L´actinomycose des maxillaires: à propos de 4 cas
Houda Mounji, Soufiane Elhatimi, Malika Benfdil, Youssef Rochdi, Hassan Nouri, Abdelaziz Raji
Corresponding author: Houda Mounji, Service d’ORL et Chirurgie Cervico-Faciale, Chu Mohammed VI Marrakech, Marrakech, Maroc
Received: 22 Feb 2020 - Accepted: 26 Feb 2020 - Published: 11 Mar 2020
Domain: Otolaryngology (ENT)
Keywords: Actinomycose, os maxillaire, histopathologie
©Houda Mounji et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Houda Mounji et al. L´actinomycose des maxillaires: à propos de 4 cas. PAMJ Clinical Medicine. 2020;2:97. [doi: 10.11604/pamj-cm.2020.2.97.21862]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/2/97/full
L´actinomycose des maxillaires: à propos de 4 cas
Actinomycosis of the maxillary sinus: about 4 cases
Houda Mounji1,&, Soufiane Elhatimi1, Malika Benfdil1, Youssef Rochdi1, Hassan Nouri1, Abdelaziz Raji1
1Service d´ORL et Chirurgie Cervico-Faciale, Chu Mohammed VI Marrakech, Marrakech, Maroc
&Auteur correspondant
Houda Mounji, Service d´ORL et Chirurgie Cervico-Faciale, Chu Mohammed VI Marrakech, Marrakech, Maroc
L´actinomycose est une affection bactérienne spécifique, rare et non contagieuse qui est sous diagnostiquée et qui a un grand polymorphisme clinique pouvant atteindre tous les organes. L´objectif de ce travail est de discuter à travers quatre observations d´actinomycose des maxillaires, les aspects cliniques, diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs de cette affection. L'âge moyen de nos patients était 52 ans avec un sexe ratio de 1. Les facteurs de risque étaient le diabète dans un cas, extractions dentaires multiples, et antécédents de radio-chimiothérapie pour cancer du sein. Sur le plan clinique, le mode de découverte était très variable : tuméfaction douloureuse mandibulaire dans un cas et endobuccale dans un autre cas, écoulement purulent endobuccal dans un cas et une gène à la mastication dans de dernier cas. La confirmation diagnostic était obtenue par l´examen histo-pathologique dans tous les cas. Le traitement reposait sur la pénicillino-thérapie précoce, adaptée et prolongée avec une durée qui variait entre 6mois et 1 an. La possibilité d´une actinomycose cervico-faciale devrait être envisagée en présence de toute tuméfaction intra- ou extra orale d´étiologie indéterminée. Le pronostic est le plus souvent favorable. Par ailleurs, une bonne hygiène bucco-dentaire demeure le seul moyen adéquat pour prévenir l´apparition d´une actinomycose.
Actinomycosis is a rare under-diagnosed specific and non-contagious bacterial disease characterized by a wide clinical polymorphism. In fact it can affect any organ. We here report four cases of actinomycosis of the maxillary sinus in order to describe the clinical, diagnostic, therapeutic and evolutionary features of this disease. The average age of our patients was 52 years with a sex ratio of 1. Risk factors included diabetes in one case, multiple dental extractions and a history of radio-chemotherapy for breast cancer. From a clinical point of view, the mode of detection was very variable: painful mandibular swelling in one case and intrabuccal in another case, purulent intrabuccal discharge in one case and difficulties in chewing in the latter case. Diagnosis was confirmed by histopathological examination in all cases. Treatment was based on early suitable and prolonged penicillin therapy, with a duration ranging between 6 months and 1 year. The diagnosis of cervicofacial actinomycosis should be suspected in patients with intra- or extra-oral swelling of indeterminate etiology. Prognosis is most often favorable. In addition, good oral hygiene is the only suitable means to prevent actinomycosis.
Key words: Actinomycosis, maxillary bone, histopathology
L´actinomycose est une affection bactérienne spécifique, rare et non contagieuse atteignant préférentiellement la sphère cervico-faciale. Il s´agit d´une infection purulente et granulomateuse qui est due à des bactéries anaérobies Gram positif: les actinomycètes. L´actinomycose survient le plus souvent par contiguïté à partir d´un foyer dentaire [1-3]. Il s´agit d´une infection spécifique et primaire des tissus mous et rarement de l´os. L´ostéite actinomycosique touche souvent la mandibule [4]. L´examen histopathologique reste la clé du diagnostic. Le traitement repose sur la pénicillino-thérapie et la place de la chirurgie est limitée La prophylaxie repose sur une bonne hygiène bucco-dentaire. Nous rapportons quatre observations d´actinomycose des maxillaires.
Observation 1: patiente âgée de 55 ans diabétique type 1. Clinique : tuméfaction douloureuse de la mandibule qui s´est ulcérée par la suite avec mise à nu de l´os mandibulaire. L´examen clinque trouve une patiente édentée et une tuméfaction du rebord alvéolaire en regard de la région molaire gauche (D36) avec une ulcération endobuccale et mise à nu de l´os mandibulaire (Figure 1). Orthopantogramme a montré un foyer d´ostéolyse en regard de l´ulcération. La tomodensitométrie faciale a objectivé une ostéite de la branche horizontale mandibulaire gauche avec des îlots condensant bilatéraux (Figure 2). La biopsie de l´ulcération avec l´examen anatomopathologique a montré des grains actinomycosiques sans signes de malignité. Le traitement a consisté en pénicilline A à la dose de 2g/j par voie orale pendant 6 mois. Un contrôle mensuel a été réalisé et l´évolution a été marquée par un recouvrement de l´os.
Observation 2: patiente âgée de 44 ans, ayant dans ses antécédents plusieurs extractions dentaires qui s´est présentée pour une tuméfaction endobuccale qui s´est ulcérée par la suite. L´examen clinique trouve un mauvais état bucco-dentaire, une ulcération au niveau du processus palatin du maxillaire étendu au bord externe de la lame horizontale droite de l´os palatin (Figure 3). La radiographie panoramique dentaire a montré de plusieurs chicots et caries dentaires. La biopsie a retrouvé une muqueuse infiltrée par un processus tumoral sans signes cytologiques évidents de malignité avec une greffe actinomycosique. Le traitement : pénicilline A 2g/j pendant une année (la patiente a pris 2g/j les premiers 6mois et 1g/j les 6 mois suivants). L´évolution a été marquée par un recouvrement de l´ulcération.
Observation 3: patient âgée de 52 ans, ayant dans ses antécédents une radio-chimiothérapie, et traitement par les biphosphonates pour un cancer du sein métastatique. Elle a consulté pour une haleine fétide, gêne à la mastication et une altération de l´état général. L´examen clinique trouve un mauvais état bucco-dentaire, un aspect de gingivite avec nécrose de la gencive et mise à nu de la branche horizontale mandibulaire gauche. La tomodensitométrie osseuse maxillaire montre un aspect d´ostéite mandibulaire. Ce tableau radio-clinique a fait d´abord évoquer une ostéonécrose d´abord carcinomateuse, un curetage chirurgical avec lambeau de recouvrement a été réalisé. Une première histopathologie a montré un aspect d´inflammation chronique granulomateuse non spécifique sans signes de malignité. L´évolution a été marquée par la destruction du lambeau avec nécrose large. Devant l´aggravation des lésions et l´apparition de la nécrose du plancher buccale, un nouveau prélèvement a été réalisé. L´étude anatomopathologique a alors montré un granulome non spécifique entouré de micro-abcès centrés par des amas de germes d´aspect feutré et arborescent Gram+ et PAS+ (Periodic Acid Schiff) correspondant à l´Actinomyces (Figure 4) . La prise en charge a consisté en un curetage osseux associé à une antibiothérapie par l´amoxicilline 2g/j pendant 6 mois. L´évolution était marquée par la restitution ad integrum des lésions muqueuses et une recouverture de l´os.
Observation 4: patient âgé de 60 ans sans antécédents pathologiques particuliers. Elle a consulté pour un écoulement endobuccal purulent avec trismus et altération de l´état général. L´examen clinique trouve une fistule au niveau de la joue gauche avec issu d´un liquide purulent, une tuméfaction dure au niveau du nez s´étendant à la région sous orbitaire droite et un mauvais état bucco-dentaire avec mise à nu de l´os maxillaire. La tomodensitométrie faciale a montré des lésions ostéolytiques avec infiltration des parties molles adjacentes intéressant les os de l´hémiface gauche (Figure 5). L´examen anatomopathologique a montré un tissu osseux nécrosé avec la présence d´amas bactériens compatible avec une actinomycose. Le patient a été traité par de l´amoxicilline- acide clavulanique. Le patient a présenté des épigastralgies raison pour laquelle il a arrêté le traitement. Par la suite, son état s´est aggravé et il a refusé de consulter. Le patient est décédé probablement par une pneumopathie.
l s´agit d´une infection rare dont la fréquence est de 5/100000. L´actinomycose survient en général chez l´adulte entre 20 et 60 ans mais des cas ont été rapportés chez l´enfant [2]. L´atteinte de la femme est moins fréquente que celle de l´homme avec un sex ratio de 3. De nombreuses localisations d´actinomycose ont été rapportées. Toutefois, la localisation cervico-faciale prédomine avec une moyenne de 55% [5]. L´atteinte osseuse est une complication rare, elle représente entre 1 et 15% des cas d´actinomycose cervico-faciale. Elle touche le plus souvent la mandibule [6]. La maladie survient chez des sujets avec une mauvaise hygiène bucco-dentaire et/ou une notion de traumatisme oral (en particulier, extraction dentaire) ou une tare (immunodépression, corticothérapie, diabète, néoplasie [5]. Les biphosphonates ont été récemment impliqués dans des tableaux d´ostéonécrose des maxillaires [7]. Le principal agent causal des actinomycoses chez l´homme est l´Actinomycetes israelii. Cette bactérie est un bacille Gram positif, anaérobie stricte [4]. Le diagnostic est souvent porté avec un retard du fait du polymorphisme clinique de la maladie et de la difficulté d´identification du germe. Le diagnostic bactériologique est difficile. La confirmation définitive du diagnostic est basée sur l´identification de la bactérie sur les coupes histologiques [5].
Le diagnostic différentiel fait surtout discuter des lésions malignes (sarcome, lymphome malin, récidive d´un carcinome malpighien ), une radionécrose osseuse, et plus rarement certaines mycoses nécrosantes comme la mucormycose, l´histoplasmose ou l´aspergillose. Le traitement est toujours médical, parfois complété par une chirurgie [2]. L´antibiotique de choix est la pénicilline. La place de la chirurgie dans le traitement de l´actinomycose est réduite et limitée au drainage d´une forme en voie de fistulisation, à l´exérèse d´une forme pseudo tumorale enkystée et non contrôlée par le traitement médical, à l´exérèse de séquestres osseux et à l´excision de tissus nécrosés [8]. La plupart des auteurs se basent sur la clinique pour la surveillance des malades [1, 3, 4,5]. Le pronostic est le plus souvent favorable après l´institution d´une antibiothérapie prolongée. La guérison est obtenue dans environ 90% des cas d´actinomycose bien traités [9]. La prophylaxie est importante et consiste à traiter les foyers infectieux chroniques dentaires, amygdaliens ou salivaires, d´améliorer les conditions d´hygiène buccodentaire et de bénéficier de soins dentaires de qualité [2].
L´actinomycose est une infection rare causée par des bacilles Gram positifs anaérobies nommés Actinomyces. La possibilité d´une actinomycose cervico-faciale devrait être envisagée en présence de toute tuméfaction intra- ou extra orale d´étiologie indéterminée. Le pronostic est le plus souvent favorable. Par ailleurs, une bonne hygiène bucco-dentaire demeure le seul moyen adéquat pour prévenir l´apparition d´une actinomycose.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.
Figure 1: ulcération et mise à nu de l´os mandibulaire au niveau du rebord alvéolaire en regard de la région molaire gauche (D36)
Figure 2: TDM faciale en coupe horizontale montrant une ostéite de la branche horizontale mandibulaire gauche avec des ilôts condensants bilatéraux
Figure 3: photo de la patiente bouche ouverte un mauvais état bucco-dentaire avec une ulcération au niveau du bord externe de la lame horizontale droite de l'os palatin
Figure 4: aspect au microscope optique (×20) avec coloration PAS de grains actinomycosiques.
Figure 5: TDM faciale en coupe coronale montrant des lésions ostéolytiques avec infiltration des parties molles adjacentes intéressant les os de l'hémiface gauche
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