Drépanocytose homozygote SS de découverte tardive: à propos d'un cas
Alfari Abdoul Aziz, Garba Moumouni, Marou Soumana Boubacar
Corresponding author: Alfari Abdoul Aziz, Université Abdou Moumouni, Niamey, Niger
Received: 12 Sep 2024 - Accepted: 16 Oct 2024 - Published: 31 Oct 2024
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ARTDOMAIN
Keywords: Drépanocytose, déeacute;couverte tardive, prothése, rééducation fonctionnelle, Niamey, cas clinique
©Alfari Abdoul Aziz et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Alfari Abdoul Aziz et al. Drépanocytose homozygote SS de découverte tardive: à propos d'un cas. PAMJ Clinical Medicine. 2024;16:18. [doi: 10.11604/pamj-cm.2024.16.18.45334]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/16/18/full
Drépanocytose homozygote SS de découverte tardive: cas clinique
Late-onset homozygous sickle cell (SS) disease: a case report
Alfari Abdoul Aziz1,2,&, Garba Moumouni1,3, Marou Soumana Boubacar1,4
&Auteur correspondant
Cette étude rapporte un cas de découverte tardive de drépanocytose chez une jeune femme de 21 ans, élève et mère de 2 enfants, sans antécédents particuliers, vue en consultation au Service de Médecine Physique et Réadaptation (MPR) de l'Hôpital Général de Référence de Niamey. La symptomatologie débute au 8e mois de sa première grossesse, et se constituait d'une douleur vive de l'aine droite, responsable d'une boiterie. La radiographie du bassin de face et de profil de la hanche droite révèle une nécrose de la tête fémorale, les examens biologiques objectivent une anémie modérée, une élévation de la vitesse de sédimentation (VS) et de la C-Reactive Protein (CRP) et l'existence d'une hémoglobinopathie homozygote SS. Le traitement avant l'accouchement consistait à la prise des antalgiques oraux, anti-inflammatoires par voie rectale, l'usage de canne et le repos. À 3 mois du post partum, une prothèse totale de hanche a été posée, suivie d'une rééducation fonctionnelle. Le recul à 6 mois de l'accouchement, a été marqué par la reprise des activités de la vie courante. Son deuxième enfant est né 2 ans plus tard, mais, la patiente est morte suite à un paludisme grave 14 mois après son deuxième accouchement. Nous rapportons ce cas rare de découverte tardive de drépanocytose homozygote SS.
We here report a case of late diagnosis of sickle cell disease in a 21-year-old woman, student and mother of 2 children, with no particular medical history, receiving consultation in the Physical Medicine and Rehabilitation (MPR) Department of the General Reference Hospital of Niamey. Symptoms began at 8th month of her first pregnancy, marked by severe pain in the right groin causing a limp. The X-ray of the pelvis (anterior view) and the right hip (side profile) revealed femoral head necrosis. Laboratory tests showed moderate anemia, elevated erythrocyte sedimentation rate (ESR), increased C-reactive protein (CRP) and the presence of homozygous SS hemoglobinopathy. Pre-delivery treatment included oral analgesics, rectal anti-inflammatory medications, the use of a cane during walk and rest. At 3 months postpartum, total hip replacement was performed, followed by functional rehabilitation. At six months postpartum, the patient resumed daily activities. Her second child was born two years later; however, the patient tragically died 14 months after her second delivery, due to severe malaria.
Key words: Sickle cell disease, late discovery, prosthesis, functional rehabilitation, Niamey
La drépanocytose est une maladie héréditaire caractérisée par la production d'hémoglobine anormale (hémoglobine S), donnant aux globules rouges une frome de croissant. Elle touche particulièrement les populations africaines, méditerranéennes, du moyen orient et les descendants sud asiatiques [1]. La cause de la transformation de l'hémoglobine A normale en hémoglobine S anormale, résulte d'une mutation du gène responsable de la production de l'hémoglobine A, qui permet aux globules rouges de transporter l'oxygène dans l'organisme. Les signes cliniques de la drépanocytose sont multiples et varient d'une personne à une autre mais les crises algiques vaso-occlusives demeurent les plus fréquentes et communes [2]. Cette pathologie occasionne souvent des complications infectieuses, défaillances multiviscérales, ostéoarticulaire et parfois le décès. L'âge de diagnostic de la maladie dépend des conditions sociales, économiques, financières, éducationnelles et culturelles des parents et également de l'expérience des professionnels de la santé mais la littérature, l'âge de découverte souvent rapporté, varie entre 2 mois à 6 ans [3,4]. La prise en charge se fait en fonction des signes et des complications. À travers cette étude, nous rapportons la découverte tardive et la prise en charge d'une drépanocytose au Service de Médecine Physique et Réadaptation de l'Hôpital Général de Référence de Niamey.
Cette étude rapporte un cas de découverte tardive d'une drépanocytose homozygote SS chez une jeune femme de 21 ans dans le cadre de l'exploration d'une douleur inguinale droite.
Information de la patiente: ce travail concerne une patiente de 21 ans, 1 mètre 63 et 67 kilogrammes, élève en classe de terminale A et enceinte de 8 mois qui consultait pour une douleur intense, d'apparition brutale de l'aine droite. Elle ne présentait aucun antécédent particulier en dehors d'une anémie non documentée, révélée dans le cadre du suivi de sa grossesse. Aucun antécédent de drépanocytose n'est noté dans la famille.
Résultats cliniques: l'examen clinique de la patiente trouvait une douleur évaluée sur l'échelle visuelle analogique à 8/10, la température était mesurée à 36,5° celsius, les conjonctives et les muqueuses étaient légèrement pâles. Elle présentait également une discrète boiterie d'esquive droite. La hauteur utérine était moyennement augmentée.
Démarche diagnostique: la radiographie du bassin de face et de profil de la hanche droite montrait une nécrose de la tête fémorale droite. La Figure 1 montre la nécrose de la tête fémorale droite. La biologie a mis en évidence une anémie normochrome microcytaire à 8,2 grammes par décilitre (g/dl), la vitesse de sédimentation (VS) à 56 à la première heure, la C-Reactive protein (CRP) à 25 milligrammes par litre et l'électrophorèse de l'hémoglobine objectivait une drépanocytose homozygote SS.
Intervention thérapeutique et suivi: le traitement initié avant l'accouchement était composé d'antalgique (paracétamol: 1 gramme fois 3 par jour), anti-inflammatoire (Profenid suppositoire: 100 milligrammes fois 2 par jour), le fer (Tardyferon: 80 milligrammes par jour) et quelques séances de physiothérapie antalgique. Mais l'hydroxyurée n'a pas été administrée compte tenu de sa contre-indication pendant la grossesse. Le repos et l'utilisation une canne anglaise afin de décharger le membre inférieur droit lors de la marche ont été conseillés. L'avis traumatologique a conclu à l'indication d'une arthroplastie totale de la hanche droite à 3 mois du post partum. La patiente a été ensuite suivie par son gynécologue. Un mois plus tard, elle a accouché un garçon par voie basse sans complication. L'arthroplastie totale de la hanche fut réalisée à 3 mois de l'accouchement. Puis elle a bénéficié d'une rééducation fonctionnelle pendant 3 semaines, axée sur le renforcement musculaire et réapprentissage de la marche. La Figure 2 objective la prothèse totale de la hanche droite.
À trois mois de l'arthroplastie, la patiente a recommençé les activités de la vie sociale, avec un suivi dans le centre des personnes drépanocytaires en collaboration les services de rééducation et de traumatologie concernés.
Perspectives de la patiente: par contre elle a abandonné ses études pour s'occuper de son enfant. Deux ans plus tard, elle a donné naissance à son deuxième enfant sans problème. Malheureusement, elle est décédé 14 mois après son deuxième accouchement à la suite d'un paludisme grave, à l'âge de 24 ans.
Consentement éclairé: le consentement éclairé de la patiente a été obtenu à la fin de son suivi, avant son décès.
La drépanocytose est la maladie génétique grave, la plus fréquente dans le monde, caractérisée par la mutation unique sur le chromosome 11, avec le changement de l'acide glutamique par la valine, entraînant ainsi le remplacement des chaînes bêta de globine (A) en chaînes anormales (S) [5]. Les chaines S, en situation d'hypoxie se polymérisent, donnant ainsi aux globules rouges une forme croissant rigide. Les globules rouges déformés perdent alors leur rôle de transporteurs d'oxygène par la difficulté d'une part, à circuler librement dans les capillaires sanguins, et d'autre part à se fixer à l'oxygène par la chaine d'hémoglobine S. Ainsi les personnes vivant avec cette maladie présentent des hauts risques de morbidité et de mortalité liés aux infections, crises de douleur vaso-occlusives, syndrome thoracique aigüe et autres complications [6]. Les manifestations de la drépanocytose sont multiples et varient d'une personne à une autre. La symptomatologie débute généralement de façon précoce et très souvent le diagnostic est posé avant la fin de la petite enfance. Claeys et al. [7] rapportaient dans une série de cas cliniques que l'âge de découverte de la drépanocytose est de quelques mois à 3 ans de vie chez le sujet porteur. Par contre, notre étude rapporte un cas de drépanocytose homozygote SS découverte à l'âge de 21 ans, suite aux explorations d'une nécrose de tête fémorale droite, elle-même révélée par une douleur de la région inguinale droite.
Biaz et al. [8] décrivaient un cas similaire en découvrant une drépanocytose hétérozygote SC chez une femme de 53 ans au cours d'explorations d'une baisse progressive de l'acuité visuelle révélant un décollement rétinien. Ce dernier cas et celui de notre étude montrent que de rares drépanocytaires SS ou SC peuvent échapper aux manifestations morbides ou mortelles de la maladie dans l'enfance, mais demeureront toujours vulnérables aux multiples complications liées à l'évolution de l'affection. Parmi ces complications, les accidents vasculaires cérébraux, douleurs chroniques, néphropathies, rétinopathies, nécroses avasculaires, priapisme et les ulcères de jambe [9] sont les plus rencontrées. Mais quel que soit l'âge du patient drépanocytaire, la prise en charge inclut la prévention des phénomènes aigus, la cure des crises vaso-occlusives et la gestion des complications inhérentes. Notre patiente, avant son accouchement, a bénéficié d'un traitement à base d'antalgique, d'anti-inflammatoire et de la physiothérapie. Quant à l'hydroxyurée, elle n'a pas été administrée compte tenu de sa contre-indication pendant la grossesse. À noter que l'hydroxyurée favorise une augmentation du taux de l'hémoglobine fœtale (HbF) et une inhibition de la polymérisation intracellulaire de l'hémoglobine S (HbS), ce qui entraine une diminution considérable de la morbidité et la mortalité des drépanocytaires [10]. La prise en charge de la patiente en post partum, a consisté à la réalisation d'une arthroplastie totale de la hanche droite, suivie d'une rééducation fonctionnelle pendant 3 semaines, ce qui a permis la reprise des activités de la vie à 6 mois de l'accouchement. Enfin, un suivi au centre régional des personnes drépanocytaires était indiqué en collaboration avec les rééducateurs et orthopédistes. Deux ans plus tard, elle a donné naissance à son deuxième enfant sans aucune complication. Malheureusement elle est morte d'un paludisme grave à l'âge de 24 ans, alors que son nourrisson n'avait que 14 mois.
La drépanocytose fait partie des maladies héréditaires les plus fréquentes au monde. Le diagnostic est plus souvent posé avant la fin de la petite enfance. Néanmoins, des cas de découverte à l'âge adulte, bien que rares, existent. Le traitement comprend la prévention et la gestion des crises ainsi que leurs complications.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.
Collecte, analyse, interprétation des données et rédaction du manuscrit: Alfari Abdoul Aziz. Préparation des figures et révision du manuscrit: Garba Moumouni et Marou Soumana Boubacar. Tous les auteurs ont approuvé la version finale du manuscrit.
Figure 1: nécrose de la tête fémorale droite
Figure 2: prothèse totale de la hanche droite
- Elendu C, Amaechi DC, Alakwe-Ojimba CE, Elendu TC, Elendu RC, Ayabazu CP et al. Understanding Sickle cell disease: Causes, symptoms, and treatment options. Medicine (Baltimore). 2023 Sep 22;102(38):e35237. PubMed | Google Scholar
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