Rupture utérine spontanée sur utérus sain: a propos d´un cas et revue de la littérature
Elkarkri Chourouk, Ammouri Safaa, Lakhdar Amina, Zeraidi Najia, Baidada Aziz
Corresponding author: Elkarkri Chourouk, Service de Gynécologie Obstétrique et Endoscopie Gynécologique, Maternité Souissi, Chu Ibn Sina, Université Mohamed V, Rabat, Maroc
Received: 25 Mar 2020 - Accepted: 23 Apr 2020 - Published: 12 May 2020
Domain: Obstetrics and gynecology
Keywords: Rupture utérine, utérus sain, complications obstétricales de l’accouchement
©Elkarkri Chourouk et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Elkarkri Chourouk et al. Rupture utérine spontanée sur utérus sain: a propos d´un cas et revue de la littérature. PAMJ Clinical Medicine. 2020;3:8. [doi: 10.11604/pamj-cm.2020.3.8.22498]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/3/8/full
Rupture utérine spontanée sur utérus sain: a propos d´un cas et revue de la littérature
Spontaneous uterine rupture of healthy uterus: about a case and literature review
Elkarkri Chourouk1,&, Ammouri Safaa1, Lakhdar Amina1, Zeraidi Najia1, Baidada Aziz1
1Service de Gynécologie Obstétrique et Endoscopie Gynécologique, Maternité Souissi, Chu Ibn Sina, Université Mohamed V, Rabat, Maroc
&Auteur correspondant
Elkarkri Chourouk, Service de Gynécologie Obstétrique et Endoscopie Gynécologique, Maternité Souissi, Chu Ibn Sina, Université Mohamed V, Rabat, Maroc
La rupture utérine est une complication rare du travail qui met en jeu le pronostic vital de la mère et celui du fœtus ainsi que le devenir obstétrical de la femme. Elle est plus fréquente en cas d´utérus cicatriciel et très rare en cas d´utérus sain. Nous présentons un cas rare de rupture utérine spontanée sur utérus sain chez une patiente de 28ans sans antécédents pathologiques notables diagnostiquée après six heures de son accouchement par hémorragie du post partum. Nous discutons à travers ce cas et la revue de la littérature, l'extrême prudence qu'il faut garder même en cas d´utérus non cicatriciel ainsi que les signes d'appel cliniques, les facteurs de risque, la méthodologie diagnostique et la prise en charge thérapeutique de cette entité rare mais potentiellement grave.
Uterine rupture is a rare complication of childbirth. It can be potentially life-threatening for the mother and the fetus and have an impact on mother´s fertility. It is more frequent in patients with scarred uterus while it is very rare in patients with healthy uterus. We here report a rare case of spontaneous uterine rupture of healthy uterus in a 28-year old patient with no particular past medical history who was diagnosed based on postpartum hemorrhage occurred six hours after delivery. This study and literature review highlights the need to proceed with caution in treating even patients with unscarred uterus as well as the clinically suspected signs, risk factors, diagnostic methods and therapeutic management of this rare but potentially severe disease.
Key words: Uterine rupture, healthy uterus, obstetric complications of childbirth
La rupture utérine est une complication rare du travail qui met en jeu le pronostic vital de la mère et celui du fœtus ainsi que le devenir obstétrical de la femme. Elle est plus fréquente en cas d´utérus cicatriciel très rare en cas d´utérus sain. L´incidence des ruptures utérines en population générale est de 1/1235 à 1/4366 accouchements, sur utérus sain elle est estimée entre 1/16 840 et 1/19 765 accouchements dans les pays à hauts revenus [1-4]. Dans les études publiées, la mortalité fœtale est estimée entre 12 et 35 %, avec un taux d´hystérectomie de 20 à 30 % [1,2,5]. Les facteurs de risques sont mal identifiés.
Patiente âgée de 28ans, 4ème geste, 4ème pare, ayant comme antécédents 4 accouchements par voie basse de grossesse menées à terme, 4 enfants de sexe masculin, le dernier accouchement datait de 6 heures de son heure d´admission à notre structure. La patiente était référée à notre CHU d´une maison d´accouchement pour hémorragie du post partum. A l´admission, la patiente était normotendue à 110/70 mm hg, tachycarde à 110 battements/min, apyrétique, conjonctives légèrement décolorées. L´examen obstétrical a montré un saignement rougeâtre continu d´origine endo-utérin d´où la réalisation d´une révision utérine qui a objectivé la présence d´une solution de continuité utérine. La patiente était acheminée rapidement au bloc opératoire pour réalisation d´une laparotomie en urgence. A l´exploration, on avait objectivé la présence d´un hémopéritoine de grande abondance en premier lieu, et la mise en évidence en deuxième lieu d´une rupture utérine isthmique antéro-latérale et une autre postérieure. (Figure 1, Figure 2) Vu l´âge de la patiente et son désir de préserver sa fertilité, on avait opté pour une reconstruction utérine. Les suites opératoires étaient bonnes et la patiente avait quitté notre structure six jours après accompagnée de son bébé.
La rupture utérine sur utérus non cicatriciel est une complication très rare dans les pays développés mais relativement plus fréquente dans les pays en voie de développement. Cette disparité est le reflet de la différence des conditions socio-économiques, de la grande précarité et des niveaux de moindre surveillance médicale. Sur un utérus non cicatriciel, la fréquence de RU est estimée entre 1/17.000 et 1/20.000 accouchements [6]. La rupture utérine est une solution de continuité complète du mur utérin ainsi que de sa séreuse. La lumière utérine communique alors avec la cavité péritonéale. On distingue deux types de rupture utérine (RU): traumatique et spontanée. Les étiologies de RU dites « traumatiques » sont variées et peuvent être en rapport avec un choc (direct ou indirect) ou des manœuvres obstétricales (manœuvres endo-utérines ou expression utérine). Nous nous intéresserons plus particulièrement aux RU dites spontanées qui surviennent en dehors de tout contexte traumatique [7,8]. Les facteurs de risque de rupture utérine sur utérus sain gravide sont multiples, dont les plus importants sont l'utérus malformé, la multiparité, les manœuvres obstétricales, les extractions instrumentales, les dystocies mécaniques, les anomalies de placentation, les antécédents de curetage utérin, et l'utilisation d'ocytociques [9]. Chez notre patiente, la multiparité était le seul facteur de risque trouvé, ce qui a rendu cet accident inattendu.
Dans certains cas la rupture sur utérus gravide, a priori sain, n´a pas de cause évidente. Schrinsky [10] a retrouvé dix ruptures spontanées sans aucun facteur favorisant dans sa série de 40 ruptures. Cinq cas de rupture, sur les 59 rapportées par Iloki [11], n´ont pas de cause définie. Parry et al. [12] ont suggéré que les facteurs de risque de rupture utérine inexpliquée peuvent être: les diverticules utérins, les malformations artérioveineuses et l´endométriose. [13] Liu et al. , en analysant une série de 26 cas, ont trouvé des lésions cellulaires irréversibles dans les fibres musculaires du segment inférieur, en cas de rupture pendant le travail, d´un utérus non cicatriciel; ils ont conclu que la pression excessive et prolongée de la présentation fœtale sur le segment inférieur, en cas de travail prolongé, est à l´origine de ces conséquences pathologiques. Cette hypothèse est, certes, séduisante, mais critiquable, car elle ne permet pas d´expliquer les ruptures sur utérus non cicatriciel survenant avant tout en début de travail. Concernant le site de la rupture, les différentes publications sont en accord avec les travaux de Margulies [14] et de Voogd [15]. En fait, lorsque la rupture apparaît pendant le travail elle intéresse souvent le segment inférieur alors qu´elle est corporéale avant le travail. Dans notre cas, la rupture intéresse le segment inférieur.
Le tableau clinique de la rupture utérine est généralement bruyant et les signes typiques sont les douleurs pelviennes violentes, une sensation de déchirement, les métrorragies, et l'instabilité de l'état hémodynamique évoluant vers l'état de choc [16]. Sur le plan clinique, notre patiente a présenté une hémorragie de délivrance après l´accouchement avec une tachycardie et aucun signe pendant le travail, c´est la révision utérine qui a permis le diagnostic de la rupture utérine. La prise en charge thérapeutique des RU demeure une urgence médicochirurgicale et comprend une réanimation médicale qui sera suivie d´une laparotomie en urgence. Le traitement chirurgical de la rupture utérine sur utérus sain doit être idéalement conservateur chez la femme jeune désireuse de grossesse, et consiste en une simple suture de la rupture. Dans le cas où le traitement conservateur paraît impossible à cause de l'étendue des lésions, une hystérectomie s'impose [7,17]. Devant les ruptures négligées, le traitement conservateur est rarement possible. Dans notre cas, le traitement conservateur a été décidé devant les constatations per opératoires et le désir de la patiente de garder une fertilité ultérieure. En cas de nouvelle grossesse, le risque d'une nouvelle rupture utérine varie de 4 à 19 % selon les séries [8]. Pour la plupart des auteurs, ce risque est plus élevé en cas de cicatrice corporéale qu'en cas de cicatrice segmentaire [18]. Il faudra dans ce cas assurer un suivi rapproché et prévoir un accouchement programmé par césarienne prophylactique à 38SA [17].
La rupture utérine sur utérus non cicatriciel est une complication grave de la grossesse et parfois dramatique. Son pronostic est mauvais à cause du taux élevé de mortalité et de morbidité qui dépasse les ruptures sur utérus cicatriciel. Son tableau clinique est trompeur, Sa prise en charge est une urgence vitale qui nécessite la mobilisation d´une équipe multidisciplinaire.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.
Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.
Figure 1: rupture utérine antérieure
Figure 2: rupture utérine postérieure
- Gibbins KJ, Weber T, Holmgren CM, Porter TF, Varner MW, Manuck TA. Maternal and fetal morbidity associated with uterine rupture of the unscarred uterus. Am J Obstet Gynecol. 2015;213(3). 382.e1-382.e6. PubMed | Google Scholar
- Miller DA, Goodwin TM, Gherman RB, Paul RH. Intrapartum rupture of the unscarred uterus. Obstet Gynecol.1997;89(5 Pt 1):671-3. PubMed | Google Scholar
- Gardeil F, Daly S, Turner MJ. Uterine rupture in pregnancy reviewed. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 1994;56(2):107-10. PubMed | Google Scholar
- Landon MB. Uterine rupture in primigravid women. Obstet Gynecol. 2006 Sep;108(3 Pt 2):709-10. PubMed | Google Scholar
- Catanzarite V, Maida C, Thomas W, Mendoza A, Stanco L, Piacquadio KM. Prenatal sonographic diagnosis of vasa previa: ultrasound findings and obstetric outcome in ten cases. Ultrasound Obstet Gynecol. 2001;18(2):109-15. PubMed | Google Scholar
- Ofir K, Sheiner E, Levy A, Katz M, Mazor M. Uterine rupture: differences between a scarred and an unscarred uterus. Am J Obstet Gynecol. 2004; 191(2): 425-9. PubMed | Google Scholar
- Fatfouta I, Villeroy de Galhau S, Dietsch J, Eicher E, Perrin D. Spontaneous uterine rupture of an unscarred uterus during labor: case report and review of the literature. J Gynecol Obstet Biol Reprod. 2008;37(2):200-3. PubMed | Google Scholar
- Bretones S, Cousin C, Gualandi M, Mellier G. Rupture utérine: à propos d'un cas de rupture spontanée à 30 SA chez une primipare. J Gynecol Obstet Biol Reprod. 1997; 26(3): 324. PubMed | Google Scholar
- Wang YL, Su TH. Obstetric uterine rupture of the unscarred uterus: a twenty-year clinical analysis. Gynecol Obstet Invest. 2006; 62(3):131-5. PubMed | Google Scholar
- Schrinsky DC, Benson RC. Rupture of the pregnant uterus: a review. Obstet Gynecol Surv. 1978 Apr;33(4):217-32. PubMed | Google Scholar
- Iloki LH, Okongo D, Ekoundzola JR. Les ruptures utérines en milieu africain : 59 cas colligés au CHU de Brazzaville. J Gycol Obstet Biol Reprod. 1994;23(8):922-5. PubMed | Google Scholar
- Parry E, Wells M, Baxter T, Lne G. Recurrent spontaneous rupture in anulliparous young woman. Br J Obstet Gynecol. 1995 May;102(5):420-1. PubMed | Google Scholar
- Liu ZT, YuAM, WolyA, Li GQ, Zhang ZF. Pathophysiologic mechanism of uterine rupture during labor. Chinese Med J. 1985 Mar;98(3):161-4. PubMed | Google Scholar
- Margulies D, Crampazano JT. Rupture in the intact uterus. Obstet Gynecol. 1966 Jun;27(6):863-8. PubMed | Google Scholar
- Voogd LB, Wood HB, Powell DV. Ruptured uterus. Obstet Gynecol.1956 Jan;7(1):70-7. PubMed | Google Scholar
- Zied Khediria, Chaouki Mbarkia, Anis Ben Abdelaziza, Najeh Hsayaouia, Slim Khlif A, Mariem Chaabenea, Sana Mezghennib, Hedhili Oueslatia. Rupture utérine spontanée de découverte tardive sur utérus sain après utilisation du misoprostol. Imagerie de la femme. 2012;22(3):152-155. Google Scholar
- Leung F, Courtois L, Aouar Z. Rupture spontanée de l'utérus non cicatriciel pendant le travail: à propos d'un cas et revue de la littérature. Gynecol Obstet Fertil. 2009;37(4): 342-5. PubMed | Google Scholar
- Le Maire WJ, Louisy C, Dalessaudri K, Muschenheim F. Placenta percreta with spontaneous rupture of an unscarred uterus in the second trimester. Obstet Gynecol. 2001 Nov; 98(5 Pt 2): 9279. PubMed | Google Scholar