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Profil bactériologique des péritonites infectieuses chez les patients en dialyse péritonéale : expérience du CHU Hassan II de Fès

Profil bactériologique des péritonites infectieuses chez les patients en dialyse péritonéale : expérience du CHU Hassan II de Fès

Bacteriological profile of infectious peritonitis in patients undergoing peritoneal dialysis: experience in the Hassan II University Hospital, Fez, Morocco

Imane Jamai Amir1,&, Ghizlane Oulali1, Ghita Yahyaoui1, Mustapha Mahmoud1

 

1Service de Bactériologie, Laboratoire Centrale d´Analyses Médicales, CHU Hassan II, Fès, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Imane Jamai Amir, Service de Bactériologie, Laboratoire Centrale d´Analyses Médicales, CHU Hassan II, Fès, Maroc

 

 

Résumé

La péritonite infectieuse (PI) chez les patients sous dialyse péritonéale (DP) est responsable d'une lourde morbi-mortalité et d´un risque accru de passage à l´hémodialyse. Afin de déterminer le profil bactériologique des PI chez cette population vulnérable, nous avons mené une étude rétrospective sur les liquides péritonéaux envoyés au Laboratoire de Microbiologie du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) Hassan II de Fès, entre 2012-2019. Trente-cinq (35) épisodes de péritonites chez 24 patients étaient identifiés. Pour chaque épisode, nous avons analysé le nombre de globules blancs, la coloration de Gram, le résultat de la culture et l'antibiogramme. Les bactéries à Gram + étaient les plus isolées (55,55% des cas) avec une prédominance du Staphylocoque aureus (80%), suivies des Gram - (33,33% des cas) représentés uniquement par les entérobactéries. La majorité des souches isolées étaient de phénotype sauvage. Nous avons noté un taux élevé de péritonites aseptiques (82,69%) dans notre série, d´où la difficulté d'interprétation des résultats. Cette prédominance pourrait être attribuée aux particularités microbiologiques des liquides péritonéaux chez cette population, exigeant ainsi l'utilisation de techniques sensibles et fiables, notamment l'ensemencement du liquide dans deux flacons d'hémoculture (aérobie, anaérobie).


Infectious peritonitis (IP) in patients undergoing peritoneal dialysis (PD) causes severe morbidity and mortality and an increased risk of patient’s dependency on hemodialysis. The purpose of this study was to determine the bacteriological profile of IP in this vulnerable population. Thus we conducted a retrospective study of peritoneal fluids sent to the microbiology laboratory at the Hassan II University Hospital in Fez between 2012 and 2019. Thirty-five peritonitis episodes were identified in 24 patients. For each episode, we measured the number of white blood cells, gram staining, culture results, and antibiotic susceptibility. Gram-positive bacteria were mostly isolated (55.55% of cases) with a prevalence of Staphylococcus aureus (80%), followed by gram-negative bacteria (33.33% of cases) such as enterobacteriaceae. The majority of the isolated strains were wild type phenotype. In our case series, we registered a high rate of aseptic peritonitis (82.69%), hence the difficulty in interpreting results. This predominance could be attributed to the microbiological features of peritoneal fluids in this population, thus requiring the use of sensitive and reliable techniques, including seeding two blood culture vials (aerobic, anaerobic).

Key words: Infectious peritonitis, peritoneal dialysis, bacteriological profile, Fez

 

 

Introduction    Down

L´infection péritonéale en dialyse péritonéale est une infection du liquide péritonéal avec une inflammation du péritoine. Il s´agit d´une complication infectieuse redoutable chez les malades en DP. Son taux élevé est corrélé à une mortalité non négligeable, environ 18% de la mortalité infectieuse [1]. Au-delà du décès, c'est la principale cause de passage à l'hémodialyse [2]. C´est la raison pour laquelle la prévention de l´infection doit être considérée comme une priorité absolue [3]. La PI représente une urgence diagnostique et thérapeutique. De ce fait, des suspicions clinique et/ou biologique et une antibiothérapie probabiliste seront démarrées à la base des données bactériologiques locales et internationales, à adapter ensuite à l'antibiogramme de l'agent pathogène. Notre étude a pour objectif de décrire le profil microbiologique et d'étudier la sensibilité aux antibiotiques des espèces bactériennes responsables de péritonites chez les malades sous dialyse péritonéale.

 

 

Méthodes Up    Down

Patients

Depuis la mise en place d´une unité de DP au CHU Hassan II de Fès en 2012, 84 patients suivis au service de néphrologie ont bénéficié de cette technique. Il s'agit d'une étude rétrospective descriptive réalisée au laboratoire de microbiologie du CHU Hassan II de Fès, sur les prélèvements du liquide péritonéal provenant de patients sous DP présentant des signes cliniques et/ou biologiques évocateurs de péritonite. L´étude a été conduite sur une période de sept ans de 2012 à 2019. Les variables étudiées étaient : l'âge, le sexe, la néphropathie initiale, le nombre de globules blancs, la formule leucocytaire, la coloration de Gram, le nombre d'épisode, l'agent pathogène et sa sensibilité aux antibiotiques.

Méthodes

Le prélèvement du liquide péritonéal est réalisé devant un liquide trouble, une fièvre inexpliquée ou des douleurs abdominales. Le traitement des prélèvements passe par : 1) un examen macroscopique, qui note la couleur et la consistance du liquide ; 2) un examen microscopique qui détermine sur la cellule de Malassez le nombre des éléments figurés. La formule leucocytaire faite à partir du culot de centrifugation par la coloration bleue de méthylène et la coloration de May Grunwald Giemsa (MGG). La recherche d'agent pathogène sur le culot par la coloration de Gram ; 3) la culture : tous les échantillons sont ensemencés sur un milieu gélosé avec 5% de sang frais, un milieu gélosé au sang cuit et sur un bouillon BHI (infusion cœur - cerveau). Incubés à 35°C dans une atmosphère enrichie en CO2. Les cultures sont gardées 48h dans l'étuve avant d´être déclarées négatives. 4) L'antibiogramme est testé selon la méthode de diffusion en gélose Mueller-Hinton avec une lecture interprétative selon les recommandations du comité d´antibiogramme de la société française de microbiologie (CASFM). Les résultats sont représentés comme S (sensible), I (intermédiaire) et R (résistant). La recherche de la résistance à la méticilline est réalisée à l'aide d'un disque de céfoxitine (30 μg) sur la gélose Mueller Hinton, après 24h d'incubation à 37°C. Le dépistage des bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE) est effectué par le test de synergie (aspect en bouchon de champagne), en utilisant le disque d´amoxicilline - acide clavulanique (30 μg) au centre de la boite et distant par 30 mm au disque de la ceftazidime (30 μg).

Le diagnostic de péritonite bactérienne est clinico-bactériologique et posé, si au moins deux des critères suivants sont associés : liquide péritonéal trouble ou douleurs abdominales, nombre de globules blancs ˃ 100 par mm3 avec un taux de neutrophiles supérieurs à 50% et une culture et/ou examen microscopique positif. Ont été exclus de l´étude, la recherche des bactéries anaérobies, de mycobactéries et les péritonites éosinophiles.

 

 

Résultats Up    Down

La population cible: depuis l'initiation de la dialyse péritonéale au CHU Hassan II de Fès en 2012, le laboratoire de microbiologie a reçu 161 ponctions, provenant de 46 patients, soit une moyenne de 3,47 ponctions/patients. L'âge moyen de nos malades était de 35,68 ans (13 ans, 64 ans) et le sex-ratio homme femme était de 40H/15F, soit 2,66. La néphropathie initiale était la néphropathie diabétique dans 94% de cas.

La fréquence des péritonites : sur les 161 échantillons examinés, 52 étaient à cytologie positive soit une fréquence globale de 32,29%. Environ 82,69% étaient à culture négative et 17,30% étaient à culture positive ; soit un taux de 5,59%. La fréquence chez les sujets de sexe masculin était de 71,15% versus 26,92% chez le sexe féminin, cette différence n'était pas statistiquement significative (p ˃ 0,005). Au cours de notre étude, 35 épisodes de péritonites ont été identifiés chez 24 patients.

Examen microscopique: la moyenne des globules blancs (GB) pour les cultures positives était de 4625 GB/mm3 et la moyenne pour les cultures négatives était de 6209,7 GB/mm3. Aucune différence statiquement significative n´a été retrouvée (p ˃ 0,05). Dans un seul cas, la coloration Gram a permis d'isoler le germe.

Les bactéries isolées : les bactéries à Gram + étaient les plus rencontrées (55,55% des cas), elles sont dominées essentiellement par le staphylocoque aureus n = 4 (80%). Les Gram sont au nombre de 3 (33,33%), tous des entérobactéries. Aucune souche de Pseudomonas aeruginosa ou d'Acétobacter baumanii n´a été isolée. Le Tableau 1 résume la fréquence des microorganismes dans notre étude.

La sensibilité aux antibiotiques: la plupart de nos isolats avaient un phénotype sauvage (Tableau 2).

 

 

Discussion Up    Down

La contamination du dialysat se fait surtout par voie endoluminale (lumière du cathéter) en rapport avec une transmission manuportée ou aéroportée (faute d´asepsie ou ouverture accidentelle du circuit de dialyse péritonéale). Plus rarement, à partir d´un foyer infectieux intra-abdominal (appendicite, diverticulite) ou d´une infection de l´orifice cutané de sortie du cathéter avec infection du tunnel sous cutané. Actuellement l'incidence des péritonites a nettement régressé grâce à l´application de mesures strictes d´asepsie et l'amélioration des conditions techniques qui nécessite moins de manipulations cutanées [4-7]. Dans la présente étude, nous nous sommes intéressés au profil bactériologique des PI chez les patients sous DP, afin d´adapter l´antibiothérapie à notre écologie bactérienne. Or nous sommes confrontés au nombre élevé des péritonites aseptiques 82,69%. Tandis que «The International society for peritoneal dialysis» (ISPD) recommande un nombre maximal de péritonites à culture négative à 20% et un niveau souhaité à 10% [3].

Par ailleurs, le diagnostic d'une péritonite sur un liquide de dialyse péritonéale constitue un véritable chalenge pour le microbiologiste. En effet, nombreuses sont les causes qui rendent difficiles l'isolement de l'agent pathogène et l'interprétation d'une culture positive (le respect des conditions pré-analytiques, le nombre variable des bactéries présentes dans le liquide de la dialyse péritonéale, la durée de vie courte de certaines bactéries dans le liquide péritonéale) [1]. Face à tous ces défis, le biologiste doit disposer de moyens diagnostiques sensibles et fiables. Selon les données de la littérature, deux méthodes sont recommandées : la biologie moléculaire et la culture conventionnelle bactérienne [1]. La biologie moléculaire consiste à la recherche de l'ADN bactérien soit d'une façon large (ADN1r16s qui est commun à toutes les bactéries), ou de façon précise (PCR ciblée). En revanche, on reproche à ces méthodes le retard de résultats et l´absence d´antibiogramme [8, 9]. La culture conventionnelle est la technique de référence pour l'isolement de l'agent pathogène, mais elle manque de spécificité. L'alternative proposée alors est l'inoculation du liquide péritonéal dans 2 flacons d'hémocultures (aérobie, anaérobie) pour augmenter la sensibilité de 50 à 80% [10]. Dans la présente étude, on note une coloration de Gram positive dans un seul cas. Bien que cette coloration soit souvent négative dans les péritonites, elle garde toute sa place car elle permet de poser le diagnostic de péritonite à candida et de démarrer le traitement antifongique au moment opportun [1].

Quant aux bactéries isolées, les Gram positif sont les plus retrouvés avec un taux de 55,55%. Ce résultat est en accord avec la littérature [2, 11, 12]. Dans notre série, ainsi que dans la série de Persy et al. le staphylocoque aureus est l´espèce bactérienne la plus isolée [12]. Contrairement à la série d´Ammari et al. en Algérie [13] et à l'étude de Lioussfi et al. à Rabat [2] qui retrouvaient une prédominance du staphylocoque à coagulase négative. Le taux de Gram observé dans notre étude est de 33,33%, résultat proche de celui retrouvé par de Persy et al. [12], mais différent des études de Lioussfi et al. à Rabat [2] et Ammari et al. en Algérie [13], qui ont rapporté un taux proche de 50%. En ce qui concerne l'antibiogramme, 88,88% des souches isolées ont un phénotype sauvage, un seul cas de bêtalactamases à spectre élargi (BLSE) était détecté. Ces données sont similaires aux données publiées [2, 10, 13].

Selon les recommandations de l'ISPD [7], on commence par une antibiothérapie, intrapéritonéale (IP) puis intraveineuse (IV), initialement probabiliste pour les germes gram positifs et négatifs, secondairement adaptées aux germes. Un ou deux échanges rapides peuvent soulager la douleur, et un lavage péritonéal pendant 24 à 48 heures est souvent utilisé chez les patients en choc septique avec un effluent franchement trouble, associée à l´héparine standard tant que le dialysat drainé est trouble. Le traitement minimum d´une péritonite est de 2 semaines et 3 semaines pour les infections sévères (quel que soit le germe). Rajouter au minimum une semaine après normalisation du dialysat pour les staphylocoques coagulase négative et pour les péritonites stériles.

 

 

Conclusion Up    Down

En conclusion, l'étude microbiologique est indispensable au diagnostic étiologique des PI, ce qui permet de déterminer la flore locale guidant ainsi l'antibiothérapie probabiliste. Les techniques de la biologie moderne (la biologie moléculaire, la culture conventionnelle) ont nettement diminué le nombre des péritonites à culture négative.

Etat des connaissances sur le sujet

  • La péritonite infectieuse est la complication fréquente chez les patients en dialyse péritonéale. Cette complication entraine le passage à l´hémodialyse ; les cocci Gram+ sont les germes les plus isolés, avec une prédominance du staphylocoque coagulase négatif.

Contribution de notre étude à la connaissance

  • La dialyse péritonéale est une nouvelle technique d´épuration extra-rénale, initiée au CHU Hassan II depuis 2012 - dans notre étude, nous étions frappés par le taux élevé des péritonites à culture négative (80%), probablement en rapport avec notre technique d´étude - le staphylocoque aureus est le germe le plus isolé. La majorité des bactéries isolées sont de phénotypes sensibles.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont contribué à ce travail et ont lu approuvé la version finale.

 

 

Remerciements Up    Down

Toutes personnes ayant contribué à la réalisation de ce travail.

 

 

Tableaux Up    Down

Tableau 1: fréquence des micro-organismes responsables

Tableau 2 : caractéristiques bactériologiques des péritonites

 

 

Références Up    Down

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