Péritonite aiguë généralisée révélatrice d´un choriocarcinome gestationnel avec métastase pulmonaire et vaginale: à propos d´un cas
Kossi Edem Logbo-Akey, Tina Ketevi, Kignomon Bingo M´bortche, Yendoubé Pierre Kambote, Kibandou Noe Patidi, Dédé Régina Ajavon, Abdoul-Samadou Aboubakari
Corresponding author: Kossi Edem Logbo-Akey, Service de Gynécologie-Obstétrique, Centre Hospitalier Universitaire de Kara, Kara, Togo
Received: 24 Oct 2023 - Accepted: 05 Nov 2023 - Published: 07 Dec 2023
Domain: Oncology,Gynecology,Reproductive Health
Keywords: Choriocarcinome gestationnel, péritonite, métastase, cas clinique
©Kossi Edem Logbo-Akey et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Kossi Edem Logbo-Akey et al. Péritonite aiguë généralisée révélatrice d´un choriocarcinome gestationnel avec métastase pulmonaire et vaginale: à propos d´un cas. PAMJ Clinical Medicine. 2023;13:32. [doi: 10.11604/pamj-cm.2023.13.32.42031]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/13/32/full
Case report
Péritonite aiguë généralisée révélatrice d´un choriocarcinome gestationnel avec métastase pulmonaire et vaginale: à propos d´un cas
Péritonite aiguë généralisée révélatrice d'un choriocarcinome gestationnel avec métastase pulmonaire et vaginale: à propos d'un cas
Acute generalized peritonitis revealing gestational choriocarcinoma with pulmonary and vaginal metastasis: a case report
Kossi Edem Logbo-Akey1,&, Tina Ketevi2, Kignomon Bingo M'bortché3, Yendoubé Pierre Kambote1, Kibandou Noé Patidi4, Dédé Régina Ajavon1, Abdoul-Samadou Aboubakari1
&Auteur correspondant
Le choriocarcinome est une tumeur maligne trophoblastique à fort pouvoir métastatique. Nous rapportons une observation inhabituelle chez une patiente de 20 ans, admise pour péritonite généralisée chez qui l'examen clinique a permis de découvrir entre autres une tumeur de la face ventrale du vagin. Les explorations paracliniques ont permis de conclure un choriocarcinome gestationnel avec métastase pulmonaire et vaginale. La chirurgie et la chimiothérapie n'ont pas amélioré le pronostic chez la patiente. Une meilleure connaissance des signes précurseurs de la maladie aurait pu permettre le diagnostic à un stade précoce et améliorer les chances de survie.
Choriocarcinoma is a trophoblastic malignant tumor with high metastatic potential. We here report the unusual case of a 20-year-old female patient admitted with generalized peritonitis in whom clinical examination revealed, among other things, a tumor of the ventral vaginal wall. Paraclinical assessment revealed gestational choriocarcinoma with pulmonary and vaginal metastases. Surgery and chemotherapy did not improve patient's prognosis. A better understanding of the early signs of the disease could have enabled diagnosis at an earlier stage and improved the chances of survival.
Key words: Gestational choriocarcinoma, peritonitis, metastasis, case report
Le choriocarcinome gestationnel est une forme grave et des maladies gestationnelles trophoblastiques. C'est la plus fréquente des néoplasies gestationnelles trophoblastiques [1]. L'incidence est estimée à 1 pour 40 000-50 000 [2,3]. Le diagnostic est généralement fait dans le cadre du suivi d'une grossesse molaire. La maladie peut faire suite à une grossesse normale à terme avec accouchement d'un nouveau-né, ou un avortement spontané ou clandestin qui sont souvent des formes trompeuses qui retardent le diagnostic. Ainsi, non diagnostiqué précocement, le choriocarcinome envahit les poumons qui représente son site privilégié de métastase, le cerveau, le foie, les reins ou le vagin [1]. Les manifestations cliniques à l'origine de la découverte de la maladie varient en fonction du site métastatique. Une manifestation inhabituelle peut égarer le diagnostic et retarder la prise en charge. A travers cette observation, nous rapportons un cas rare de choriocarcinome gestationnel révélé par une péritonite aigüe généralisée et nous ferons une revue de la littérature.
Information de la patiente: une jeune femme de 20 ans, élève a été reçue aux urgences gynécologiques du Centre Hospitalier universitaire de Kara pour douleur abdominale et fièvre. Elle est primipare avec un enfant vivant de 04 ans. Selon l'histoire de la maladie, elle aurait interrompu volontairement une grossesse de 12 semaines, 10 mois plus tôt. Suite à cette interruption, elle aurait présenté régulièrement des épisodes de métrorragies qui avaient motivé la réalisation d'une aspiration manuelle intra-utérine à trois reprises pour suspicion de rétention de débris trophoblastiques, dont la dernière remontait à plus de 4 mois. Environ sept jours avant son admission aux urgences gynécologiques, il est apparu progressivement une douleur pelvienne accompagnée de fièvre. La généralisation de la douleur à tout l'abdomen et la persistance de la fièvre ont conduit la patiente aux urgences gynécologiques.
Résultats cliniques: l'examen à l'admission avait permis de noter un état général mauvais, une hyperthermie à 40°C, un état de choc infectieux, des conjonctives pales. L'abdomen était augmenté de volume, sensible avec défense dans son ensemble. Le cri de l'ombilic était présent. On notait une masse ferme d'environ 4cm, nécrosée par endroit, à la face ventrale du vagin (Figure 1). Il y avait un écoulement du pus franc venant de l'endocol.
Démarche diagnostique: l'échographie abdomino-pelvienne faite en urgence notait un utérus augmenté de taille, globalement hétérogène avec des ovaires kystiques. On notait également un épanchement liquidien intrapéritonéal cloisonné de moyenne abondance. Le bilan de laboratoire réalisé en urgence retrouvait une anémie grave microcytaire hypochrome avec un taux d'hémoglobine à 2,7 g/dl, une hyperleucocytose à polynucléose neutrophile à 28 G/l. La protéine C réactive était à 301mg/l, la bêta-gonadotrophine chorionique humaine (HCG) à 2634ui/l. Ainsi donc, devant la notion d'avortement, les métrorragies qui avaient nécessité les aspirations manuelles intra-utérines, la tumeur vaginale et la bêta-HCG positive, le diagnostic de péritonite aigüe généralisée sur fond de choriocarcinome gestationnel a été donc retenu.
Intervention thérapeutique: après deux jours de réanimation médicale et d'antibiothérapie, une laparotomie a été réalisée. A l'ouverture, l'abdomen était rempli de liquide purulent (Figure 2), dont l'aspiration a permis de découvrir un utérus augmenté de volume, aux contours déformés par des bourgeons mous. On objectivait également une nécrose avec perforation de la face antérieure de l'isthme (Figure 3). Devant ce milieu infectieux, adhérentiel et les difficultés d'accès au col utérin, nous avions réalisé une hystérectomie subtotale interannexielle (Figure 4), puis laver et drainer l'abdomen. La tumeur vaginale a été également retirée (Figure 5).
Suivi et résultats des interventions thérapeutiques: au deuxième jour post-opératoire, est apparue une touche sèche avec un crachat hémoptoïque. Une radiographie pulmonaire a permis d'objectiver une image en « lâcher de ballons » en faveur d'une métastase pulmonaire (Figure 6). L'histologie des deux pièces opératoires (utérus et masse vaginale) a confirmé le diagnostic de choriocarcinome gestationnel avec métastase vaginale. Le scanner cérébral n'a pas été réalisé par manque de moyens financiers. La maladie a été classée stade III, bas risque de International Federation of Gynecology and Obstetrics (FIGO) (Tableau 1, Tableau 2) et une chimiothérapie simple à base de méthotrexate 1mg/kg à J1, J3, J5, J7 intercalée d'une dose de 10mg d'acide folique à J2, J4, J6, J8 a été instaurée.
Perspectives de la patiente: la patiente est décédée après la première cure de chimiothérapie.
Consentement de la patiente: la patiente a donné son consentement éclairé pour la publication de son cas.
Le choriocarcinome est une entité néoplasique des maladies gestationnelles trophoblastiques. Il constitue avec la tumeur trophoblastique épithélioïde et les tumeurs du site d'implantation, le groupe des tumeurs trophoblastiques gestationnelles ou les néoplasies trophoblastiques gestationnelles. Son incidence varie selon les régions. L'incidence rapportée du choriocarcinome varie de 1 pour 40000 grossesses en Amérique du Nord et en Europe, à 9,2 et 3,3 pour 100000 grossesses en Asie du Sud-Est et au Japon [2].
Le choriocarcinome peut survenir après n'importe quel type de grossesse [2,4]. L'attention est surtout portée sur la grossesse molaire qui est responsable de 50% de tumeurs gestationnelles trophoblastiques. Ainsi, après une grossesse molaire, la décroissance anormale de l'HCG oriente généralement vers le diagnostic. A ce propos, il existe trois types d'évolution anormale de l'HCG. Il peut s'agir d'une ascension du taux sur au moins trois dosages hebdomadaires consécutifs pendant au moins deux semaines, ou une stagnation sur au moins quatre dosages hebdomadaires consécutifs pendant au moins trois semaines, ou encore une persistance d'un taux anormal plus de 6 mois après l'évacuation de la grossesse molaire. La stagnation du taux de l'HCG est définie comme une variation inférieure à 10% du taux à une semaine d'intervalle [5]. Dans de rares cas, le choriocarcinome peut être suspecté devant la ré-ascension du taux de l'HCG après une période de négativité. Bien attendu dans ce cas, il va falloir éliminer une nouvelle grossesse. En dehors de la grossesse molaire qui est responsable de 50% de choriocarcinome gestationnel, tout autre type de grossesse peut se compliquer de tumeurs gestationnelles trophoblastiques [2].
Le diagnostic est dans ce cas souvent tardif, révélé par des métrorragies persistantes après une interruption volontaire de grossesse, une fausse couche ou dans les suites de couches. C'est le cas de notre observation où la patiente a signalé des épisodes de métrorragie après son interruption volontaire de grossesse. L'échographie pelvienne montre un utérus augmenté de volume contenant de multiples formations hétérogènes délimitées et vascularisées mimant les cotylédons et pouvant être prises à tort pour des noyaux myomateux. Le diagnostic est également suspecté à l'occasion de découverte d'une localisation secondaire par la tomodensitométrie ou la radiographie pulmonaire. En effet, il s'agit d'une tumeur à fort pouvoir métastatique par voie hématogène par ensemencement vasculaire d'emboles néoplasiques après envahissement de l'endomètre et du myomètre [1]. Par ordre de fréquence, les poumons (80%), le vagin (30%), le cerveau (10%) et le foie (10%) sont les sites les plus atteints [1,6]. Ainsi la découverte d'une métastase pulmonaire avec détresse respiratoire ou hémoptysie, ou d'un nodule vaginal ou des localisation cérébrales ou hépatique au décours ou à distance d'une grossesse, fait suspecter fortement le diagnostic [2]. La positivité de l'HCG à plus de 100000 à 1000000UI/L vient renforcer le diagnostic. Pour l'American College of Obstetricians and Gynecologists, tout saignement persistant 6 mois après une grossesse doit faire suspecter une tumeur trophoblastique et imposer le dosage de l'HCG [7].
A l'œil nu, le choriocarcinome présente un aspect de multiples nodules circonscrits, nécrotiques et hémorragiques, bien différenciés du myomètre et de taille variable. La confirmation diagnostique est histologique sur prélèvement aspiratif, biopsique ou sur pièce d'hystérectomie. Sur le plan histologique, le choriocarcinome présente une absence de villosités choriales et la présence d'un trophoblaste et d'un cytotrophoblaste intermédiaires anormaux, bordés de syncytiotrophoblastes avec des zones de nécrose et d'hémorragie [8]. Le traitement du choriocarcinome gestationnel est fonction du stade et du score pronostic de FIGO 2002 (Tableau 1, Tableau 2). Il fait appel principalement à la chimiothérapie, associée à la chirurgie, ou à la radiothérapie. Les tumeurs classées bas risque (score inférieur ou égal à 6) sont traitées en monothérapie à base de méthotrexate en première intention, ou l'actinomycine D en option en cas de l'échec du méthotrexate. Les tumeurs classées haut risque nécessitent une polychimiothérapie (etoposide, méthotrexate, actinomycine/cyclophosphamide, oncovin) [1]. La chirurgie reste indiquée en cas de péritonite, de chimiorésistance ou d'hémorragie incoercible [2].
Dans notre observation, l'utérus était nécrosé et perforé, avec péritonite. Ce qui a nécessité une laparotomie avec réalisation d'une hystérectomie. L'ablation de la tumeur vaginale a été faite dans le même temps opératoire. Dans la littérature, il n'existe pas de recommandation sur l'indication de l'ablation chirurgicale de la tumeur vaginale. Un cas de résection de la tumeur pour hémorragie incoercible a été décrit [9]. La tumeur a été classée bas risque. Une chimiothérapie simple faite de méthotrexate 1mg/kg à J1, J3, J5, J7 intercalée d'une dose de 10mg d'acide folique à J2, J4, J6, J8 a été instauré.
Le choriocarcinome gestationnel à faible risque a une survie de presque 100% chez les femmes traitées par chimiothérapie, et les patientes atteintes de choriocarcinome gestationnel à haut risque ont une survie de 91% à 93% lorsqu'elles utilisent une polychimiothérapie avec ou sans radiothérapie et chirurgie. Les facteurs de risque de mauvais pronostic qui rendent le décès plus probable, incluent la maladie de stade IV ou un score cumulatif supérieur à 12. Dans notre observation, la patiente est décédée après la première cure de méthotrexate.
Le choriocarcinome gestationnel est une entité néoplasique rare. Elle peut survenir après tout contexte gravidique et retarder le diagnostic. Une attention particulière doit être accordée aux métrorragies persistantes après toute grossesse afin de déceler précocement une tumeur gestationnelle trophoblastique et donc améliorer le pronostic.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.
Tous les auteurs ont contribué à la prise en charge de la patiente et à l'élaboration de ce travail. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.
Tableau 1: stade et classification FIGO des néoplasies trophoblastiques gestationnelles
Tableau 2: score pronostic FIGO des tumeurs gestationnelles trophoblastiques
Figure 1: tumeur à la face ventrale du vagin
Figure 2: abdomen rempli de pus
Figure 3: A) utérus déformé par des bourgeons tumoraux; B) nécrose avec perforation de la face antérieure de l'isthme utérin
Figure 4: pièce d'hystérectomie
Figure 5: pièce de la tumeur vaginale
Figure 6: radiographie pulmonaire montrant une image en « lâcher de ballons »
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