´obésité (10%) (n = 39), l´insuffisance rénale (n = 25) et la cardiopathie (n = 24) (6%) (Figure 1). A l´admission, nos patients étaient symptomatiques (97,57% (n = 685)). Tous les signes cliniques étaient quasiment égaux chez les deux groupes sans différence significative. Selon le nombre de signe, 52% (n = 367) des malades présentaient au moins 2 signes et 12% (n = 84) signalaient plus de 3 signes (Figure 2). En général, la progression clinique de nos patients était favorable dans 72% des cas (n = 506), tandis que pour les 28% (n = 196) restants leur état de santé se compliquait soit 4,8% (n = 34) sont décédés, 10,5% (n = 74) ont été admis en soins intensifs, et 12,4% (n = 88) ont gardé des séquelles à leurs sorties à type d´insuffisance respiratoire. Pour les malades COVID-19 porteurs de comorbidité, le pronostic était moins favorable chez 47% (n = 187) des malades or, 53% (n = 211) ont échappé sans aucune complication malgré la présence de la MC. Ces complications était mortelless dans 7,8% (n = 31) des cas, laissant des récidives à la sortie dans 21,35% (n = 85) (insuffisance respiratoire) et nécessitant un transfert en soins intensifs dans 18% (n = 71) (Figure 3). Les patients sans MC saturaient bien en oxygène avec une moyenne de 90%, tandis que les patients avec MC leur saturation en O2 étaient inférieure à 80% avec un interval interquartile [66-82] P < 0,001. Selon le rapport médical de radiologie, l´atteinte pulmonaire détectée par imagerie tomodensitométrie (TDM) était relativement disproportionnée entre les 2 groupes avec MC et sans MC (Figure 3). Elle était plus étendue en présence d´une comorbidité (p = 0,019), dont 46% (n = 182) enregistrait une légère atteinte qui ne dépasse pas 30%, tandis que dans 54% (n = 216) le virus avait envahi plus de la moitié du poumon, avec l´aspect en verre de dépoli et des lésions bilatérales.

Facteurs associés au mauvais pronostic chez les malades de la COVID-19 (Tableau 2)

En analyse multivariée, seules les variables qui avaient une p < 0,05 lors de l'analyse univariée étaient éligibles (les MC par type, la dyspnée, l´insomnie, la saturation en O2 et TDM). La régression logistique multivariée a montré que les malades infectées par le SARS-CoV-2 et qui présentent une obésité (OR = 5,633 IC95% [2,111-15,035], p < 0,001, une insuffisance rénale terminale (OR = 2,116 IC95% [0,702-6,38], p < 0,018, un diabète (OR=1,154 IC95% [0,292-4,554], p < 0,0001, ou une hypertension artérielle (OR = 0,984 IC95% [0,401-2,418], p < 0,012, avaient un risque significatif de décès suite à cette association. Selon la même analyse, les signes cliniques prédicteurs d´un mauvais pronostic étaient l´insomnie (OR = 4,032 IC95% [1,127-14.422], p < 0,032 et la dyspnée (OR=1,714 IC95% [0,630-4,668], p < 0,0001. De même, les patients avec une atteinte pulmonaire supérieure à 70% (OR = 1,79 IC95% [1,13-3,19], p < 0,002, et qui désature (OR = 1,12 IC95% [0,064-1,67], p < 0,013 ont un risque plus élevé de décès.

 

 

Discussion Up    Down

A notre connaissance cette étude est l´une des premières réalisées au niveau de la régionale orientale. Elle détermine la prévalence des MC chez les malades infectés par le SARS-CoV-2 hospitalisés à l´Hôpital Régional Al Farabi. De plus, elle identifie les facteurs associés au mauvais pronostic chez les malades infectés par le SARS-Cov-2. Les principaux résultats tirés de cette recherche montraient une prévalence importante des MC (56,69%). Les comorbidités les plus fréquemment objectivées comme étant associées à un risque de développer une forme grave ou de décéder de l´infection étaient l´obésité, le diabète, l´insuffisance rénale et l´hypertension. Les signes cliniques qui sont fortement associés au décès étaient la dyspnée et l´insomnie. De même, le mauvais pronostic était observé en cas d´atteinte pulmonaire étendue et en cas de désaturation en oxygène (hypoxemie).

L´âge moyen de nos patients était de 40 ans (34-56) et était légèrement inférieur à l´âge moyen rapporté dans une étude précédente réalisées en Algérie qui rapportait une moyenne d´âge de 51,1 ans [10] et de 43,35 ± 15,75 ans dans une autre étude marocaine [11]. Le sexe masculin était largement prédominant dans notre série. Ce constat corrobore avec les résultats d´études sur COVID-19 où la prédominance est nettement masculine [12]. Selon les antécédents médicaux, plus de la moitié des patients 56,7% présentait au moins une maladie chronique. Cette prévalence est supérieure par rapport à une autre étude enregistrant 34,8% de maladie chronique associée, dont l´HTA était la plus représentée avec 24,5% des cas, suivie du diabète chez 17,9%, des maladies respiratoires 3,66% et de l´obésité avec 3% [13]. Cependant, elle était inférieure à celles trouvé au niveau national par Benkirane et al. 2021 à Casablanca (Maroc) 75% [11], El Ghalet et al. 2021 au CHU d´Oujda (Maroc) de 70% [14] et au niveau international en Algérie 70% [15] et en Tunisie 65% [16]. Par contre, notre résultat se rapprochait de celui trouvé par Huang et al. 2020, avec une prévalence de 47,1% des comorbidités chez les malades COVID-19 [17]. Cette fréquence de MC dans notre série, pourrait s´expliquer par la proportion des personnes âgées, où 25% se situait dans la tranche d´âge [41-60] et 21% dans la tranche [61-81 ans].

En analyse multivariée, les comorbidités les plus fréquemment objectivées comme étant associées à un risque de développer une forme grave ou de décéder de l´infection étaient: l´obésité, l´insuffisance rénale, le diabète et l´hypertension. Dans l'ensemble, nos conclusions font écho aux études récemment publiées par autres chercheurs [18]. Néanmoins, une différence a été reportée dans l´ordre de ces MC. Muller et al. en 2021, ont rapporté que parmi toutes les pathologies sous-jacentes observées, c'était l´hypertension artérielle qui était la plus incriminée (OR = 3,16 [95% CI,1,45-7,64]; p < 0,01), 46% (37%-55%) [18]. Par contre, une autre étude a montré que le diabète était l´un des principaux facteurs de risque identifié de présenter une forme grave et de décéder de la COVID-19 (OR = 3,15 [95% CI,1,65-6,00]; p < 0,01) [19]. Différentes hypothèses ont été avancées afin d´expliquer ces différences de prévalence et de priorité. Les caractéristiques des patients, la sévérité de la maladie peuvent être à l´origine de ces variabilités constatées entre les cohortes. En effet, les résultats de Simonnet et al. en 2020, sont similaires aux nôtres, rapportant la forte prévalence de l'obésité chez les patients atteints de COVID-19, constituant un facteur de risque de l'infection par le SARS-CoV-2 indépendamment de l'âge, du diabète et de l'hypertension [20]. De même, l' impact de l´obésité a été bien identifié dans l´infection de la grippe H1N1 et actuellement, cette relation n'est pas surprenante étant donné que l'obésité influence la fonction pulmonaire en provoquant une diminution du volume de la réserve expiratoire, de la capacité fonctionnelle et de la compliance du système respiratoire [21]. Par ailleurs, cette comorbidité conférait un risque accru de décès chez les malades de COVID-19 par rapport aux non-COVID-19 avec un risque (OR 1,261; IC à 95%, 1,109-1,433) [20].

Dans le cas de l´insuffisance rénale chronique terminale (IRCT), les données de la littérature suggéraient déjà un lien de causalité entre le syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA), quelle qu´en soit l´étiologie, et insuffisance rénale aiguë (IRA). En effet, dans une large cohorte de plus de 1800 patients COVID-19, atteints de SDRA, 44,3% présentaient une IRA [22]. Enfin, une association entre IRA et surmortalité intra- hospitalière a été retrouvée dans une étude chinoise, dans laquelle le risque de décès augmentait avec la sévérité de l´IRA: hazard ratio (HR) à 1,90, (intervalle de confiance à 95% (IC 95%) 0,76-4,76) pour l´IRA stade 1, à 3,51 (IC 95% 1,49-8,26) pour le stade 2, et à 4,38 (IC 95% 2,31-8,31) pour le stade 3 selon la classification KDIGO [22]. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer cette atteinte rénale parmi lesquelles une hypoperfusion rénale liée à la ventilation mécanique, au sepsis et à l´orage cytokinique ou une toxicité directe du virus sur les cellules tubulaires [22].

Quant au diabète, une étude a fait ressortir que c´est un prédicteur de mortalité chez les patients atteint de COVID-19 [20] avec un risque de mortalité 3 fois plus important (OR 3,375; IC à 95%, 3,103 à 3,672) après ajustement pour l'âge, le sexe et les comorbidités [20]. Selon Lippi et al. en 2020, l'hypertension comporte un risque de près de 2,5 fois plus élevé de développer une maladie grave ou de mourir d'une infection par le SARS-CoV-2 [23]. Des études récentes ont montré que le SARS-CoV-2 pénètre dans les cellules humaines en se liant à l'ACE2. Il est donc plausible que la coexistence de l'hypertension et l'infection par le CoV-2 du SARS interagiraient pour augmenter de façon synergique le risque de pronostic défavorable par rapport aux patients normo-tendus COVID-19 [23].

Les signes cliniques prédicteurs d´un mauvais pronostic dans notre étude étaient la dyspnée, l´insomnie, l´atteinte pulmonaire et la désaturation en oxygène. En ce qui concerne la dyspnée, des résultats similaires ont été rapportés dans plusieurs études [12,24]. En Algérie, ce facteur était associé au risque de décès chez les malades en réanimation avec (OR: 10,8 IC 95% [1,33-96,69]) [25]. D´ailleurs, la dyspnée peut annoncer un syndrome de détresse respiratoire aiguë qui est un signe de sévérité nécessitant souvent le recours à la ventilation mécanique [25]. Pour l´insomnie, elle a été démontrée dans une étude, qu´elle était associée au risque de mauvais pronostic d´où (50%) présentaient une difficulté à s´endormir, (85%) présentaient un réveil en cours de nuit et (46%) présentaient un réveil matinal précoce avec un index de sévérité moyen de 11,5 ± 6 et (53%) présentaient des cauchemars [26]. En Tunisie, les mêmes constats ont été soulevés, montrant que des troubles du sommeil ont été observés chez 68% des sujets COVID-19. Ces troubles étaient antérieurs à la COVID-19 dans 10% des cas et survenus après l´infection dans 58% des cas. Les principaux troubles retrouvés étaient la diminution des heures du sommeil (23%) et les difficultés d´endormissement (20%) [27]. Ce résultat peut être dû au niveau de stress et d´anxiété augmenté chez les malades [27]. La pneumonie COVID-19 est un marqueur de gravité qui entraîne des lésions pulmonaires étendu, responsable de nombreux complications d´où entre 15% et 30% des patients hospitalisés évoluent vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) qui est la principale cause de mortalité [18]. Les patients atteints d´une forme bénigne présentent moins de lésions pulmonaires que les patients gravement malades. A cet effet, l´analyse des résultats de la tomodensitométrie peut être utile pour prédire le diagnostic clinique et le pronostic du patient [18]. Enfin, sur le plan de la ventilation, il été rapporté une relation entre la pression artérielle partielle d'oxygène et la présence d´une insuffisance respiratoire aiguë à l'admission qui ont été indépendamment associées à un risque accru de mortalité à l'hôpital [14]. La mortalité était plus importante chez les patients plus âgées plus de 80 ans (84%) comparativement aux patients plus jeunes moins de 40 ans (48%) présentant une détresse respiratoire [18].

Limites de l´étude

Cette étude présente quelques limites méthodologiques: il s´agit tout d´abord d´une étude mono-centrique n´incluant qu´un seul établissement sanitaire à vocation régionale, la durée de l´étude est courte et ne couvre qu´une période de 4 mois.

 

 

Conclusion Up    Down

A travers cette étude nous avons répondu à notre objectif en déterminant la fréquence des comorbidités et les facteurs associes au mauvais pronostic chez les malades COVID-19 hospitalisés au Centre Hospitalier Régional Al Farabi au nord-est du Maroc. Cette étude a montré une prévalence très importante des MC contractant le COVID-19. Donc des mesures d´éducation sur l´hygiène et de prévention (moyens de protection) spécifiques doivent être adressées à cette population très vulnérable spécialement les obèses, les diabétiques et les hypertendus. Nous avons aussi conclu que les facteurs de risque liés au mauvais pronostic incluaient la dyspnée, l´insomnie, la pneumonie et l´hypoxie. Au regard de ces constatations pouvant être fatales sur le capital santé des adultes, il est donc nécessaire de les prendre en considération lors de la prise en charge des malades COVID-19 et de renforcer la surveillance clinique afin de réduire les complications et la mortalité qui peut survenir par la suite. Toutefois, ces résultats ont permis d´établir un profil des personnes à risque susceptibles de développer une forme grave ou mortelle au cours de la COVID-19. Ce profil est spécifique à notre région et servira comme plateforme pour élaborer des stratégies de prévention basées sur des résultats empiriques fiables. Par ailleurs, un accent continu sur la recherche scientifique doit être mis en place pour mieux documenter ce phénomène à la région orientale du Maroc.

Etat des connaissances sur le sujet

  • Le COVID-19 est une infection grave et mortelle;
  • Les malades avec comorbidité sont très vulnérables aux infections;
  • Les conséquences de ce virus sont désastreuses.

Contribution de notre étude à la connaissance

  • La moitié des malades COVID-19 présentaient une affection chronique 56,69%;
  • Les comorbidités les plus fréquemment objectivées comme étant associées à un risque de développer une forme grave ou de décéder de l´infection étaient l'obésité, IRCT, le diabète et HTA;
  • Les signes cliniques prédicteurs de mauvais pronostic sont la dyspnée et l´insomnie, l´atteinte pulmonaire et l´hypoxie (désaturation en oxygène).

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Conception et design de l'étude: Mharchi Saliha et Abdellatif Maamri. Collecte des données, analyse et interprétation des données, rédaction du manuscrit: Mharchi Saliha. révision du manuscrit: Mharchi Saliha et Abdellatif Maamri. Garant de l'étude: Mharchi Saliha. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Remerciements Up    Down

Les auteurs dédient cet article aux professionnels de la santé de l´Hôpital Régional Al Farabi chacun de son poste qui ont pris soins des patients COVID-19. Les auteurs remercient aussi le directeur régional de la santé, le directeur de l´hôpital, les membres de la commission médicale COVID-19 au niveau du CHR Al Farabi pour leurs amples collaborations pendant la collecte des données en nous facilitant l´accès aux dossiers et à tout autre document nécessaire à notre étude.

 

 

Tableaux et figures Up    Down

Tableau 1: données démographiques et caractéristiques de base des malades infectés par le SARS-CoV-2 analyse univariée

Tableau 2: analyse multivariée des facteurs associés au mauvais pronostic chez les malades COVID-19

Figure 1: fréquence des maladies chroniques chez les malades de COVID-19

Figure 2: A) nombre de symptôme dans chaque groupe; B) symptômes présents chez les patients avec MC

Figure 3: A) transfert en réanimation COVID-19 selon la MC; B) décès COVID-19 par type de MC

 

 

Références Up    Down

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