Syndrome d´activation macrophagique associé à une lymphohistiocytose familiale: à propos d´un cas
Tasnim Kouam, Mouna Houari, Latifa Jalili, Majda El Hassouni, Lina Krichal, Hanane Khalki, Karima Rissoul, Adil Najdi, Aziz Elmadi, Khadija Fahli, Yousra El Boussaadni, Abdallah Oulmaati
Corresponding author: Tasnim Kouam, Laboratoire d´Hématologie et Immunohématologies, CHU Mohamed VI de Tanger, Faculté de Médecine et de Pharmacie de Tanger, Université Abdelmalek Essaadi, Tanger, Maroc
Received: 05 Dec 2024 - Accepted: 16 Jan 2025 - Published: 06 Feb 2025
Domain: Laboratory medicine,Pediatric hematology
Keywords: Rapport de cas, syndrome d´activation macrophagique, hémophagocytose, étude génétique, lymphohistiocytose familiale, fièvre
©Tasnim Kouam et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Tasnim Kouam et al. Syndrome d´activation macrophagique associé à une lymphohistiocytose familiale: à propos d´un cas. PAMJ Clinical Medicine. 2025;17:16. [doi: 10.11604/pamj-cm.2025.17.16.46141]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/17/16/full
Case report 
Syndrome d´activation macrophagique associé à une lymphohistiocytose familiale: à propos d´un cas
Syndrome d'activation macrophagique associé à une lymphohistiocytose familiale: à propos d'un cas
Macrophagic activation syndrome associated with familial lymphohistiocytosis: a case report
Tasnim Kouam1,&, Mouna Houari1,2, Latifa Jalili1, Majda El Hassouni1, Lina Krichal2, Hanane Khalki2, Karima Rissoul2, Adil Najdi3, Aziz Elmadi4, Khadija Fahli5, Yousra El Boussaadni5, Abdallah Oulmaati5
&Auteur correspondant
Le syndrome d'activation macrophagique (SAM) est une pathologie rare mais grave, caractérisée par une activation excessive du système immunitaire, entraînant des lésions organiques multiples. Nous rapportons un cas de SAM primitif colligé au laboratoire d'hématologie, chez une fillette de 4 ans hospitalisée pour un SAM primitif, un diagnostic difficile à poser en raison de la rareté de la maladie et de la diversité des symptômes cliniques. L'enfant, initialement en bonne santé, a présenté une thrombopénie isolée sans signes cliniques évidents. Cependant, après avoir associé les anomalies biologiques caractéristiques (hypertriglycéridémie, élévation des lacticodéshydrogénases (LDH)) et confirmé la présence d'hémophagocytose dans la moelle osseuse, le diagnostic de SAM a été retenu. Ce cas met en lumière l'importance d'une évaluation clinique approfondie et précoce dans le diagnostic de cette pathologie, particulièrement dans les formes primaires telles que la lymphohistiocytose hémophagocytaire familiale (LHF), bien que le test génétique n'ait pas permis de confirmer ce dernier. Les interventions thérapeutiques, incluant les corticostéroïdes et l'étoposide, n'ont pas permis de stopper l'évolution de la maladie et l'enfant est décédée d'un choc septique.
Macrophage activation syndrome (MAS) is a rare but severe condition characterized by excessive activation of the immune system, leading to multiple organ damage. We here report the case of a 4-year-old girl with primary MAS whose data were collected in the hematology laboratory. The patient was hospitalized for primary MAS, a diagnosis that is challenging due to the rarity of the disease and the diversity of clinical symptoms. The child, initially in good health, presented with isolated thrombocytopenia, with no obvious clinical signs. However, after associating hallmark biological abnormalities (hypertriglyceridemia, elevated Lactate dehydrogenase (LDH) levels) and confirming the presence of hemophagocytosis in the bone marrow, the diagnosis of MAS was retained. This case highlights the importance of early and thorough clinical assessment in diagnosing this condition, particularly in primary forms, such as familial hemophagocytic lymphohistiocytosis (FHL), although genetic testing did not confirm this diagnosis. Therapeutic interventions, including corticosteroids and etoposide, failed to halt disease progression and the child eventually died of septic shock.
Key words: Macrophage activation syndrome, hemophagocytosis, genetic study, familial lymphohistiocytosis, fever, case report
Le syndrome d'activation macrophagique (SAM) est une maladie rare et potentiellement mortelle due à une activation excessive du système immunitaire. Il affecte le plus souvent les nourrissons, mais il est aussi observé chez les enfants et les adultes à tout âge. Le SAM peut être primaire ou secondaire à diverses affections [1]. Le SAM primaire, souvent lié à une lymphohistiocytose familiale (LHF), reste difficile à diagnostiquer en raison de signes cliniques non spécifiques [1]. L'objectif de notre travail est de rapporter un cas unique d'une fillette de 4 ans avec une thrombopénie isolée évoluant vers un SAM, colligé au laboratoire d'hématologie chez un enfant admis en pédiatrie au CHU de Tanger.
Informations relatives aux patients: il s'agit d'une fillette de 4 ans, issue d'un mariage non consanguin, suivie depuis un an dans le secteur libéral pour une thrombopénie isolée à 70,000/mm³ sans syndrome tumoral ni infectieux ni hémorragique.
Résultats cliniques: l'enfant a été admise au service de pédiatrie en raison d'un syndrome hémorragique caractérisé par des ecchymoses diffuses, un purpura pétéchial et des épistaxis modérées. Elle présentait également un syndrome anémique se manifestant par une pâleur cutanéo-muqueuse modérée, une splénomégalie importante, ainsi que des épisodes de fièvre persistante, résistants aux traitements antibiotiques. L'ensemble des symptômes évoluait dans un contexte d'amaigrissement de 6 kg et d'altération de l'état général.
Chronologie: au cours de son hospitalisation, l'enfant est restée symptomatique avec des fièvres persistantes et des besoins transfusionnels élevés en culots globulaires et plaquettaires. De plus, une convulsion tonicoclonique est apparue sans troubles métaboliques concomitants.
Démarche diagnostique: sur le plan biologique, l'hémogramme initial réalisé dans notre laboratoire a révélé une bicytopénie avec une hémoglobine à 8,7 g/dl, un VGM de 83 fL, une concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH) de 36,5 g/dl, des leucocytes à 7150/mm³ (dont 3660/mm³ de polynucléaires neutrophiles (PNN) et 3350/mm³ de lymphocytes) et des plaquettes à 10,000/mm³. Les enzymes hépatiques étaient élevées (GOT: 102,05 UI, GPT: 52,25 UI), les triglycérides à 5,5 g/dl et la ferritine très élevée à 3760 μg/l. Les lactates déshydrogénases (LDH) étaient augmentées à 2800 U/L. La sérologie virale (CMV et VIH) était négative, tandis que celle du virus Epstein-Barr (EBV) était positive. Le bilan immunitaire, incluant le dosage pondéral des immunoglobulines et l'immunophénotypage lymphocytaire, est revenu sans anomalie.
Le myélogramme a objectivé quelques macrophages activés, et le diagnostic de poussée de syndrome d'activation macrophagique (SAM) a été évoqué selon les critères de Henter. L'association d'un SAM sans étiologie apparente et de l'atteinte neurologique nous a orientés vers un SAM primitif, probablement lié à une lymphohistiocytose familiale, pour laquelle une étude génétique a été demandée, celle-ci n'a pas pu être effectuée suite à des difficultés financières.
Intervention thérapeutique: l'enfant a été mise sous bolus de corticothérapie puis étoposide. Devant l'absence d'amélioration, une perfusion d'immunoglobulines a été réalisée et l'administration d'un sérum antilymphocytaire a été discutée.
Suivi et résultat: malheureusement, le décès est survenu suite à un choc sceptique.
Perspective du patient: les parents ont été pleinement informés des options thérapeutiques et de la gravité de la situation.
Consentement du patient: le consentement éclairé a été obtenu de la part des parents pour que nous utilisions le cas.
Le syndrome d'activation macrophagique (SAM) est un groupe de troubles rares, caractérisés par une hyperactivité des macrophages et des cellules T cytotoxiques, entraînant une élévation des cytokines inflammatoires et une défaillance multiviscérale. Il fait partie des histiocytoses non langerhansiennes et non malignes [1,2]. Le tableau clinique est brutal, avec une fièvre constante atteignant 40°C, une altération de l'état général pouvant conduire à la cachexie, une hépatosplénomégalie dans 40 à 70% des cas, des adénopathies périphériques, une éruption cutanée morbilliforme dans 10 à 20% des cas et des symptômes digestifs inconstants. Des manifestations neurologiques peuvent également apparaître, notamment dans les formes infantiles comme la lymphohistiocytose familiale [1].
Dans notre cas, ces symptômes étaient présents, notamment les manifestations neurologiques, qui ont renforcé le diagnostic de lymphohistiocytose familiale. Concernant les anomalies biologiques, elles sont nombreuses et souvent majeures, bien qu'elles ne soient pas spécifiques. C'est leur association qui oriente vers le diagnostic de syndrome d'activation macrophagique [1]. On note une bi- ou pancytopénie constante, souvent profonde. La thrombopénie, qui est l'anomalie la plus précoce et la plus fréquente, a une origine centrale mais peut également être périphérique en raison d'une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) [1]. C'est le cas de notre patiente, qui présentait initialement une thrombopénie isolée avant que les autres lignées ne soient altérées. L'anémie est normochrome et normocytaire, arégénérative et présente des stigmates d'anémie hémolytique intratissulaire et d'érythroblastose. La leucopénie, quant à elle, est plus inconstante et tardive, avec un déficit principalement sur les lymphocytes [1].
On observe une augmentation quasi constante des LDH plasmatiques, reflet de la lyse cellulaire, ainsi qu'une hypertriglycéridémie souvent précoce, pouvant atteindre plus de dix fois la normale. Dans le cas de notre patiente, cette hypertriglycéridémie était associée à une élévation significative des LDH, indiquant une lyse cellulaire active. Par ailleurs, une augmentation spectaculaire de la ferritinémie a également été observée, dans le cas de notre patiente, cela est probablement dû au syndrome inflammatoire lié à son état clinique, ainsi qu'à la nécrose hépatocellulaire identifiée lors des bilans hépatiques, notons que l'atteinte hépatique est retrouvée dans 40 % des cas [1].
Le myélogramme est l'examen le plus sensible pour le diagnostic du syndrome d'activation macrophagique (SAM). Les macrophages représentent souvent plus de 5% des cellules nucléées de la moelle, bien qu'ils puissent être rares ou difficiles à quantifier. Ces macrophages médullaires présentent parfois de nombreuses vacuoles intracytoplasmiques, contenant des éléments cellulaires sanguins (érythrocytes, érythroblastes, granulocytes, plaquettes, lymphocytes) ou leurs précurseurs hématopoïétiques, intacts ou partiellement digérés [1]. Au début, l'activité hématopoïétique peut rester normale, avec une augmentation des mégacaryocytes et la présence de dysplasie de la lignée rouge, de plasmocytose et de lymphocytes activés. Toutefois, l'évolution peut entraîner une diminution des précurseurs des lignées érythroïdes et granulocytaires, menant à une aplasie myéloïde [3,4]. Minoia et al. [5] ont observé que seulement 60% des enfants atteints de SAM avaient des signes d'hémophagocytose.
Dans notre cas, la présence d'une hémophagocytose dans la moelle osseuse (Figure 1) de la patiente a orienté le diagnostic. Pour le diagnostic positif du SAM, les recommandations du Histiocyte Society stipulent qu'au moins 5 des 8 critères diagnostiques doivent être présents sans diagnostic génétique établi et sans antécédents familiaux [6] (Tableau 1). Les étiologies du SAM sont variées, nécessitant une enquête étiologique approfondie. On distingue deux formes de SAM: les formes primaires, principalement la lymphohistiocytose hémophagocytaire familiale (LHF) et d'autres syndromes génétiques (Griscelli, Chediak-Higashi, Purtilo) [2]. Les formes secondaires sont souvent liées à des traitements immunosuppresseurs ou à des pathologies malignes, auto-immunes ou infectieuses [7]. Dans notre cas, les étiologies secondaires ont été écartées vu la négativité des sérologies virales et du bilan immunitaire, ainsi que l'inefficacité de l'antibiothérapie.
Cela a conduit à suspecter un SAM primitif, en particulier une LHF, compte tenu de l'âge et des signes neurologiques caractéristiques ainsi que la présence concomitante d'une infection virale a EBV, ce qui peut être expliqué dans la LHF par l'existence d'une mutation responsable d'un défaut de cytotoxicité des lymphocytes T CD8+ empêchant la lyse des cellules présentatrices d'antigènes, et par conséquent entretiendrait une activation permanente d'une population lymphocytaire dirigée vis-à-vis d'Epstein Barr virus [2]. Actuellement, l'étude génétique a permis de distinguer quatre types de lymphohistiocytose hémophagocytaire familiale (LHF) en fonction de la localisation des mutations sur les chromosomes 9, 10, 17 et 11. Néanmoins, près d'un quart des cas de LHF reste sans explication moléculaire, ainsi que les résultats ne sont souvent pas disponibles dans des délais rapides ni immédiatement accessibles [2,6,8].
Dans notre cas, bien que l'étude génétique n'ait pas été concluante, le diagnostic de SAM lié à une LHF demeure probable en raison de l'hétérogénéité génétique de cette maladie [2,4,9]. Le traitement des SAM primitifs repose sur le protocole HLH94 (Figure 2), incluant corticostéroïdes, ciclosporine A, thérapie intrathécale et étoposide [10]. La greffe allogénique de moelle osseuse est réservée aux cas familiaux et réfractaires [2,6]. Notre enfant a reçu une corticothérapie associée à l'étoposide et une cure d'immunoglobuline sans amélioration et le décès est survenu dans un contexte de choc sceptique.
Le syndrome d'activation macrophagique (SAM) est une pathologie grave, souvent sous-diagnostiquée, qui peut mettre en péril le pronostic vital si le diagnostic est tardif. Dans notre cas, les difficultés résidaient dans le fait que l'enfant était initialement bien portante et ne présentait qu'une thrombopénie isolée, sans signes cliniques évidents. Ce n'est qu'après avoir observé une combinaison de critères biologiques et cliniques spécifiques au SAM, ainsi que l'absence d'étiologies secondaires, que nous avons suspecté un diagnostic de lymphohistiocytose hémophagocytaire (LHF). Ce cas souligne l'importance d'une vigilance clinique accrue et d'une approche multidisciplinaire pour améliorer les chances de survie et éviter une évolution fatale.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.
Tous les auteurs ont contribué à la réalisation de ce travail et ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.
Tableau 1: critères diagnostiques du syndrome d'activation macrophagique
Figure 1: hémophagocytose sur le myélogramme
Figure 2: protocole de traitement HLH-94
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