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Case report

Calciphylaxie, insuffisance rénale, cinacalcet

Calciphylaxie urémique: à propos de deux cas

Uremic calciphylaxis: about two cases

Fatima-Zahra Agharbi1,&

 

1CHR Civil Tétouan,Tétouan, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Fatima-Zahra Agharbi, CHR Civil Tétouan,Tétouan, Maroc

 

 

Résumé

La calciphylaxie est un terme employé pour désigner des nécroses cutanées survenant le plus souvent mais pas exclusivement chez l'insuffisant rénal terminal dialysé. Ces lésions sont caractérisées histologiquement par des dépôts calciques sous-intimaux des artères de petits calibres, qui contribuent à l'oblitération de leur lumière. La calciphylaxie touche l'intima des artérioles contrairement à la médiacalcose qui touche le média des artères. Un diagnostic précoce et une prise en charge adaptée y compris un traitement étiologique approprié lorsqu'il est possible permet d'améliorer le pronostic sombre de cette affection. Nous rapportons deux cas de calciphylaxie urémique.


Calciphylaxis is a term used to designate skin necrosis occurring, most often, but not exclusively, in patients with end-stage renal disease on dialysis. These lesions are characterized histologically by subintimal calcium deposits in small arteries which contribute to the obliteration of their light. Calciphylaxis involves the intima of the arterioles unlike mediacalcosis which affects arterial media. Early diagnosis and adequate management, including appropriate etiological treatment, where possible, can allow to improve poor prognosis of this disease. We here report two cases of uremic calciphylaxis.

Key words: Calciphylaxis, renal failure, cinacalcet

 

 

Introduction    Down

L'artériolopathie calcique (AC), également appelée « calciphylaxie », est un phénomène de nécrose ischémique, cutanée et parfois systémique dû à l'oblitération des artérioles d'abord par des dépôts calciques sous-intimaux, puis par la thrombose [1]. Décrite initialement et le plus fréquemment chez l'insuffisant rénal chronique terminal dialysé ou transplanté, mais également en contexte d'hyperparathyroïdie primaire, sous traitement anticoagulant ou de néoplasie [1]. Nous rapportons trois cas de calciphylaxie urémiques dans le cadre d'une insuffisance rénale terminale.

 

 

Patient et observation Up    Down

Observation 1: patiente de 77 ans. ATCD: HTA sous IEC, diabète sous insuline. Hémodialysée chronique depuis 2 ans. Présentait depuis 1 mois avant sa consultation, des lésions douloureuses des cuisses. L'examen trouvait des lésions livédoides nécrotiques des deux cuisses indurées en périphérie (Figure 1). Le bilan biologique trouvait une insuffisance rénale avec une créatinine à 70mg/l et une urée à 1,5g/l, une hypercalcémie à 90mg/l et une phosphorémie à 70mg/l. Le diagnostic de calciphylaxie a été évoqué devant le contexte et l'aspect clinique confirmé par l'histologie. La fréquence d'hémodialyse a été augmentée à 5 fois par semaine et des soins locaux ont été démarrés mais la patiente est décédée.

Observation 2: patiente de 50 ans. ATCD: diabète sous insuline et HTA sous ARA2 avec mauvaise observance. Présentait 1 semaine avant sa consultation des lésions douloureuses des deux jambes nécrotiques dont l´étude histologique confirmait le diagnostic de calciphylaxie. Le bilan biologique objectivait une hypercalcémie à 100mg/l, une phosphorémie à 80mg/l et une insuffisance rénale avec une créatinine à 66mg/l et une urée à 2g/l. Une hémodialyse a été démarrée à raison de 3 fois par semaine avec une très bonne évolution des lésions cutanées après 2 mois (Figure 2, Figure 3).

 

 

Discussion Up    Down

La physiopathologie de l'AC n´a pas encore été élucidée. Il semble que la calcification des artérioles cutanées soit la première étape et la condition nécessaire à la survenue ultérieure de la nécrose. Contrairement à ce qui a été pensé pendant longtemps, la calcification ne survient pas uniquement du fait de l'augmentation du produit phosphocalcique, qui, atteignant un seuil critique, autoriserait la formation de cristaux [2]. En effet, à l'état physiologique la valeur du produit phosphocalcique peut être suffisante pour cela. Ce n'est donc qu'un des facteurs qui interviennent, certes un des plus importants. Ces dernières années de nombreuses études ont permis de mettre en évidence quelques-uns des mécanismes associés à la calcification: diminution de la quantité de molécules inhibitrices, transformation en cellules de nature osseuse des myocytes de la media, mise en circulation de cristaux de calcium par une résorption osseuse augmentée, mort cellulaire, supplémentation en vitamine D [3]. Cliniquement, il s'agit de lésions localisées préférentiellement aux endroits riches en tissu adipeux où l'hypoderme est épais, comme les cuisses et l'abdomen.

Sur les membres, elles sont en général disposées symétriquement. Il s'agit de lésions très douloureuses à évolution nécrotique. Au départ apparaissent des zones maculeuses cyaniques ou livédoïdes reposant sur un socle hypodermique dur, dépassant en périphérie les lésions apparentes visuellement. Celles-là vont ensuite s'étendre et se nécroser en leur centre. Elles prennent alors l'aspect d'un placard de nécrose noire croûteuse, entourée par un halo livédoïde donnant un aspect en « feu de forêt ». Les lésions surviennent généralement après 30 mois de dialyse, hémodialyse ou dialyse péritonéale, et 22 mois après une transplantation rénale avec immunosuppression. Chez la première patiente, le délai de survenue était de 24 mois après le début d'hémodialyse mais chez le deuxième cas la calciphylaxie était le mode de révélation et ceci peut être expliqué par le mauvais suivi de la patiente et l'absence de consultations et de bilans réguliers. La biopsie cutanée avec examen histologique standard associé à des colorations visant à mettre en évidence les dépôts calciques (Van Kossa) permet de confirmer le diagnostic en montrant une lumière réduite des artérioles par l'augmentation de l'épaisseur de la paroi artérielle.

La région sous-intimale est le siège d'une importante calcification segmentaire ou circonférentielle. Pour la prise en charge thérapeutique, il comporte d'une part des soins locaux à visée de détersion et de contrôle de l'hypoxie tissulaire et d'autre part un traitement général visant essentiellement à maîtriser le produit phosphocalcique [1]. Il a été rapporté sur des petites séries rétrospectives un effet bénéfique de l'oxygénothérapie hyperbare dans cette indication [4,5]. Par ailleurs, il faut éviter les facteurs aggravants mécaniques, les traumatismes locaux notamment, et procéder à la détersion de toutes les zones nécrotiques. On utilisera pour cela des hydrogels recouverts d'un pansement secondaire visant d'abord à ramollir la nécrose. Ensuite on procédera à une détersion mécanique active à la pince et au bistouri qui met à nu l'hypoderme sous-jacent. Les pansements seront ensuite adaptés à l'aspect des ulcérations [1]. Dans le but de diminuer le produit phosphocalcique et le taux de PTH plasmatique. On supprime la supplémentation calcique habituelle dans l´insuffisance rénale avancée et on augmente les fréquences de dialyse.

Les résultats de la parathyroïdectomie dans cette indication sont difficiles à évaluer. Plusieurs constatent un effet bénéfique sur de petites séries avec revue de la littérature [6]. Le cinacalcet est un traitement qui semble prometteur dans le contrôle du métabolisme phosphocalcique de l'insuffisant rénal. Il s'agit d'un calcimimétique qui exerce comme le calcium un rétrocontrôle négatif sur la sécrétion de PTH sans avoir les propriétés de cristallisation du calcium. Ce traitement indiqué dans le traitement de l'AC, pourrait également permettre d'en diminuer la fréquence s'il était utilisé de façon large dans l'insuffisance rénale terminale [7-9]. Une anticoagulation efficace est recommandée et c'est l'héparine sodique non fractionnée qui doit être préférée [10]. Des succès thérapeutiques ont été rapportés avec le thiosulfate de sodium. Cet agent antioxydant agirait en chélatant le calcium et en atténuant la dysfonction endothéliale prothrombogène induite par le stress oxydatif. Du fait de son innocuité, cette molécule semble intéressante, mais elle présente l'inconvénient de devoir être administrée en intraveineux au long cours [11-13].

 

 

Conclusion Up    Down

L'artériolopathie calcique est une affection systémique rare sous diagnostiquée survenant dans la grande majorité des cas chez l'insuffisant rénal terminal, mais également en contexte d'hyperparathyroïdie primaire de néoplasie ou sous traitement anti-coagulant. Nous manquons également d'évaluations thérapeutiques notamment du fait de la faible incidence de cette pathologie qui est probablement aussi sous-diagnostiquée. Une prise en charge précoce semble associée à une importante diminution de la mortalité.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: plaques indurées nécrotiques livedoïdes des cuisses

Figure 2: lésions en cours de cicatrisation de la face interne de la jambe droite

Figure 3: lésions en cours de cicatrisation de la face interne de la jambe gauche

 

 

Références Up    Down

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