Résultats de la ligature des artères hypogastriques dans la prise en charge des hémorragies du post-partum selon une étude de cohorte rétrospective à Tunis, Tunisie
Haithem Aloui, Hatem Frikha, Mohamed Mehdi Binous, Rami Hammami, Amal Chermiti, Mohamed Badis Channoufi, Hassine Saber Abouda
Corresponding author: Haithem Aloui, Faculté de Médecine de Tunis, Tunis, Tunisie
Received: 09 Nov 2020 - Accepted: 07 Dec 2023 - Published: 15 Jan 2024
Domain: Obstetrics and gynecology
Keywords: Hémorragie post-partum, ligature, morbidité, mortalité, pronostic
©Haithem Aloui et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Haithem Aloui et al. Résultats de la ligature des artères hypogastriques dans la prise en charge des hémorragies du post-partum selon une étude de cohorte rétrospective à Tunis, Tunisie. PAMJ Clinical Medicine. 2024;14:5. [doi: 10.11604/pamj-cm.2024.14.5.26892]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/14/5/full
Research
Résultats de la ligature des artères hypogastriques dans la prise en charge des hémorragies du post-partum selon une étude de cohorte rétrospective à Tunis, Tunisie
Résultats de la ligature des artères hypogastriques dans la prise en charge des hémorragies du post-partum selon une étude de cohorte rétrospective à Tunis, Tunisie
A retrospective cohort study examining the outcomes following hypogastric artery ligation in patients with postpartum hemorrhage in Tunis, Tunisia
Haithem Aloui1,&, Hatem Frikha1, Mohamed Mehdi Binous1, Rami Hammami1, Amal Chermiti1, Mohamed Badis Channoufi1, Hassine Saber Abouda1
&Auteur correspondant
Introduction: l'Hémorragie du post-partum (HPP) demeure un facteur important de morbi-mortalité maternelle et une prise en charge codifiée faisant appel à des mesures médico-obstétricales permet le plus souvent un contrôle rapide de l'HPP. Toutefois, en cas d'inefficacité de ces méthodes, le recours à la ligature des artères hypogastriques (LAH) s'avère être une alternative intéressante. Notre travail a alors pour objectif de préciser la place et l'efficacité de la LAH dans la prise en charge des HPP tout en précisant la morbidité liée à cette intervention.
Méthodes: il s'agit d'une étude rétrospective descriptive sur une durée de 3 ans (de janvier 2013 à décembre 2015) menée au Service de Gynécologie Obstétrique « C » du Centre de Maternité et de Néonatologie de Tunis portant sur 202 cas.
Résultats: l'âge moyen de nos patientes était de 31±5,2 ans. Le terme moyen était de 37±2,3 semaines d'aménorrhée (SA). L'accouchement s'est déroulé par césarienne dans 54,9% des cas (n=311). La LAH était réalisée d'emblée dans 25,2% (n=51) des cas et après échec des autres techniques de ligatures artérielles dans 74,7% (n=151) des cas. La principale étiologie était l'inertie utérine 68% (n=137). L'efficacité était de 88,1% (n=134) pour la ligature bilatérale et de 84,7% (n=50) pour la ligature unilatérale des artères hypogastriques.
Conclusion: à défaut de disponibilité d'un plateau technique permettant l'embolisation artérielle en deuxième intention après le traitement médical, la ligature des artères hypogastrique même si délicate, s'avère être une technique accessible, efficace et peu couteuse permettant de réduire la morbi-mortalité due à l'HPP dans 88,1% pour la ligature bilatérale et de 84,7% pour la ligature unilatérale des artères hypogastriques dans notre série.
Introduction: Postpartum Hemorrhage (PPH) is a leading cause of maternal morbidity and mortality. In most cases, a codified management using medical and obstetric measures enables rapid control of PPH. However, in the case of ineffectiveness of these measures, Hypogastric Artery Ligation (HAL) has been proven to be an interesting alternative. The purpose of this study was to determine the role and effectiveness of HAL in the management of patients with PPH and to evaluate morbidity associated with this procedure as well as to assess the effectiveness of unilateral hypogastric artery ligation. Methods: we conducted a retrospective descriptive study of 202 cases in the "C" Department of Obstetrics and Gynecology at the Maternity and Neonatology Center, Tunis over a period of 3 years (from January 2013 to December 2015). Results: the average age of patients was 31 ± 5.2 years. Mean gravidity and parity were 2,36 and 1,99. The average gestational age was 37 ± 2,3 WA (Weeks of Amenorrhea). Cesarean section was performed in 87,6% of cases. HAL was performed immediately in 25.2% (n=51) of cases and after failure of other arterial ligation methods in 74.7% (n=151) of cases. The main cause of PPH was uterine atony (68%; n=137). The success rate was 88.1% (n=134) for bilateral ligation and 84.7% (n=50) for unilateral hypogastric artery ligation. Conclusion: In the absence of a technical platform that allows arterial embolisation to be used as a second-line treatment after medical therapy, hypogastric artery ligation, although challenging, proves to be an accessible, effective and inexpensive technique that has been shown to reduce morbidity and mortality from PPH in 88.1% for bilateral ligation and 84.7% for unilateral hypogastric artery ligation.
Key words: Postpartum haemorrhage, ligation, morbidity, mortality, prognosis
Malgré l'amélioration de la prise en charge, la mortalité maternelle reste très élevée dans le monde (216 pour 100000 naissances vivantes en 2013) [1] et l'hémorragie du post-partum (HPP) en est la principale cause [1,2]. Son incidence est estimée à 6% dans le monde [3] avec une grande variabilité selon les pays. Une meilleure connaissance des mécanismes physiopathologiques, l'amélioration de la surveillance de la grossesse et la médicalisation de l'accouchement ont permis de faire diminuer la morbidité et la mortalité maternelle. En Tunisie le taux de mortalité maternelle par HPP est de 47,3% [3]. Cette urgence hémorragique obstétricale constitue donc une situation spécifique, dont le traitement dépend de plusieurs paramètres, en particulier de l'étiologie et du niveau de gravité du syndrome hémorragique. Une prise en charge multidisciplinaire est le plus souvent requise, impliquant sage-femme, obstétricien, anesthésiste-réanimateur et radiologue interventionnel.
La prise en charge immédiate est médicale et la démarche est bien codifiée et systématique mais son échec requiert le passage soit à la chirurgie, soit à l'embolisation artérielle sélective [4]. Cette dernière offre une solution efficace mais l'accès à cette technique de radiologie interventionnelle est limité par l'absence de plateau technique au sein de la presque totalité de nos maternités. L'hystérectomie d'hémostase reste le geste ultime de sauvetage maternel, mais lourd de conséquences, elle est aussi associée à une perte sanguine plus importante nécessitant davantage de transfusions [5]. Quant à la ligature des artères hypogastriques (LAH), n'imposant pas de contrainte matérielle mais opérateur dépendante, se doit d'être simple, avec des indications claires et surtout facilement reproductible pour éviter le recours à l'hystérectomie d'hémostase [6].
Nous nous proposons, à travers la présente étude qui reflète l'expérience du Service « C » de Gynécologie-Obstétrique du Centre de Maternité et Néonatologie de Tunis (CMNT), et en s'aidant d'une revue de la littérature, d'évaluer l'efficacité et la morbidité de la LAH dans la prise en charge chirurgicale de l'HPP ainsi que l'efficacité de la ligature unilatérale de l'artère hypogastrique.
Conception et cadre de l'étude
Il s'agit d'une étude descriptive et rétrospective, visant à analyser 202 cas d'hémorragie du post-partum traités au service "C" du CMNT. L'étude se penche spécifiquement sur les cas d'hémorragie du post-partum qui se sont révélés rebelles au traitement médical et obstétrical standard, nécessitant ainsi une intervention chirurgicale sous forme de ligature des artères hypogastriques, qu'elle soit unilatérale ou bilatérale, avec ou sans l'usage de techniques chirurgicales complémentaires. La période d'observation de l'étude couvre trois années, s'étendant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.
Population de l'étude
La population d'étude est composée de 202 cas d'hémorragie du post-partum qui ont été réfractaires au traitement médical et obstétrical, nécessitant ainsi une ligature des artères hypogastriques comme mesure de contrôle du saignement, soit de manière unilatérale, soit bilatérale. Cette population inclut les patientes traitées au service « C » du CMNT pendant la période d'étude où 10365 accouchements ont été recensés durant la période d'étude.
Critères d'inclusion: les cas inclus dans cette étude sont ceux qui remplissent les critères suivants: a) diagnostic d'hémorragie du post-partum; b) échec du traitement médical (Sulprostone (Nalador®)) et échec du traitement par triple ligature vasculaire ou capitonnage; c) recours à une ligature des artères hypogastriques, qu'elle soit une ligature unilatérale des artères hypogastriques (LUAH) ou une ligature bilatérale des artères hypogastriques (LBAH), pour contrôler le saignement. La ligature unilatérale de l'artère hypogastrique seule a été proposée en cas de stabilité hémodynamique, saignement minime à modéré, pronostic vital non mis en jeu, conditions locales ne permettant pas un accès facile à l'artère hypogastrique controlatérale. Le critère de jugement était le tarissement du saignement, la stabilisation de l'état hémodynamique, la survie de la patiente et l'absence de recours à l'hystérectomie d'hémostase.
Collecte des données
Les données sont extraites des dossiers médicaux des patientes, les registres d'accouchements et les registres de comptes rendus opératoires, notamment les informations sur les antécédents médicaux, les caractéristiques de la grossesse, les traitements médicaux antérieurs, les interventions chirurgicales pratiquées, les résultats de ces interventions et les complications post-opératoires. Les données ont été collectées durant la période s'étalant sur 3 ans de janvier 2013 à décembre 2015 par les auteurs de cette étude.
Définitions
Variables démographiques: âge des patientes: l'âge de chaque patiente au moment de l'accouchement. Parité: le nombre d'accouchements antérieurs de chaque patiente.
Variables cliniques: type de grossesse: indique si la grossesse est simple ou multiple. Mode d'accouchement: précise si l'accouchement s'est fait par voie basse ou par césarienne. Perte de sang estimée lors de l'accouchement: la quantité de sang perdue pendant l'accouchement, estimée par les professionnels de la santé. Durée du travail et de l'accouchement: la durée totale du travail et de l'accouchement, depuis le début jusqu'à la naissance du bébé.
Variables liées à l'hémorragie du post-partum: cause de l'hémorragie: la raison spécifique de l'hémorragie (atonie utérine, déchirure, rétention placentaire, etc). Traitement médical préalable: les interventions médicales tentées avant de recourir à la ligature des artères hypogastriques.
Variables liées à la ligature des artères hypogastriques: type de ligature: précise si la ligature a été unilatérale ou bilatérale. Complications per-opératoires: les complications survenues pendant la ligature des artères hypogastriques.
Variables de résultats: taux de réussite de la ligature: la proportion de cas où la ligature a réussi à contrôler l'hémorragie. Complications postopératoires: les problèmes de santé survenus après l'intervention. Durée de séjour hospitalier: la période pendant laquelle la patiente est restée à l'hôpital. Besoin de soins intensifs: indique si la patiente a nécessité des soins intensifs après l'intervention. Analyse des facteurs de risque: identification des facteurs associés à l'échec de la ligature des artères hypogastriques. Comparaisons entre les groupes: comparaisons entre les groupes ayant subi une ligature unilatérale et bilatérale.
Analyse statistique
La rédaction des résultats et la représentation graphique de certaines données étaient respectivement réalisées par les logiciels Word et Excel 2007 versions françaises. L'analyse des variables a été réalisée à l'aide du logiciel SPSS 20 (version française). Les variables quantitatives ont été exprimées par leur moyenne +/- écart type. Les variables qualitatives ont été exprimées en pourcentage avec un intervalle de confiance de 95%. La comparaison des variables quantitatives a été effectuée par le test T de Student et celle des variables qualitatives par test de Chi² ou le test exact de Fisher. Les résultats ont été considérés statistiquement significatifs pour un p<0,05.
Considérations éthiques
Nous déclarons sur l'honneur avoir respecté l'éthique et l'anonymat des femmes dans l'utilisation des données. Le comité d'éthique du centre de maternité et de néonatologie de Tunis nous a accordé l'approbation sous le numéro de référence: 2013/17.
Durant la période de l'étude, 10365 accouchements étaient recensés au sein du service « C » du CMNT dont 647 se sont compliqués d'une HPP soit 6,2% du total des accouchements. L'âge moyen de nos patientes était de 31 ± 5,2 ans, le terme moyen était de 37 ± 2,3 SA; les caractéristiques de notre population sont détaillées dans le Tableau 1. Le diabète gestationnel est présent dans 14,3% des cas (n=93) (Tableau 2). Le mode d'accouchement est la césarienne en urgence dans 54,9% des cas (n=311) et la voie basse dans 12,3% (n=80) (Tableau 3). Le travail est spontané dans 26,2% (n=53), déclenché dans 5,9% (n=12) et dirigé dans 1,9% des cas (n=4). Les antispasmodiques étaient les médicaments les plus reçus au cours du travail, avec une fréquence de 13,8% (n=11) (Figure 1). La multiparité est le facteur de risque de l'HPP le plus fréquent, retrouvée dans 42,5% des cas (n=86) (Tableau 4). L'étiologie de l'HPP était l'atonie utérine dans 68% des cas (n=137) (Figure 2). Le délai moyen de découverte de l'HPP est de 28 minutes. Le taux moyen de déglobulisation est de 3,07g/dl (±1,61).
Parmi ces HPP, 202 ont nécessité une ligature unie ou bilatérale des artères hypogastriques (31,2% du total des HPP et 1,9% du total des accouchements). Toutes les ligatures des artères hypogastriques étaient précédées par des mesures médicales et/ou obstétricales qui ont abouti à l'échec dont le Sulprostone (Nalador®) reçu dans 85% des cas (n=550) (Tableau 5). Cent quarante patientes (77% des cas, n=140) d'entre elles étaient associés à un ou plusieurs gestes chirurgicaux (Figure 3). Si l'HPP est jugée grave, la LAH d'emblée était privilégiée 30,7% (n=62). La LUAH était réalisée chez 29,2% des patientes (n=59/202) dont l'état clinique permettait d'évaluer le résultat de la ligature (état hémodynamique stable, saignement minime à modéré, absence de troubles de l'hémostase et pronostic vital non mis en jeu). La LBAH était réalisée chez 75,2% des patientes (n=152/202 dont 9 à la suite de l'échec des LUAH du groupe suscité). Parmi nos patientes, 10,3% (n=21) ont eu une reprise chirurgicale. Le motif de reprise était principalement le packing.
Efficacité de la ligature des artères hypogastriques
La LAH permettait de juguler l'hémorragie dans la majorité des cas (91,1%, n=184). Pour les cas restants, la LAH était insuffisante d'où le recours à une hystérectomie totale ou subtotale d'hémostase (8,9%, n=18). Le taux d'échec de la LAH était significativement lié à l'âge de la patiente (plus élevé chez les femmes âgées (p≤0,001)), a une durée de travail prolongée (p = 0,016) et à la présence d'un état hémodynamique instable avec n = 12/18 (p=0,018). La LAH était plus efficace quand elle était associée à l'admission du facteur VII activé où le taux de succès était de 80,6 %, (n=163, p≤0,001), de même pour l'admission concomitante de l'acide tranexamique où le taux de succès était à 71,4% (n=144, p=0,008) (Tableau 6). Il y avait une différence significative du résultat de la LAH selon les techniques associées (p=0,001). Le recours à une deuxième technique conservatrice en cas d'échec de la première avait permis d'atteindre un taux de succès global de 95,5% (n=211, p=0,036). L'association des trois techniques conservatrices avait permis d'atteindre un taux de succès à 100%. Le taux de succès de la LAH était variable selon les étiologies (Tableau 7).
Efficacité de la ligature unilatérale des artères hypogastriques
En étudiant le sous-groupe des patientes chez lesquelles une LUAH était envisagée, nous avions constaté que le taux de succès était de 84,7% (n=50/59), et ceci en absence d'instabilité hémodynamique et de troubles de l'hémostase. Ce taux était variable en fonction des étiologies (Tableau 7).
Efficacité de la ligature bilatérale des artères hypogastriques
Pour les patientes chez qui une LBAH était indiquée, le taux de succès de cette technique était de 88,1% (n=134/152), et comme pour la LUAH, il était variable en fonction de l'étiologie (Tableau 7).
Conséquences postopératoires
Soixante-sept patientes (31,6%, n=67/202) des cas avaient nécessité un transfert dans un service de réanimation chirurgicale avec un séjour moyen de 2,8±4,1 jours. La première cause étant le choc hémorragique avec 14,9% (n=10/67) des cas. Quatre décès maternels avaient été notifiés sur les 202 parturientes incluses dans notre étude toutes dans un cadre de défaillance multiviscérale (une patiente suivie dans notre service, trois étaient transférées): 1) deux (2) ayants bénéficié de LBAH puis hystérectomie d'hémostase (une accouchée par voie basse et une par césarienne). 2) Un (1) ayant eu une LBAH + capitonnage selon la technique de Cho (AVB). 3) Un (1) ayant eu LBAH + capitonnage selon B-lynch modifié + hystérectomie d'hémostase (AVB). Dans notre étude, 55,5% des patientes qui ont eu une hystérectomie d'hémostase sont issues d'un transfert d'une autre structure hospitalière.
Il s'agit d'une étude rétrospective descriptive portant sur 202 cas d'hémorragie du postpartum rebelle aux mesures médico-obstétricales et ayant nécessité le recours à la ligature unie ou bilatérale des artères hypogastriques. Le principal facteur de risque identifié chez nos patientes était la multiparité (42,5%). Toutes les patientes incluses dans notre étude avaient bénéficié systématiquement d'une prise en charge initiale adéquate mais qui avait abouti à l'échec. La principale étiologie de l'HPP était l'atonie utérine (68%). L'efficacité globale de LAH était de 91,1%. Elle était de 84,7% pour la ligature unilatérale et de 88,1% pour la ligature bilatérale des artères hypogastriques. Le taux de succès dépendait essentiellement de l'étiologie. En effet, il avait atteint 97,1% pour l'atonie et 100% pour la rupture utérine, la rétention placentaire, l'hématome rétroplacentaire et les déchirures de la filière génitale. Cependant il n'était que de 47,4% pour le placenta accréta. L'incidence de l'HPP et sa prise en charge chirurgicale par LAH sont en nette augmentation. Dans l'étude de Chelli et al. [7], la fréquence de l'HPP ayant nécessité le recours à une LAH est de 124 pour 100000 accouchements, et dans l'étude de Camuzcuoglu et al. [8] elle est de 45 pour 100000 accouchements.
Dans notre série, la fréquence de l'HPP ayant nécessité le recours à une ligature unie ou bilatérale des artères hypogastriques seule ou associée à d'autres techniques chirurgicales est de 1,9%. Cela étant expliqué par un taux très important de transfert vers notre service donc une prise en charge relativement tardive. La principale étiologie de l'HPP retrouvée dans la littérature comme dans notre étude est l'atonie utérine [9,10] avec un taux de 68%. Le tarissement du saignement, la survie de la patiente et l'absence de recours à l'hystérectomie d'hémostase étaient retenus comme étant les critères de succès de la LAH, succès variant entre 42 et 100% avec une moyenne de 72% dans la littérature [8], il était estimé à 91,1% dans notre série. Ce succès dépend aussi de la technique chirurgicale associée à la LAH. En effet, dans l'étude de Chelli et al. [7], la LAH réalisée après une triple ligature vasculaire (TLV) était efficace dans la majorité des cas (n=11/14). Nos résultats sont en corrélation avec les données de la littérature, l'association à une autre technique conservatrice avait permis d'atteindre un taux de succès global de 95,5%. Concernant la LAH réalisée d'emblée, les taux de succès varient selon les études de 42 à 100% [11,12].
Ces discordances pourraient être expliquées par le faible nombre de cas inclus dans ces différentes études. Le résultat de notre étude rejoint globalement celui de la littérature. En effet, la LAH était réalisée de première intention chez 30,7% des patientes et son taux de succès était de 62,9%. Ceci pourrait être expliqué par la bonne maîtrise de la technique par notre équipe. Bien qu'il soit un facteur de réussite de la LAH en diminuant le risque de nécrose, l'importance du réseau anastomotique peut être responsable de l'échec de cette technique par la persistance de l'hémorragie [10,13]. Il est donc judicieux d'associer d'autres ligatures vasculaires telle que la ligature des artères utérines [13,14]. Dans notre étude, toutes les ligatures associées à la triple ligature vasculaire et ou au capitonnage avaient réussi à arrêter l'HPP. L'état hémodynamique et les troubles de l'hémostase telle que la Coagulation intra vasculaire disséminée (CIVD) sont aussi des facteurs influençant le résultat de la LAH et un bilan d'hémostase normal est primordial pour la réussite de celle-ci [10]. Cependant les données de la littérature demeurent assez controversées. En effet, la plupart des études ont conclu que le taux de succès était significativement diminué en présence de troubles de l'hémostase ou d'un collapsus [12].
Dans notre étude, le taux de succès était significativement diminué en cas d'instabilité hémodynamique. Ceci pourrait être expliqué par la difficulté d'identifier l'Artère hypogastrique (AH) lors d'un état de choc ou un saignement abondant et inhabituel lors de la dissection. Le facteur temps est aussi un élément primordial qui influence le résultat de la LAH. Plus la prise en charge est rapide et précoce, plus le résultat est favorable. L'échec de cette technique observé dans notre série est rendu essentiellement au retard de sa réalisation, expliqué par le temps consacré au transfert. Dans notre étude, 55,5% des patientes qui ont eu une hystérectomie d'hémostase sont issues d'un transfert d'une autre structure hospitalière.
Les conséquences hémodynamiques de la LUAH ne sont pas très différentes de celles de la LBAH. En plus, la ligature d'une seule artère hypogastrique a des effets hémostatiques aussi bien sur le côté homolatéral que sur le côté controlatéral [2,15,13]. La réduction du flux sanguin artériel est de 22% de la ligature unilatérale de l'artère hypogastrique et 48% de la ligature bilatérale de l'artère hypogastrique. Paraskevaides et al. [16] ont tenté la LUAH chez 4 patientes dont 3 avaient une HPP. Toutes les ligatures se sont soldées par un succès. Dans notre étude, le taux de succès de la LUAH était de 84,7%. Ce taux de succès était variable en fonction de l'étiologie: 91,4% pour l'atonie et 80% pour le placenta prævia.
Néanmoins, il nous parait légitime de donner quelques critiques concernant les insuffisances que nous avons trouvées dans notre travail. L'absence d'une étude randomisée, contrôlée, en double aveugle, comportant deux groupes parallèles, l'un ayant eu une ligature unilatérale et l'autre une ligature bilatérale, mais ceci n'était pas possible dû aux problèmes éthiques. Aussi, pour certaines étiologies, le nombre de patientes était faible, par conséquent non représentatif de la population générale. D'autre part, l'estimation du saignement était faite de façon approximative et subjective et ceci à cause de la non-disponibilité des sacs de recueil.
L'Hémorragie du post-partum (HPP) reste la première cause de mortalité maternelle dans le monde. Souvent, les mesures médico-obstétricales sont suffisantes pour juguler l'HPP, néanmoins, certains cas sont réfractaires et un geste hémostatique s'avère nécessaire. La ligature des artères hypogastrique même si délicate, s'avère être une technique accessible, efficace et peu coûteuse permettant de réduire la morbi-mortalité due à l'HPP dans 88,1% pour la ligature bilatérale et de 84,7% pour la ligature unilatérale des artères hypogastriques dans notre série.
Etat des connaissances sur le sujet
- Le succès de la LAH varie entre 42 et 100% avec une moyenne de 72% dans la littérature;
- La réduction du flux sanguin artériel est de 22% dans la ligature unilatérale de l'artère hypogastrique et 48% dans la ligature bilatérale de l'artère hypogastrique;
- Dans les petites séries de la LUAH, toutes les ligatures se sont soldées par un succès.
Contribution de notre étude à la connaissance
- Il s'agit d'une des plus larges séries tunisiennes de ligatures des artères hypogastriques (202) dans le cadre de la prise en charge de l'HPP;
- Notre étude a été menée dans une maternité ne disposant pas de radiologie interventionnelle, permettant ainsi de donner une idée sur l'intérêt de cette technique chirurgicale;
- Elle a permis d'identifier les principaux facteurs de risque de l'HPP ayant nécessité une ligature des artères hypogastrique et les facteurs d'échec.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.
Conception et plan d'étude: Haithem Aloui et Hatem Frikha. Collecte de données: Mohamed Mehdi Binous et Rami Hammami. Analyse et interprétation des données: Amal Chermiti. Rédaction du manuscrit: Hassine Saber Abouda. Révision du manuscrit: Haithem Aloui. Tous les auteurs ont participé à ce travail. Ils ont également lu et approuvé la version finale du manuscrit.
Tableau 1: caractéristiques de la population
Tableau 2: répartition des dysgravidies et complications de grossesse
Tableau 3: mode d'accouchement
Tableau 4: répartition des facteurs de risque de l'hémorragie du post-partum
Tableau 5: traitements médicaux reçus en parallèle aux mesures de réanimation
Tableau 6: liste et pourcentages des produits injectés aux patientes en per opératoire
Tableau 7: efficacité des ligatures des artères hypogastriques selon étiologies
Figure 1: étiologies de l'hémorragie du post-partum dans notre série
Figure 2: répartition des patientes selon les gestes chirurgicaux associés à la ligature des artères hypogastriques
Figure 3: médicaments reçus au cours du travail
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