Triade malheureuse de l´épaule
Mohamed Ilahiane, Ibrahim Hassani, Abdelkoddouce Jellali, Patrice Papin
Corresponding author: Mohamed Ilahiane, Service de Chirurgie Orthopédique A, Centre Hospitalier Universitaire Hassan II, Fès, Maroc
Received: 10 Dec 2019 - Accepted: 18 Feb 2020 - Published: 02 Apr 2020
Domain: Emergency medicine,Orthopedic surgery
Keywords: Luxation, épaule, paralysie
©Mohamed Ilahiane et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Mohamed Ilahiane et al. Triade malheureuse de l´épaule. PAMJ Clinical Medicine. 2020;2:135. [doi: 10.11604/pamj-cm.2020.2.135.21256]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/2/135/full
Triade malheureuse de l´épaule
Terrible triad of the shoulder
Mohamed Ilahiane1,&, Ibrahim Hassani1, Abdelkoddouce Jellali1, Patrice Papin2
1Service de Chirurgie Orthopédique A, Centre Hospitalier Universitaire Hassan II, Fès, Maroc, 2Département de Chirurgie Orthopédique, Centre Hopitalier Nord Ousest, Gleize, France
&Auteur correspondant
Mohamed Ilahiane, Service de Chirurgie Orthopédique A, Centre Hospitalier Universitaire Hassan II, Fès, Maroc
La triade malheureuse de l´épaule décrite par Gonzalez est un traumatisme grave associant une luxation de l´épaule, rupture de la coiffe des rotateurs et lésions nerveuse du plexus brachial. Sa prise en charge n´est pas codifiée dans la littérature. Le diagnostic de cette triade est retenu devant la persistance de douleurs et faiblesse musculaire après réduction de la luxation de l´épaule complété par une échographie, l´Imagerie par résonnance magnétique (IRM) et un électromyogramme. Les patients présentant des lésions nerveuses du nerf axillaire, la majorité de ces lésions sont une neurapraxie qui guérissent spontanément et la récupération neurologique pouvant aller de 12 à 18 mois, l´abstention thérapeutique en attendant la récupération nerveuse sans réparation de la coiffe, les tendons seront rétractés et atrophiés et la réparation serait compromis. Nous recommandons de procéder par la réparation de la coiffe dès que le diagnostic a été fait afin d'obtenir le résultat optimal pour cette triade malheureuse sans attendre la récupération nerveuse.
The Terrible triad of the shoulder was described by Gonazalez as a serious injury involving dislocation of the shoulder, rupture of the rotator cuff and brachial plexus injury. His management is not codified in the literature. The diagnosis of this triad is retained in front of the persistence of pains and muscular weakness after reduction of the shoulder dislocation completed by an ultrasound, MRI and an electromyogram. The Patients with nerve injurys, the majority of these injurys are neurapraxia, and they regress spontaneously, neurological recovery can range from 12 to 18 months. Therapeutic abstention awaiting nerve recovery without repair of the cuff, the tendons will be retracted and atrophied and their repair would be compromised. We recommend proceeding with the repair of the cuff as soon as the diagnosis has been made in order to obtain the optimal result for this terrible triad without waiting for nerve recovery.
Key words: Dislocation, shoulder, palsy
Plusieurs articles ont documenté l´association de la luxation de l´épaule et la rupture de la coiffe des rotateurs, mais l´association de rupture de la coiffe des rotateurs avec atteinte du plexus brachial et luxation de l´épaule est très rare. C´est un rapport de cas de la terrible triade de l'épaule, une rare combinaison de luxation de l'épaule, rupture massive de la coiffe des rotateurs et lésion neurologique, le but est de montrer un aperçu sur cette affection, notre attitude pour sa gestion et le résultat fonctionnel final.
Un patient de 42 ans a été amené à aux urgences suite à un accident de la voie publique avec douleur sévère au niveau de l'épaule droite et impotence fonctionnelle total du membre supérieur droit. À l´examen de l´épaule droite soutenue par le membre controlatéral en rotation interne avec asymétrie du contour de l'épaule. Les tentatives de mobilisation passives étaient ressenties et douloureuses. Au départ, une évaluation neurologique complète n´était pas possible, le patient n´a pas coopéré en raison de la douleur; cependant, le déficit sensoriel au niveau du poignet était présent sans atteinte vasculaire. Radiographies et scanner de l'épaule droite (Figure 1) ont confirmé le diagnostic clinique de luxation de l'épaule postérieur associé à une fracture du corps de l´omoplate. La luxation a été réduite sous sédation, une radio de contrôle réalisée a objectivé une tête humérale en place. Un examen clinique a été réalisé après réduction, la mobilisation de l´épaule droite était douloureuse, on note un volumineux dème à ce niveau avec un volumineux hématome. On retient un déficit sévère du deltoïde droit avec une hypoesthésie du moignon de l´épaule, un déficit du biceps brachial, un petit déficit du long supinateur, un déficit sévère du triceps droit. L´extension du poignet et des doigts longs et du pouce nous semble normale, on note un déficit de l´écartement des doigts. La pince pouce-index est correcte. Les réflexes stylo-radiaux et bicipitaux sont abolis, le réflexe tricipital est présent. Cette symptomatologie évoque une lésion plexique C5 C6 et également C7 ou une atteinte du nerf du triceps. Le membre supérieur droit du patient était immobilisé par un bandage coude au corps et il a été admis pour une évaluation plus poussée.
L´examen de la colonne vertébrale cervicale et les radiographies étaient normaux, une électroneuromyographie (ENMG) réalisée a montré une atteinte partielle du plexus brachial droit, intéressant principalement le tronc supérieur primaire. Récupération motrice du musculo-cutanée droit, récupération dans le territoire axillaire droit, dans le territoire du supra-épineux droit, avec un tout début de ré-innervation dans le muscle infra-épineux droit. Après 06 semaines, la physiothérapie a débuté pour la mobilisation passive de membre supérieur droit. Après deux mois du traumatisme le patient a bénéficié d´une réparation de la coiffe des rotateurs à ciel ouvert, l´exploration découverte d´une avulsion complète de la coiffe respectant uniquement le sous scapulaire. Les tendons sont repliés sur eux même, et remaniés par la suite on a procédé a une ténotomie du long biceps avec réinsertion de la coiffe sur 3 ancres sans tension sur le montage (Figure 2). Après 06 semaines en postopératoire, on a commencé une mobilisation passive de son épaule, suivie d´une mobilité active pendant 6 semaines supplémentaires. À 12 semaines postopératoires, il a commencé un programme progressif de renforcement. A un an le patient était satisfait avec épaule indolore et récupération des amplitudes articulaires de son épaule sans déficit neurosensorielle du membre supérieur droit.
Plusieurs articles ont documenté l´association de luxation de l´épaule et la rupture de la coiffe des rotateurs, mais l´association de rupture de la coiffe des rotateurs avec atteinte du plexus brachial et luxation de l´épaule est très rare [1-6]. Le premier cas de ce type de lésion a été publié dans un article de Gonzalez et Lopez [7] en 1991. Les lésions neurologiques peuvent être situées à n´importe quel niveau depuis la base des racines nerveuses à la division du plexus brachial dans la région axillaire. Plusieurs types de lésions peuvent être différenciées : lésions supraclaviculaires (75% des cas) au niveau de la racine du tronc primaire ; lésions du infra et rétroclaviculaires du tronc secondaire (10%) et lésions des branches terminaux (15% des cas) [8]. Les patients présentant des lésions par étirement du plexus brachial guérissent spontanément pendant quelques mois. Les lésions nerveuses axillaires isolées ont de plus mauvais pronostics concernant la récupération spontanée. Les patients qui ne démontrent pas une amélioration clinique ou électrique dans un délai de 3 à 6 mois devraient faire l´objet d´une intervention chirurgicale [9]. Pour Alnot [8], sur une série de 420 patients traités chirurgicalement pour paralysie traumatique du plexus brachial, la chirurgie était généralement effectuée dans un délai entre 3 semaines à 6 mois après le traumatisme.
Certaines sutures secondaires pouvaient être réalisées sur certaines lésions, mais la greffe nerveuse était généralement nécessaire et dépendait de la longueur de l´espace et de la qualité des tissus environnants. Le pronostic général des lésions infra ou rétroclaviculaires est un peu meilleur que celui des lésions supraclaviculaires. Neviaser et al. [10] sur une série de 31 patients âgés de plus de 35 ans qui avaient une limitation des amplitudes articulaires de l´épaule après réduction d'une luxation de l'articulation glénohumérale, a montré que 7,8% de ces patients présentaient une atteinte du nerf axillaire, alors que 100% des patients avaient une rupture de la coiffe des rotateurs associé. Dans une 2e étude de Neviaser et al. [11] en 1993, l'incidence des lésions nerveuses était de 4 patients sur 37, soit 10,8%. Ces résultats objectivent que la douleur et la faiblesse après une luxation sont dues à une rupture de la coiffe des rotateurs plus qu´à une atteinte nerveuse. Pour Brown et al. [2] devant la persistance de douleurs et faiblesse musculaires après réduction de la luxation de l´épaule il faut penser a une lésion de la coiffe ou atteinte nerveuse ou les deux. Pour cela il faut demander une échographie, l´Imagerie par résonnance magnétique (IRM) et un électromyogramme. Vu que cette triade est rare, aucun protocole n'a pas été établi.
Notre patient a bénéficié d´une réparation de la coiffe des rotateurs 02 mois après le traumatisme. Après 06 semaines en postopératoire, on a commencé une mobilisation passive de son épaule, suivie d´une mobilité active pendant 6 semaines supplémentaires. À 12 semaines postopératoires, il a commencé un programme progressif de renforcement. Parce que la majorité de ces lésions du nerf axillaire sont une neurapraxie, l'exploration du nerf n'a pas été effectuée au moment de la réparation de la coiffe. C'était notre croyance que, si le nerf axillaire nécessitait une greffe nerveuse, le potentiel de récupération neurologique serait minime. Nous ne recommandons pas d'attendre la récupération neurologique avant la réparation de la coiffe. Si on doit attendre la récupération neurologique d´une lésion nerveuse sans réparation de la coiffe, la réparation sera compromise, et les tendons seront rétractés et atrophiés pendant la période de récupération nerveuse pouvant aller de 12 à 18 mois. Nous recommandons de procéder par la réparation de la coiffe dès que le diagnostic a été fait afin d'obtenir le résultat optimal pour cette triade malheureuse sans attendre la récupération nerveuse.
Nous avons décrit notre expérience d´un cas de triade malheureuse de l´épaule, une rare combinaison de luxation de l´épaule, rupture de la coiffe des rotateurs et lésions nerveuses. Devant la persistance de douleurs et faiblesse musculaire après réduction de la luxation de l´épaule, il faut penser à une lésion de la coiffe ou atteinte nerveuse ou les deux comme dans notre cas. Pour cela il faut compléter par une échographie, l´IRM et un électromyogramme pour confirmer le diagnostique de la triade malheureuse de l´épaule. Nous recommandons de procéder par la réparation de la coiffe dès que le diagnostic a été fait afin d'obtenir le résultat optimal pour cette triade malheureuse sans attendre la récupération nerveuse.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.
Tous les auteurs ont contribué à la prise en charge du patient et à la rédaction du manuscrit. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.
Figure 1 : image radiologique
et scanographique 3D montrant une luxation gléno-humérale postérieure
associée à une fracture du corps de l'omoplate
Figure 2 : contrôle radiologique après réparation de la coiffe
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