Syndrome d´insensibilité aux androgènes et tumeur germinale: à propos d´un cas et revue de littérature
Mariam Haffadi, Mouna Bourhafour, Zineb Bouchbika, Nezha Tawfiq, Nadia Benchakroun, Hassan Jouhadi, Souha Sahraoui, Abdellatif Benider
Corresponding author: Mariam Haffadi, Centre Mohammed VI pour le Traitement des Cancers, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
Received: 18 Dec 2019 - Accepted: 13 Feb 2020 - Published: 24 Feb 2020
Domain: Oncology,Gynecology,Urology
Keywords: Syndrome, insensibilité, androgènes, ectopie, testicules, dégénérescence, tumeur germinale
©Mariam Haffadi et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Mariam Haffadi et al. Syndrome d´insensibilité aux androgènes et tumeur germinale: à propos d´un cas et revue de littérature. PAMJ Clinical Medicine. 2020;2:67. [doi: 10.11604/pamj-cm.2020.2.67.20926]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/2/67/full
Case report
Syndrome d´insensibilité aux androgènes et tumeur germinale: à propos d´un cas et revue de littérature
Syndrome d´insensibilité aux androgènes et tumeur germinale: à propos d´un cas et revue de littérature
Androgen insensitivity syndrome and germ cell tumor: a case report and literature review
Mariam Haffadi1,&, Mouna Bourhafour1, Zineb Bouchbika1, Nezha Tawfiq1, Nadia Benchakroun1, Hassan Jouhadi1, Souha Sahraoui1, Abdellatif Benider1
1Centre Mohammed VI pour le Traitement des Cancers, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
&Auteur correspondant
Mariam Haffadi, Centre Mohammed VI pour le Traitement des Cancers, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
Le syndrome du testicule féminisant est une maladie génétique très rare, de transmission récessive liée au chromosome X, appelé actuellement syndrome d´insensibilité aux androgènes (SIA). Les sujets atteints sont des femmes apparemment normales, mais porteuses d´un caryotype mâle 46 XY avec des testicules ectopiques. A travers un cas d´un SIA révélé par une tumeur germinale (TG) sur testicule ectopique chez une patiente âgée de 29 ans, nous allons illustrer les particularités cliniques, anatomopathologiques et thérapeutiques de cette pathologie. Le risque de dégénérescence, lié à la position ectopique des testicules, augmente avec l´âge. Les cancers les plus fréquents sont les tumeurs germinales et les tumeurs à cellules de Sertoli. Une gonadectomie bilatérale prophylactique est donc recommandée après la puberté.
Feminizing testicle syndrome is a very rare genetic disorder of X-linked recessive inheritance, now called Androgen Insensitivity Syndrome (AIS). The affected subjects are apparently normal women, but carrying a 46 XY male karyotype with ectopic testes. Through a case of an AIS revealed by an ectopic testicular with germ cell tumor in a 29-year-old patient, we will illustrate the clinical, pathological, and therapeutic peculiarities of this pathology. The risk of degeneration in these patients, related to the ectopic position of the testes, increases with age. The most common cancers are germ cell tumors and Sertoli cell tumors. A bilateral prophylactic gonadectomy is recommended after puberty.
Key words: Androgen insentivity syndrome, ectopic testis, degeneration, germ cell tumor, treatment
Les cancers testiculaires (CT) sont des cancers rares. Dans 98 % des cas, sont des tumeurs germinales (TG) [1]. Le principal facteur de risque est l´ectopie testiculaire [2]. Le syndrome d´insensibilité aux androgènes (SIA) est une pathologie forte rare. C´est une anomalie du déterminisme sexuel caractérisé par l´association d´un phénotype féminin et d´un caryotype XY avec des testicules ectopiques. Le diagnostic est souvent posé tardivement après la puberté devant une aménorrhée primaire. La méconnaissance de ce diagnostic expose à un risque de dégénérescence du gonade ectopique qui augmente avec l´âge. D´où la nécessité d´une gonadectomie bilatérale prophylactique précoce. Nous rapportons le cas d´un SIA chez une patiente âgée de 29 ans révélé par une tumeur germinale sur testicule ectopique.
Il s´agit d´une patiente âgée de 29ans célibataire, déclarée fille à la naissance, opérée à l´âge de 7ans pour une hernie inguinale droite, avec notion d´aménorrhée primaire. Pas de cas similaire dans la famille et pas de notion de consanguinité. La patiente a consulté au service de Gynécologie-Obstétrique du CHU Ibn Rochd de Casablanca pour une masse abdomino-pelvienne évoluant depuis 7mois puis elle nous a été adressée, après une éxerèse de la masse, pour la prise en charge d´une tumeur germinale sur testicule ectopique. L´examen clinique à l´admission a constaté une patiente en bon état général, plaie de laparotomie sous ombilicale est bien cicatrisée, les organes génitaux externes sont typiquement féminins sans pilosité pubienne ou axillaire avec des seins stade 2 de TANNER. (Figure 1) Avant la chirurgie de la masse tumorale, le bilan radiologique a objectivé une volumineuse masse centro-pelvienne solido-kystique hypervasculérisée mesurant 126x180x100mm associée à une adénopathie métastatique latéro-aortique gauche sans individualisation de l´utérus ou des ovaires (Figure 2 A, B).
Pas de métastases à distance. Les marqueurs tumoraux ont été demandés : BHCG à 125.4mUI/ml, AFP à 3.6ng/l, LDH à 229UI/l. Le bilan hormonal sanguin était perturbé avec un taux élevé de testostérone total. L´examen génétique a montré une formule chromosomique male de type 46, XY. La patiente a bénéficié d´une exérèse de la masse tumorale avec à l´étude anatomo-pathologique et immuno-histochimique, une TGNS (séminome et yalk sac tumor) de 18.5cm de grand axe avec images d´embols vasculaires, sur testicule ectopique gauche. Les marqueurs tumoraux postopératoires se sont normalisés. La TDM thoraco-abdomino-pelvienne postopératoire a objectivé des adénopathies abdominales profondes. Au terme de ce bilan, la tumeur germinale non séminomateuse est classée stade IIB de bon pronostic. La patiente a reçu trois cures de chimiothérapie (protocole BEP). Le scanner thoraco-abdomino-pelvien réalisé à la fin de la chimiothérapie a montré la disparition des adénopathies abdominales. La patiente a été re adressée à son gynécologue pour la prise en charge du SIA. Une consultation génétique a été demandée aussi. Actuellement, la patiente est en rémission complète avec un recul de 3 ans.
Les TGT sont des tumeurs rares. Elles représentent 98 % des CT et sont réparties en séminome pur (TGS) et tumeur non séminomateuse (TGNS) dans 55 et 45 % des cas respectivement [3]. Le pic d´incidence se situe entre 30 et 34 ans [4]. Les sujets atteints d´un SIA sont à risqué élevé de développer un cancer testiculaire du faite de la position ectopique des testicules [5]. Le SIA ou syndrome de testicule féminisant, décrit pour la première fois par John Morris en 1953, est une entité rare; son incidence est en fait très variable, allant, selon les auteurs de 1/20000 à 1/25000 naissances. Il représente l´étiologie la plus fréquente des pseudohermaphrodismes masculins, réalisant un état intersexuel comportant des caractères phénotypiques féminins chez un sujet porteur de testicules [6,7]. C´est une pathologie récessive liée au chromosome X. La physiopathologie est liée à une mutation du récepteur aux androgènes (RA) au niveau du bras long du chromosome X (Xq11-12), ce qui entraine l´absence de réponse des organes cibles aux androgènes [6-8]. Selon la présentation clinique, le SIA est classé en syndrome d´insensibilité complète aux androgènes (SICA) et partielle (SIPA). Le SICA, le cas de notre patiente, est caractérisé par un déficit complet de l'action des androgènes au niveau des organes cibles lié à un dysfonctionnement des RA en rapport soit avec une absence, soit à un déficit fonctionnel des RA du à la mutation du gène RA. Un déficit en 5 alpha réductase a été accusé aussi [9]. La mutation du gène du RA est observée dans 95% des SICA [10]. Le SICA se manifeste cliniquement par un morphotype typiquement féminin, un développement mammaire +/- normal, des organes génitaux externes normaux, l´absence de pilosité axillaire et pubienne ou peu abondante, l´absence de l´utérus avec un vagin absent ou raccourci. Le diagnostic est souvent posé tardivement après la puberté devant une aménorrhée primaire, et c´est le cas de notre patiente avec l´apparition d´une masse abdomino-pelvienne. Avant la puberté, le diagnostic est rarement fait à l´occasion de l´extraction chirurgicale et de l´étude histologique des testicules après une cure d´hernie inguinale [11].
Histologiquement, le testicule du SICA est formé de tubes séminifères immatures contenant de rares cellules germinales et bordés uniquement de cellules de Sertoli. Le nombre de cellules germinales peut être normal chez les enfants de moins de cinq ans et tend à diminuer voire s'annuler avec l'âge. Dans le tissu interstitiel, il existe une hyperplasie des cellules de Leydig associée dans 70% des cas [12]. La méconnaissance de ce syndrome expose à un risque accru de cancérisation des testicules ectopiques. Ce risque est estimé à 5-10%, il est rare jusqu'à l'âge de 25 ans, puis augmente avec l'âge pour atteindre 33 % après 50 ans [13]. Le SIPA comporte un risque plus élevé (15%) de développer un CT que le SICA (0,8%) [10,14]. Les tumeurs malignes les plus fréquentes sont les tumeurs de Leydig avec un pourcentage de 20% [15]. Les TG sont signalées chez 2% des patients adultes atteints de SIA, mais elles sont très rares pendant l'enfance et l'adolescence, avec une incidence signalée de seulement 0,8% [14]. Les TGS sont les plus fréquentes au cours du SICA, par rapport aux TGNS [15]. Notre patiente présente une TGNS. La prise en charge thérapeutique des TGNS survenant au cours d´un SIA est similaire à celle des TGNS chez un sujet normal. Après l´orchidectomie, pour les stades I de haut risque II et III, une chimiothérapie à base de cisplatine, etoposide et blèomycine (BEP) est indiquée. Le nombre de cure dépend du stade. Une évaluation biologique et radiologique à la fin de la chimiothérapie doit se faire. La chirurgie est indiquée devant toute masse résiduelle ou adénopathie rétropéritonéale > 1cm [1]. Dans notre observation, la tumeur était classée stade IIB de bon pronostic. La patiente a reçu 3 cures BEP avec une réponse complète. Avec une prise en charge adaptée des tumeurs germinales, le taux de survie spécifique à 5ans est de 99 % pour les stades I et 85 % pour les stades métastatiques [1]. Vu le risque de transformation maligne, l'orchidectomie bilatérale préventive doit être systématique par la laparotomie ou de préférence par cœlioscopie lorsque les gonades sont de localisation intra-abdominale [10]. Un soutien psychologique pourrait être également nécessaire aussi bien pour la patiente que pour sa famille surtout à l'annonce de la stérilité en évitant de révéler le sexe génétique.
Le SIA est une entité rare. Le risque de TGT augmente avec l´âge, d´où l´intérêt du diagnostic précoce de ce syndrome et d´une gonadectomie prophylactique. La prise en charge thérapeutique des TGNS survenant au cours d´un SIA est similaire à celle des TGNS chez un sujet normal.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.
Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit
Figure 1: la patiente de morphotype féminin normal avec absence de pilosité pubienne et axillaire
Figure 2: IRM pelvienne: A) coupe sagittale ; B) coupe frontale: volumineuse masse centro-pelvienne hyper vascularisée sans individualisation de l´utérus oud es ovaires
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