Migraine hémiplégique familiale: cas clinique
Dalal Tazrout, Zouhayr Souirti
Corresponding author: Dalal Tazrout, Service de Neurologie, CHU Hassan II, Fès, Maroc
Received: 03 Jan 2025 - Accepted: 02 Feb 2025 - Published: 20 Feb 2025
Domain: Neurology (general)
Keywords: Migraine hémiplégique familiale, migraine sans aura, migraine avec aura, aura motrice, cas clinique
©Dalal Tazrout et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Dalal Tazrout et al. Migraine hémiplégique familiale: cas clinique. PAMJ Clinical Medicine. 2025;17:20. [doi: 10.11604/pamj-cm.2025.17.20.46441]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/17/20/full
Migraine hémiplégique familiale: cas clinique
Familial hemiplegic migraine: case report
Dalal Tazrout1,&, Zouhayr Souirti2
&Auteur correspondant
La migraine hémiplégique familiale est une forme rare et invalidante de migraine, caractérisée par une transmission autosomique dominante. Nous présentons le cas d'un patient de 36 ans, présentant des déficits neurologiques récurrents associés à des céphalées, avec des antécédents similaires chez plusieurs membres de sa famille. Le diagnostic de migraine hémiplégique familiale a été posé sur la base des critères diagnostiques définis par l'International Headache Society, après exclusion des autres diagnostics différentiels. En l'absence de consensus sur la prise en charge, celle-ci a été adaptée en fonction de la sévérité et de la fréquence des crises, en combinant traitements symptomatiques et préventifs. Ce cas souligne l'importance de reconnaître cette entité clinique rare afin d'optimiser le diagnostic et de guider la prise en charge thérapeutique.
Familial hemiplegic migraine (FHM) is a rare form of migraine with aura, characterized by a motor deficit occurring during the aura phase, accompanied by at least one other neurological symptom such as visual, sensory or aphasic disturbances. It is distinguished from sporadic hemiplegic migraine by the presence of a family history of hemiplegic migraine (HM) in a first- or second-degree relative. The clinical spectrum of FHM varies widely, ranging from mild headaches with motor weakness to more severe forms that may include ataxia, epilepsy, intellectual disability, and progressive cerebellar atrophy. In this article, we present the case of a patient with hemiplegic migraine and a similar family history, leading to the diagnosis of familial hemiplegic migraine.
Key words: Familial hemiplegic migraine, migraine without aura, migraine with aura, motor aura, case report
La migraine hémiplégique familiale (MHF) est une forme rare de migraine avec aura, caractérisée par un déficit moteur survenant durant l'aura, associé à au moins un autre symptôme neurologique tel que des troubles visuels, sensitifs ou aphasiques. Elle se distingue de la migraine hémiplégique sporadique par l'existence d'un antécédent familial de migraine hémiplégique (MH) au premier ou au second degré [1]. Le spectre clinique de la MHF varie, allant de céphalées modérées avec faiblesse motrice à des formes plus sévères, pouvant inclure ataxie, épilepsie, retard mental et atrophie cérébelleuse progressive [2]. Dans cet article, nous présentons le cas d'un patient présentant une migraine hémiplégique, avec une histoire familiale similaire, permettant d'établir le diagnostic de migraine hémiplégique familiale.
Informations relatives aux patients
Un patient de 36 ans, sans antécédents médicaux ou chirurgicaux personnels notables, référé en consultation neurologique pour un épisode neurologique transitoire associant hémiparésie gauche, dysarthrie et céphalées, avec un scanner cérébral et un bilan biologique réalisés aux urgences sans anomalie. L'interrogatoire révèle la présence d'un premier épisode neurologique similaire antérieur survenu à l'âge de 7 ans, marqué par une hémiparésie associée à une hémihypoesthésie gauche, une dysarthrie et des céphalées. Ce déficit neurologique s'est résolu en une demi-journée, bien que les céphalées aient persisté plus d'une journée. Depuis, le patient rapporte des épisodes similaires se produisant une à deux fois par an, se caractérisant tous par la survenue d'une hémiparésie gauche associée à une hémihypoesthésie et une dysarthrie, des nausées, des vomissements, une photophobie, une phonophobie, des bâillements et des céphalées hémicrâniennes gauches pulsatiles concomitantes. En parallèle à ces épisodes, le patient présente également des épisodes de céphalées hémicrâniennes à bascule avec nausées et vomissements, sans déficit neurologique associé, survenant une fois par mois, l'enquête familiale a révélé des antécédents similaires chez des apparentés de 2e degré, notamment sa nièce (12 ans), de 3e degré, son oncle (65 ans) et sa tante (décédée à l'âge de 74 ans) et de 4e degré, sa cousine (38 ans) (Figure 1).
Résultats cliniques
L'examen clinique trouve un patient bien orienté dans le temps et l'espace, apyrétique avec une tension artérielle (TA) à 113/72, une fréquence cardiaque à 83 batt/min, l'examen neurologique était strictement normal.
Démarche diagnostique
Le bilan biologique, incluant une numération formule sanguine, une protéine C réactive, un ionogramme complet, un bilan toxicologique, un bilan hépatique et rénal, était strictement normal et l'imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale n'a pas révélé d'anomalie (Figure 2). Même si les tests génétiques n'étaient pas disponibles pour renforcer notre diagnostic, les examens complémentaires, les antécédents familiaux et les caractéristiques cliniques étaient compatibles avec une migraine hémiplégique familiale, associées à une migraine sans aura.
Intervention thérapeutique
Le patient a été mis sous traitement de crise (ibuprofène 600 mg et paracétamol 1g) et un traitement préventif par de l'amitriptyline 40 mg/ml (7 goutte le soir) par voie orale, notre choix de traitement était basé sur la fréquence de crise de migraine sans aura et de la rareté des crises de migraine hémiplégique.
Suivi et résultats des interventions thérapeutiques
Le patient a signalé une amélioration notable de la fréquence et de l'intensité de ses épisodes de migraine sans aura. Cependant, aucun épisode de migraine hémiplégique n'est survenu depuis le début du traitement, ce qui ne permet pas encore d'évaluer pleinement l'efficacité de notre approche thérapeutique. Aucun effet indésirable de traitement n'a été observé à ce jour.
Point de vue de patient
Le patient a exprimé un soulagement après l'annonce du diagnostic, car cela lui a permis de poser un nom sur sa maladie et de mieux comprendre la gestion de ses crises de migraines hémiplégique et de migraine sans aura.
Consentement éclairé
Le consentement éclairé a été obtenu auprès du patient pour partager son cas à des fins scientifiques.
Dans ce cas rapporté, nous présentons un patient de 36 ans, avec une migraine hémiplégique familiale retenue selon les critères de l'International Headache Society (IHS) [1]. Ce rapport met en lumière cette entité rare et sous-diagnostiquée de migraine, soulignant l'importance d'un bon interrogatoire et d'une approche diagnostique rigoureuse, ainsi qu'une prise en charge thérapeutique adaptée à la fréquence des crises. Cependant, il convient de noter qu'une étude génétique n'a pas pu être réalisée, ce qui limite l'identification de la mutation associée. La migraine, en général, est une pathologie neurologique fréquente, contrairement à la MHF, invalidante et multifactorielle, caractérisée par des crises récurrentes entrecoupées de périodes de bien-être complet [2] elle touche une part importante de la population mondiale. Selon l'IHS, la migraine se divise en deux formes principales: la migraine sans aura (MSA), qui se limite aux céphalées et aux symptômes associés et la migraine avec aura (MA), où des symptômes neurologiques transitoires, tels que des troubles visuels, sensitifs et moteurs, précèdent ou accompagnent les céphalées, la migraine hémiplégique familiale (MHF) est une migraine avec aura motrice [1], se distingue par son origine génétique autosomique dominante, transmissible par les deux parents avec une pénétrance incomplète d'environ 90%, ce qui peut entraîner des sauts de génération [3], bien que sa prévalence mondiale n'ait pas été estimée, une étude réalisée au Danemark a évalué la prévalence de la forme familiale qui était d'au moins 0,003% [4].
Les critères diagnostiques de la MHF sont cliniques et requièrent selon l'IHS [1]: au moins un apparenté au premier ou au second degré a présenté des épisodes répondant aux critères A à D. A) Au moins deux épisodes répondant aux critères B et C. B) Aura comprenant les deux caractéristiques suivantes: 1) faiblesse motrice entièrement réversible; 2) symptômes visuels, sensitifs et/ou du langage/parole entièrement réversibles. C) Au moins deux des quatre caractéristiques suivantes: 1) au moins un symptôme d'aura se développe progressivement sur 5 minutes, et/ou deux ou plusieurs symptômes se manifestent successivement. 2) Chaque symptôme d'aura non moteur dure entre 5 et 60 minutes, et les symptômes moteurs durent moins de 72 heures. 3) Au moins un symptôme d'aura est unilatéral. 4) L'aura est accompagnée ou suivie, dans les 60 minutes, d'une céphalée. D) Ne répond pas mieux à un autre diagnostic de l'ICHD-3 et les diagnostics d'accident ischémique transitoire ou d'accident vasculaire cérébral ont été exclus.
Le diagnostic de la migraine hémiplégique familiale (MHF) est établi après une exclusion rigoureuse des diagnostics différentiels (accident vasculaire cérébral, épilepsie, infections, etc.) [1] grâce à des examens complémentaires tels que l'imagerie cérébrale, l'analyse du liquide céphalorachidien (LCR) et les tests génétiques, les symptômes typiques incluent une hémiparésie transitoire, des troubles visuels, sensitifs et du langage, souvent accompagnés de céphalées pulsatiles [3], les investigations au moment des crises peuvent révéler des anomalies transitoires compatibles avec une MHF [3], mais elles sont généralement normales en dehors de ces épisodes. L'identification génétique des mutations dans les gènes CACNA1A pour MHF type 1, ATP1A2 pour la MHF type 2 et SCN1A pour la MHF type 3 a enrichi la compréhension de la physiopathologie, bien que le dépistage génétique reste limité par l'hétérogénéité des mutations et les contraintes techniques [5].
La prise en charge thérapeutique de la MHF suit la conduite habituelle de la migraine, mais avec quelques particularités, les antalgiques simples, les anti-inflammatoires non stéroïdiens et l'aspirine sont privilégiés en phase aiguë pour réduire l'intensité des céphalées, un traitement visant à gérer les symptômes de l'aura motrice fait l'objet de recherches continues, l'utilisation des triptans reste controversée en raison des risques potentiels d'ischémie cérébrale par réduction du débit sanguin cérébral régional [6], par ailleurs, la kétamine intranasale à 25 mg a montré une réduction de la durée et de la gravité des déficits neurologiques lors des crises de MHF [7], de plus, le vérapamil intraveineux à faible dose (5 mg) a prouvé son efficacité dans l'inversion du vasospasme associé à un processus migraineux hémiplégique [8], le vérapamil a également été étudié dans un cadre prophylactique, lorsqu'administré à des doses de 120 mg, une à trois fois par jour, le vérapamil a permis une réduction significative de la fréquence des crises chez certains patients [9], de même, l'acétazolamide, particulièrement utile dans les formes associées à une ataxie cérébelleuse, a montré son efficacité à raison de 250 mg, deux fois par jour [10].
Pronostic
Le pronostic de la MHF est généralement favorable, avec une résolution complète des déficits neurologiques entre les crises. Cependant chez certains patients, des troubles du langage, de la concentration ou de la mémoire persistent plusieurs jours ou semaines après récupération, des formes plus sévères pouvant inclure des déficits moteurs prolongés, des troubles de la conscience tels que la confusion ou le coma, ainsi que des symptômes tels que la fièvre et des convulsions nécessitant une hospitalisation [3].
La migraine hémiplégique familiale (MHF) est une forme rare, caractérisée par des déficits neurologiques réversibles associés à des céphalées. Bien que peu fréquente, elle peut altérer significativement la qualité de vie des patients. Son pronostic est généralement favorable. Le diagnostic est facilité grâce aux critères bien établis de l'IHS, et un traitement adapté à chaque cas permet de gérer les crises efficacement.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.
Dalal Tazrout, était responsable du diagnostic et de la prise en charge clinique de patient et de la rédaction de manuscrit, Souirti Zouhayr a participé à l'analyse, la supervision, la correction, la révision et l'édition du manuscrit pour le contenu intellectuel. Les deux auteurs ont lu et approuvé le manuscrit final.
Figure 1: arbre généalogique de la famille montrant des apparentés de 2e degré, de 3e degré et de 4e degré, atteint tous de MHF
Figure 2: IRM cérébrale, en séquence flair (A), T2 étoile (B), diffusion (C), en coup axiale et T1 sagittal (D) pas d'anomalie
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