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Case report

Prostatite tuberculeuse simulant une tumeur de la prostate chez un sujet immunocompétent : à propos de deux cas

Prostatite tuberculeuse simulant une tumeur de la prostate chez un sujet immunocompétent : à propos de deux cas

Tuberculous prostatitis simulating a prostate tumor in an immunocompetent subject: about the two cases

Alioune Sarr1,&, Abdoulaye Keita2, Ousmane Sow1, Abdelhadi Dahbi1, Amath Thiam1, Désiré Aubert Wambo1, Abdoulaye Ndiath1, Cyrille Ze Ondo1, Babacar Sine1, Ndiaga Seck Ndour1, Chérif Dial2, Papa Ahmed Fall3, Alain Khassim Ndoye1

 

1Service d´Urologie-Andrologie Hôpital Aristide Le Dantec, Dakar, Sénégal, 2Service d´Anatomopathologie, Hôpital General Idrissa Pouye, Dakar, Sénégal, 3Service d´Urologie, Hôpital Dalal Jaam, Dakar, Sénégal

 

 

&Auteur correspondant
Alioune Sarr, Service d´Urologie, Andrologie, Hôpital Aristide Le Dantec, Dakar, Sénégal

 

 

Résumé

Les auteurs rapportent deux cas de tuberculose de la prostate chez des patients immunocompétents. Ces deux cas ont été recensés sur une période de 8 ans. Le premier patient, âgé de 78 ans avait une symptomatologie clinique simulant une hypertrophie bénigne de la prostate. Le deuxième patient âgé de 28 ans nous a été référé pour suspicion de cancer de la prostate avec des métastases vertébrales. Dans les deux cas le diagnostic de tuberculose de la prostate était histologique, reposant sur l´analyse de copeaux de résection de la prostate ou de carottes biopsiques. L´évolution clinique était favorable sous anti bacillaires chez nos deux patients.


The authors report two cases of tuberculosis of the prostate in immunocompetent patients. Both cases were reported over a period of 8 years. The first patient, aged 78 years, had a clinical symptomatology simulating benign prostate hypertrophy. The second patient, aged 28, was referred to us on suspicion of prostate cancer with vertebral metastases. In both cases the diagnosis of prostate tuberculosis was histological, based on the analysis of prostate resection shavings or biopsy cores. The clinical course was favourable under antibacillary drugs in both patients.

Key words: Tuberculosis, prostate, tumor

 

 

Introduction    Down

La tuberculose urogénitale représente 10-14% des localisations extra pulmonaires de la tuberculose [1]. La localisation prostatique est très rare [1] en particulier chez les sujets immunocompétents [2]. Elle se manifeste par des signes cliniques et radiologiques non spécifiques [3] ce qui a tendance à égarer le diagnostic et à retarder la prise en charge. Sur une période de 8 ans nous avons recensé deux cas de prostatite tuberculeuse (PT). Le premier cas prêtait à confusion avec une hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) et le second à un cancer de la prostate (CP) métastasé. A travers ces deux observations nous allons discuter des aspects diagnostiques et thérapeutiques de la prostatite tuberculeuse (PT).

 

 

Patient et observation Up    Down

Observation 1: Il s´agit d´un patient âgé de 73 ans, reçu en consultation pour des troubles urinaires du bas appareil (TUBA) associant une dysurie à type d´effort de poussées et une pollakiurie mixte (3-4 levers nocturnes) évoluant depuis 3 mois. Le patient était vacciné au BCG dans l´enfance et n´avait pas d´antécédents de tuberculose ni de contage tuberculeux. Il avait un bas niveau socio-économique. L´interrogatoire n´avait pas mis en évidence une notion de toux chronique, ni de fièvre au long cours, ni d´amaigrissement ou encore d´anorexie. Il avait un bon état général et au toucher rectal la prostate était augmentée de volume, indolore, à surface régulière et de consistance élastique. Il n´existait pas de fistule scrotale ni de nodule épididymo-testiculaire. La débimétrie n´était pas disponible et son score IPSS (auto-questionnaire pour évaluer l´importance des TUBA chez l´homme) était à 25. L´antigène spécifique de la prostate (PSA) était à 3,29ng/ml. L´examen cytobactériologique des urines était stérile. L´échographie de l´appareil urinaire objectivait une prostate hétérogène, augmentée de volume avec un poids estimé à 43 grammes. Il n´y avait pas de calcification prostatique, les cavités pyélo-calicielles n´étaient pas dilatées. Le patient a été mis sous alpha-bloquant (alfusozine 10 mg) pendant 2 mois sans amélioration de la qualité de la miction. Le diagnostic d´une HBP avec échec du traitement médical a été posé et l´indication d´une résection transurétrale de la prostate (RTUP) a été retenue. L´analyse histologique des copeaux de résection était en faveur d´un granulome tuberculeux (Figure 1). La glycémie à jeun était à 0,97 g/l, la créatininémie était à 12, 3 mg/l, la sérologie rétrovirale était négative. La radiographie pulmonaire était sans particularité. Un traitement antibacillaire associant rifampicine, éthambutol, isoniazide et pyrazinamide a été instauré pendant 6 mois. Après un recul de 2 ans, il existait une nette amélioration de la miction avec un score IPSS évalué à 5.

 

Observation 2: Mr O.S., patient de 28 ans nous a été adressé par le service de neurologie pour suspicion d´un cancer de la prostate avec des métastases vertébrales. Cette hypothèse diagnostique était émise devant une élévation du PSA à 12 ng/ml associée à des anomalies osseuses et prostatiques à la tomodensitométrie (TDM). En effet, il existait des lésions lytiques diffuses au niveau du rachis, du sacrum et des ailes iliaques (Figure 2) ; la prostate était de volume normal 39 x 31x33 mm, et était le siège d´une lésion postérolatérale gauche se rehaussant de façon hétérogène en dehors des zones de nécrose (Figure 3). Par ailleurs la TDM n´avait pas objectivé d´adénopathies médiastinales, ni d´épanchement pleural. Il n´existait pas d´anomalies de la densité parenchymateuse pulmonaire ou rénale. Le patient ne rapportait pas de TUBA mais plutôt des algies diffuses évoluant depuis 2 mois. Il avait une altération de l´état général avec un score de performance ECOG évalué à 2. Au toucher rectal, il existait une induration du lobe prostatique gauche. Une biopsie prostatique a été réalisée et l´analyse histologique des carottes avait révélé une prostatite chronique granulomateuse nécrosante d´origine tuberculeuse (Figure 4). Un interrogatoire plus poussé avait permis de révéler une notion de contage tuberculeux dans l´entourage familial du patient. La sérologie rétrovirale était négative et la glycémie à jeun était à 0,89 g/l. Le patient a été mis sous traitement antituberculeux pendant 6 mois. Les suites du traitement sont marquées par une reprise pondérale et une disparition des douleurs osseuses et la normalisation du l´antigène prostatique spécifique (PSA).

 

 

Discussion Up    Down

La PT est une affection rare, sur une période de 8 ans nous n´avons recensé que deux cas. Cette rareté a été signalée par plusieurs auteurs [1-3]. La voie de contamination peut être descendante à partir d´une tuberculose du haut appareil urinaire. Elle peut aussi se faire par voie hématogène, lymphatique ou par extension directe à partir d´une structure de voisinage. La contamination après une injection intra vésicale de BCG est très rare de même que la transmission sexuelle [4]. Il a été rapporté des transmissions après des manœuvres endoscopiques trans-urétrales [3]. En cas de suspicion de tuberculose, la sérologie par le test immuno-enzymatique (Elisa) et la réaction de polymérisation en chaîne (PCR) permettent de poser le diagnostic biologique de la tuberculose avec une sensibilité respectivement de 80% et 95% [3]. Chez nos patients nous n´avons pas pensé dans un premier temps à une PT raison pour la laquelle, la sérologie tuberculeuse n´a pas été demandée. Ainsi le diagnostic de PT a été posé à l´histologie en montrant l´existence de follicules gigantocellulaires avec des cellules géantes types Langhans et des plages de nécrose caséeuse caractéristiques. Ces deux observations illustrent le polymorphisme clinique, biochimique et radiologique de la tuberculose prostatique. Comme dans la série de Kostakopoulos et al. [5] c´est l´analyse histologique des copeaux de résection qui nous a permis de poser de façon fortuite le diagnostic de PT chez le premier patient. Cette forme isolée est extrêmement rare ; décrite pour la première fois par Jasmin en 1882 [3]. Chez le deuxième patient, le diagnostic de CP, en particulier un rhabdomyosarcome, avec des métastases osseuses a été suspecté.

 

En effet l´âge jeune du patient nous a orienté vers ce type histologique rare, qui se voit habituellement chez l´adulte jeune [6]. A L´immunohistochimie les rhabdomyosarcomes montrent une positivité pour les marqueurs de différenciation musculaire ce qui permet de poser le diagnostic de certitude [6]. Il n´existe pas de signes cliniques spécifiques d´une tuberculose de la prostate, cependant des symptômes d´irritation vésicale suivis d´une hémospermie sont très évocateurs [7] de même qu´une pyurie stérile [1]. Par ailleurs, les données du toucher rectal n´ont aucun caractère spécifique et peuvent prêter à confusion avec une hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) ou un CP [3], comme c´est le cas chez nos deux patients. De même que la clinique, les examens d´imagerie n´ont aucun caractère spécifique mais peuvent guider une biopsie de la prostate ou rechercher une autre localisation de la tuberculose [2,8]. En cas de PT, le taux de PSA peut être normal ou discrètement élevé se normalisant après le traitement anti bacillaire [3]. Le traitement de la PT est essentiellement médical et repose sur l´utilisation d´antituberculeux avec un protocole variable suivant les pays. Au Sénégal suivant les recommandations du programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT), nous avons instauré un protocole de 6 mois ; avec une phase intensive de deux mois associant quatre antituberculeux (rifampicine, isoniazide, éthambutol et pyrazinamide) suivie d´une phase de continuation de quatre mois associant deux antituberculeux (isoniazide et rifampicine). Environ 50% à 70% des patients ayant une localisation extra-pulmonaire de la tuberculose sont immunodéprimés ; la principale cause d´immunodépression étant l´infection à VIH [8]. Comme l´a rapporté Hellig et al. [2] de même que Esa et al. [8], nous n´avons pas objectivé de facteurs d´immunodépression chez nos deux patients. Cependant la promiscuité et le bas niveau socioéconomique sont sans nul doute deux facteurs qui peuvent être incriminés dans la genèse d´une PT chez nos patients.

 

 

Conclusion Up    Down

La PT est une affection rare mais aussi atypique de par son expression clinique et radiologique ce qui en fait un diagnostic différentiel avec un CP ou une HBP. Ces observations suggèrent, devant toute pathologie tumorale prostatique, de penser à une tuberculose surtout lorsque le sujet vit en zone endémique.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Alioune Sarr, Ousmane Sow ont contribué à la recherche bibliographique à travers une revue de la littérature et à la rédaction du manuscrit. Abdoulaye Keita, Abdelhadi Dahbi, Amath Thiam, Désiré Aubert Wambo, Abdoulaye Ndiath, Cyrille Ze Ondo, Babacar Sine, Ndiaga Seck Ndour constituaient le comité de relecture. Ils ont contribué dans la mise en forme et la correction de l'article. Abdoulaye Keita et Chérif Dial ont fourni les données anatomopathologiques. Papa Ahmed Fall, Chérif Dial et Alain khassim Ndoye ont apporté leurs contributions quant à la correction et à l'élaboration du manuscrit final. Ils constituaient le comité d'éthique ayant approuvé le document.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: granulome tuberculeux avec nécrose (flèche bleue) et des cellules de langhans (flèche verte) (hématoxyline éosine X 100)

Figure 2: lésions vertébrales ostéolytiques

Figure 3: zone suspecte postérolatérale de la prostate

Figure 4: prostatite chronique tuberculeuse avec des glandes régulières (flèche bleue), des cellules géantes de Langhans (flèche verte) et des cellules épithélioïdes (flèche jaune) (hématoxyline éosine X 400)

 

 

Références Up    Down

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