Diabète endocrine: mise au point à propos d´un cas de maladie de Cushing
Amadou Diop Dia, Diatou Gueye Dia, Maguette Mbaye, Abdoulaye Leye
Corresponding author: Amadou Diop Dia, UFR des Sciences de la Santé, Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal
Received: 08 Oct 2019 - Accepted: 21 Nov 2019 - Published: 15 Jan 2020
Domain: Diabetes care,Endocrinology
Keywords: Diabète sucré, adénome hypophysaire, Cushing
©Amadou Diop Dia et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Amadou Diop Dia et al. Diabète endocrine: mise au point à propos d´un cas de maladie de Cushing. PAMJ Clinical Medicine. 2020;2:10. [doi: 10.11604/pamj-cm.2020.2.10.20591]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/2/10/full
Diabète endocrine: mise au point à propos d'un cas de maladie de Cushing
Endocrine diabetes update: a case of Cushing disease
Amadou Diop Dia1,&, Diatou Gueye Dia1, Maguette Mbaye2, Abdoulaye Leye2
1UFR des Sciences de la Santé, Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal, 2Faculté de Médecine, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal
&Auteur correspondant
Amadou Diop Dia, UFR des Sciences de la Santé, Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal
Le diabète sucré peut survenir au cours de nombreuses endocrinopathies. Il résulte d'un effet direct ou indirect de l'hormone présente en excès sur le métabolisme glucidique. Nous rapportons un cas de diabète secondaire à une maladie de Cushing. Il s'agit d'une femme de 46 ans sans antécédents personnels et familiaux particuliers, qui consulte pour la prise en charge d'un diabète sucré de découverte récente dans un contexte de syndrome polyuro-polydipsique. Le tableau clinique évoluait depuis environ 12 mois marqué d´une dépigmentation cutanée diffuse et progressive sans usage de produits dépigmentant, un virilisme pilaire, une prise de poids de 13 kg, et une aménorrhée sans signes sympathiques de grossesse. L'examen physique retrouvait un syndrome de Cushing typique avec des signes cataboliques cutanés et musculaires et une hypertension artérielle modérée à 160/90 mmHg. Le bilan biologique notait une glycémie à jeun à 2,5 g/l; une HbA1c à 13%, un hémogramme normal, les fonctions rénale et hépatique normales. Le cortisol libre urinaire était à 902 ug/l (10-50), l'ACTH à 46,9 ng/l (5-60). Le bilan de retentissement du diabète était normal. Le dosage des autres stimulines hypophysaires était normal. L'RM hypophysaire avait mis en évidence un macroadénome hypophysaire de 16 mm de diamètre sans envahissement des tissus environnants. L'exploration ophtalmologique était normale. Le traitement avait consisté en une adénomectomie par voie transphénoïdale après une bonne préparation médicale. L'évolution clinique et biologique en post-opératoire immédiat a été favorable. Cette observation illustre l'intérêt de rechercher une cause secondaire de diabète devant tout patient sans antécédent familial de diabète et ayant ou non un morphotype particulier.
Diabetes mellitus may occur in many patients with endocrinopathies. It is the direct or indirect effect of excess hormone on the carbohydrate metabolism. We report a case of diabetes secondary to Cushing disease. We report the case of a 46-year old woman with no previous personal and family history presenting for the treatment of diabetes mellitus of recent discovery in a context of polyuria-polydipsia syndrome. The clinical picture evolved over approximately 12 months and was marked by diffuse and progressive cutaneous depigmentation without the use of depigmentant products, pilar virilism, weight gain (13 kg) and amenorrhea without sympathetic signs of pregnancy. Physical examination showed typical Cushing syndrome with signs of cutaneous and muscle catabolic signs and moderate arterial hypertension (160/90 mmHg). Laboratory tests showed fasting blood glucose level 2.5 g/l; HbA1c 13%, normal blood count, normal renal and hepatic function. Urinary free cortisol was 902 ug/L (10-50), ACTH 46.9 ng/L (5-60). Diabetes impairment assessment was normal. The dosage of other pituitary stimulines was normal. Pituitary MRI highlighted pituitary macroadenoma measuring16 mm in diameter without invasion of the surrounding tissue. Ophthalmologic exploration was normal. Treatment was based on transsphenoidal adenomectomy after a good medical preparation. The clinical evolution and laboratory tests in the immediate post-operative period were favorable. This study highlights the role of the search for a secondary cause of diabetes in any patient without a family history of diabetes with or without any particular morphotype.
Key words: Diabetes mellitus, pituitary adenoma, Cushing
Le diabète sucré peut survenir au cours de nombreuses endocrinopathies. Il résulte d'un effet direct ou indirect de l'hormone présente en excès sur le métabolisme glucidique. Nous rapportons un cas de diabète secondaire à une maladie de Cushing pour laquelle nous ferons une mise au point pratique.
Il s'agit d'une femme de 46 ans sans antécédents personnels et familiaux particuliers, qui consulte pour la prise en charge d'un diabète sucré de découverte récente dans un contexte de syndrome polyuro-polydipsique. Le tableau clinique évoluait depuis environ 12 mois marqué d´une dépigmentation cutanée diffuse et progressive sans usage de produits dépigmentant, un virilisme pilaire, une prise de poids de 13 kg, et une aménorrhée sans signes sympathiques de grossesse. L'examen physique retrouvait un syndrome de Cushing typique avec des signes cataboliques cutanés et musculaires et une hypertension artérielle modérée à 160/90 mmHg. Le bilan biologique notait une glycémie à jeun à 2,5 g/l; une HbA1c à 13%, un hémogramme normal, les fonctions rénale et hépatique normales. Le cortisol libre urinaire était à 902 μg/l (10-50), l'ACTH à 46,9 ng/l (5-60). Le bilan de retentissement du diabète était normal, de même que le dosage des autres stimulines hypophysaires. L'imagerie par résonnance magnétique (IRM) hypophysaire avait mis en évidence un macroadénome hypophysaire de 16 mm de diamètre sans envahissement des tissus environnants (Figure 1). L'exploration ophtalmologique était normale. Le traitement avait consisté en une adénomectomie par voie transphénoïdale après une bonne préparation médicale. L'évolution a été favorable marquée par une baisse considérable de la surcharge pondérale, une normalisation des chiffres tensionnels et des glycémies avec une HbA1c à 6%. La cortisolémie de 8 heures était à 30 ng/ml à J7, puis à 160 ng/l après 6 semaines d'hormonothérapie substitutive régressive. Une surveillance sur une durée plus longue nous permettrait de mieux apprécier les signes cataboliques cutanés et musculaires.
Aspects épidémiologiques: la prévalence du diabète au cours du syndrome de Cushing est estimée à environ 20 à 50% [1]. Cette prévalence serait sous-estimée car étant fondée sur la glycémie à jeun; elle dépasserait les 50% lorsque le diagnostic du diabète était basé sur l'hyperglycémie par voie orale.
Physiopathologie: l'hypercortisolisme est responsable en premier lieu d'une insulinorésistance hépatique et périphérique [2]. En effet au niveau hépatique, les glucocorticoïdes induisent une augmentation de la néoglucogenèse hépatique par augmentation de présence de substrats issus de la lipolyse et de la protéolyse (glycérol et acides aminés). Au plan musculaire, les glucocorticoïdes entrainent une diminution de l'utilisation périphérique du glucose en interagissant avec la voie de signalisation intracellulaire en aval du récepteur de l'insuline [3]. Sur le tissu adipeux, il existerait une influence des glucocorticoïdes in vitro sur la diminution d'expression d'adiponectine [4]. Des études réalisées in vivo et in vitro ont permis de mettre en évidence un effet direct des glucocorticoides sur les cellules béta pancréatiques, responsable d'une diminution de la sécrétion d'insuline [5].
Aspects diagnostiques: sur le plan diagnostique, il faut distinguer d'une part le syndrome de cushing franc caractérisé par un tableau clinique complet avec des signes spécifiques (fragilité cutanée, faciès lunaire, hirsutisme, ostéopénie) et d'autre part le syndrome de Cushing infraclinique qui est relativement plus fréquent mais de diagnostic plus difficile [6]. Dans notre observation le tableau clinique était fortement révélateur avec au premier rang les signes cutanés et musculaires, l'hypertension artérielle, l'aménorrhée secondaire et le diabète déséquilibré qui était le principal motif de consultation dans notre service. Au plan biologique, il n'existe pas d'étalon standard biologique doté de performance diagnostique absolue pour le syndrome de Cushing. Le diagnostic biologique repose en effet sur la confrontation des résultats de plusieurs investigations appréhendant des anomalies distinctes de la sécrétion de cortisol. La performance des tests est d'autant meilleure que la suspicion clinique est importante [7]. Par ailleurs, les tests diagnostiques doivent prendre en considération la variabilité sécrétoire du cortisol dans le temps et l'activation physiologique de l'axe corticotrope en réponse aux situations de stress [8]. Ainsi, la sécrétion excessive du cortisol peut être mise en évidence par: la cortisolémie à minuit qui est un très discriminative et constitue un excellent test diagnostique [9]. Cependant elle se heurte à la nécessité d'une hospitalisation avec pose d'un cathéter veineux; le cortisol salivaire entre 23h et 00h peut être utile au dépistage ambulatoire du syndrome de Cushing [10]; le cortisol libre urinaire des 24 heures: elle doit être réalisée à au moins deux reprises et suffit au diagnostic du syndrome de Cushing lorsqu'il est supérieur à quatre fois la normale [8]. C'est un test qui se heurte néanmoins à plusieurs écueils liés au terrain, aux techniques de dosage et à la difficulté du recueil complet des urines des 24 heures.
Chez notre patiente la forte suspicion clinique et le dosage du cortisol libre urinaire qui était supérieur à 18 fois la normale, avaient largement suffit pour confirmer le diagnostic de syndrome de Cushing. L'origine hypophysaire a été confortée par l'ACTH plasmatique qui était normale et la mise en évidence d'un macroadénome hypophysaire à l'IRM cérébrale. En pratique, la première étape du diagnostic étiologique d'un syndrome de Cushing vise à établir l'ACTH-dépendance ou indépendance du syndrome. Un taux d'ACTH supérieur à 15 pg/ml signe l'ACTH-dépendance, et un taux inférieur à 5 pg/ml signe l'ACTH-indépendance. La maladie de Cushing représente plus de 90% des causes de syndrome de Cushing ACTH-dépendant, les 10% restant sont d'origine ectopique [11]. Notre patiente présentait un macroadénome hypophysaire non compliqué, alors que dans la littérature 95% des adénomes corticotropes sont des microadénomes [11].
Aspects thérapeutiques et évolutifs: la chirurgie hypophysaire (adénomectomie par voie transphénoidale) est le moyen le plus efficace à faire disparaître les manifestations clinico-biologiques du syndrome de Cushing, de plus elle a fait la preuve de l'amélioration de l'espérance de vie des patients guéris de maladie de Cushing [12]. La fréquence des complications (phlébites, rhinorrhées, méningites, insuffisance hypophysaire) dépend de l'expérience de chirurgien [13]. Après correction de l'hypercortisolisme, les anomalies de la tolérance glucidique sont la plupart du temps améliorées voire guéries. Cependant, des études réalisées chez des patients ayant une maladie de Cushing ont montré que même après guérison de l'hypercortisolisme, les patients restaient à haut risque cardiovasculaire [11]. Malgré une rémission immédiate, la maladie de cushing récidive chez 10 à 25% dans un délai d'environ 10 ans [14]. La fréquence des récidives implique donc un suivi prolongé des patients en rémission. En pratique, il n'existe pas de modalité consensuelle pour l'exploration post-opératoire de la maladie de Cushing. Néanmoins, les sociétés savantes s'accordent sur l'importance de la détermination de la cortisolémie de 8 heures en post-opératoire immédiat [11]. En cas de contre-indication à la chirurgie hypophysaire ou en cas d'IRM hypophysaire négative, quelques équipes proposent un traitement par anticortisoliques tout en surveillant radiologiquement l'hypophyse [15]. La radiothérapie hypophysaire en première intention a peu d'adeptes, mais elle est parfois discutée en cas de mauvais état général, lorsqu'il existe un macroadénome invasif à l'évidence inaccessible à une cure chirurgicale [11].
Cette observation illustre l'intérêt de rechercher une cause secondaire de diabète devant tout diabétique sans antécédent familial de diabètete et ayant ou non un morphotype particulier.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.
Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.
Figure 1: IRM hypophysaire: coupes frontale (A) et sagittale (B) en T1
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