Maladie de Willebrand Type 1, grossesse, accouchement et hématome rétroplacentaire : à propos d´un cas
Said Khallikane, Mohamed Moutaoukil, Hanane Delsa
Corresponding author: Said Khallikane, Service de Réanimation Polyvalente, Troisième Hôpital Militaire, Laayoune, Royaume du Maroc
Received: 29 Apr 2020 - Accepted: 30 May 2020 - Published: 25 May 2021
Domain: Urgent Care Medicine,Obstetrics and gynecology
Keywords: décollement placentaire, anesthésie, placenta, utérus, Von Willebrand, à propos d’un cas
©Said Khallikane et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Said Khallikane et al. Maladie de Willebrand Type 1, grossesse, accouchement et hématome rétroplacentaire : à propos d´un cas. PAMJ Clinical Medicine. 2021;6:11. [doi: 10.11604/pamj-cm.2021.6.11.22179]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/6/11/full
Case report
Maladie de Willebrand Type 1, grossesse, accouchement et hématome rétroplacentaire : à propos d´un cas
Maladie de Willebrand Type 1, grossesse, accouchement et hématome rétroplacentaire : à propos d'un cas
Willebrand disease Type 1, pregnancy, childbirth, and retroplacental hematoma: about a case
Said Khallikane1,&, Mohamed Moutaoukil2, Hanane Delsa3
&Auteur correspondant
La maladie de Von Willebrand est le trouble de crase héréditaire le plus courant survenant dans environ 1% de la population, de transmission autosomique dominante, dans lequel le facteur de von Willebrand (FvW) est déficient quantitativement ou qualitativement définissant 3 types. Elle atteint les deux sexes, mais les femmes présentent une symptomatologie clinique plus marquée en raison des risques supplémentaires d´hémorragies lors des menstruations et des accouchements. Le type 1 est la forme la plus courante de la maladie et représente 80% des cas. Nous rapportons le cas clinique, d´une parturiente âgée de 27 ans, connue porteuse de la maladie de Von Willebrand type 1, qui s´est présentée à 36 3/7 semaines d´aménorrhée à la salle des expectantes en travail, dans un tableau de choc hémorragique, compliquée de coagulation intraveineuse disséminée débutante sur hématome rétroplacentaire probable et qui a été confirmé en peropératoire. L´échographie obstétricale a objectivé la mort ftale in utero. Après la mise en conditions de la patiente par optimisation de la volémie, transfusion et adjonction des drogues vasopressives, un accouchement par césarienne a été réalisé devant l´état de choc et les conditions obstétricales défavorables. La desmopressine a été donnée dès qu´il était disponible. Notre patiente a été renvoyée en réanimation où une deuxième dose de Desmopressine (18 μg) a été perfusée IV 12 heures après la dose initiale. La mère a été extubée 24h après avec nette amélioration. L´évolution de la pathologie pendant la grossesse et le post-partum varie selon le type de Von Willebrand Disease (VWD). Les femmes présentant un type 1 voient leur taux de facteurs se normaliser pendant la grossesse. La meilleure prise en charge pendant la grossesse et le post-partum reste d´anticiper les complications hémorragiques en surveillant les taux de facteurs de coagulation et en mettant en place un traitement prophylactique préalablement établit.
Von Willebrand´s disease is the most common hereditary bleeding disorder occurring in about 1% of the population. It is inherited in an autosomal dominant pattern, and von Willebrand factor (VWF) is quantitatively or qualitatively deficient, determining 3 types of VWF. It affects both sexes, but women report more clinical symptoms due to the additional risks of bleeding during menstruation and childbirth. Von Willebrand´s disease Type 1 is the most common type, accounting for 80% of cases We here report the clinical case of a 27-year-old parturient woman with Von Willebrand´s disease Type 1. She presented to the labor room at 36 3/7 weeks of amenorrhea with hemorrhagic shock, complicated by early stages of disseminated intravascular coagulation associated with possible retroplacental hematoma, confirmed during surgery. Obstetric ultrasound showed fetal death in utero. After optimization of volemic status, transfusion and therapy with vasopressor agents, cesarean delivery was performed bacause of hemorrhagic shock and unfavorable obstetric condition. Desmopressin was given as soon as it was available. The patient was referred to the resuscitation room where a second dose of desmopressin (18 μg) was administered by intravenous infusion 12 hours after the initial dose. After 24h the patient was extubated with clear improvement. Disease progression during pregnancy and the postpartum period varies according to the type of Von Willebrand´s disease. Women with type 1 disease show normalization of factor levels during pregnancy. Patient´s management during pregnancy and the postpartum period should be based on the prevention of bleeding complications by monitoring the rates of coagulation factors and implementing pre-established prophylactic treatment.
Key words: placental detachment, anesthesia, placenta, uterus, Von Willebrand, case report
La maladie de von Willebrand (MvW) est la plus fréquente des affections hémorragiques constitutionnelles et l´anomalie congénitale de l´hémostase [1]. Sa prévalence est de 0,6 à 3% de la population générale [2]. Elle atteint les deux sexes, mais les femmes présentent une symptomatologie clinique plus marquée en raison des risques supplémentaires d´hémorragies lors des menstruations et des accouchements [3]. Sa transmission est autosomique, le plus souvent dominante. Elle est due à un déficit quantitatif total, partiel, ou qualitatif en facteur de von Willebrand (FvW) définissant trois types. Le risque hémorragique est variable selon la sévérité de l´atteinte. La stratégie thérapeutique dépend du type de la maladie. Chez la femme, la présentation clinique est dominée par les ménorragies [4, 5]. Les parturientes atteintes de MvW sont 50% plus susceptibles à présenter une hémorragie post-partum [6], justifiant un traitement prophylactique [3]. Dans cette observation clinique on décrit le cas d´une parturiente atteinte de MvW type 1 qui a été admise dans un tableau de choc hémorragique sur hématome retro placentaire et doit subir une césarienne urgente. Sa prise en charge a consisté en une étroite collaboration entre l´hématologiste, l´obstétricien et l´anesthésiste-réanimateur.
Une femme de 27 ans primipare (taille de 163 cm, poids de 66 kg) s'est présentée la salle des expectantes à 36 3/7 semaines d´aménorrhée en travail, avec des métrorragies noirâtres peu abondantes. Le monitorage immédiat du rythme cardiaque ftal a révélé l´absence de toute activité. Un hématome rétroplacentaire a été évoqué et l´échographie a confirmé la mort ftale in utero. L´examen clinique trouve une contracture abdominale « ventre de bois », la patiente est consciente, légèrement agitée, ayant très soif, son état hémodynamique est instable, avec une hypotension à 70/40mmHg, FC à 110 bpm et des extrémités froides, tachypnéique à 27cycles/min, conjonctives décolorées, un bilan biologique et une demande de groupe et de sang ont été rapidement envoyés au laboratoire avec mise de deux voie veineuse périphérique de 18 mm au niveau des 2 bras, une ligne artérielle radiale droite pour monitorage de la pression sanglante, et la réalisation des prélèvements artériels, une sonde vésicale, un masque à oxygène 8 l/ min ainsi qu´une voie centrale jugulaire droite, la pression veineuse centrale (PVC) a été mesurée à 7 cm d'eau, un remplissage vasculaire en Flash de 1L de sérum salé isotonique avec introduction de noradrénaline par voie centrale à la dose 0,5 μg/kg/min, une gazométrie artérielle réalisée sous 8 l d´oxygène a montré un PH à 7,10 ; Pa02 à 145 mmhg ; PaCO2 à 27 mm hg ; SPO2 à 97% ; HCO3 à 18 mmol/L; Na à 144 ; Cl à 110 mmol/l ; k 3,4 mmol/l; un taux de lactate à 3,5 mmol/L et une hématocrite à 16%. La patiente a mangé un repas complet environ 3 heures avant son arrivée à l´hôpital, décision de procéder à une césarienne urgente pour sauvetage maternelle a été prise. Les antécédents médicaux de patiente révèlent la MvW type 1 diagnostiquée lors d´un bilan étiologique des ménorragies importantes à la puberté. Ses antécédents chirurgicaux comprenaient une appendicectomie. Il n'y avait aucun antécédent de saignement excessif après cette procédure. L'acétate de Desmopressine (DDAVP) a été administré avant et après l´intervention.
L´anesthésie générale a été choisie en raison de l´instabilité hémodynamique sans oublier le risque relatif d'hématome rachidien lié à la rachianesthésie chez ce type de malade. Une transfusion sanguine en culots globulaires, en plasma frais congelée (PFC) et en plaquettes a été immédiatement démarrée, et un hématologue a été sollicité par téléphone pour avis qui a préconisé l´administration de la Desmopressine en préopératoire vue que la patiente était instable, elle a été emmenée au bloc sans attendre la DDAVP injectable, une dénitrogénation a été réalisée en utilisant de l'oxygène à haut débit délivré via un masque facial à haute concentration en oxygène bien ajusté, une induction à séquence rapide avec manuvre de Sellick a ensuite été réalisée. La patiente a été intubée en orotrachéale par laryngoscopie directe avec une lame Macintosh n°3 et une sonde de 7,0 mm. Après confirmation de la bonne position de la sonde dans la trachée via la visualisation du tube endotrachéal passant à travers les cordes vocales, la présence de dioxyde de carbone en fin d'expiration, l'élévation de la poitrine et les bruits respiratoires bilatéraux, il y a eu besoins d´augmenter les doses à 0,7 μg/kg/min en noradrénaline, pour maintenir une bonne stabilité hémodynamique. L´obstétricien a été invité à commencer l'incision. Quatre minutes après l'intubation il y a eu l´extraction d´un mort-né de sexe masculin de 3,1 kg, entretien de l´anesthésie a été réalisé par sévoflurane, à 2% avec 60% d'oxygène. Du Fentanyl, 75 µg IV a été administré pour l'analgésie. L´ocytocine, 20 U dans un litre de solution de sérum glucosée isotonique, a été initiée pour aider à l´obtention d´un bon globe utérin. Un volumineux hématome a été évacué, il n´y avait pas une d'extravasation du sang dans le myomètre, l´anatomie de l'utérus était normale.
La perte sanguine a été estimée à 1L700, la patiente a reçu 3l de sérum salé isotonique, 1l500 de plasmion, 10 CG, 10 PFC, 10 culots plaquettaires avec supplémentation en calcium, diurèse estimée supérieure 1,5 cc/kg/h et les résultats du biologique périopératoire ont montré, des leucocytes à 12 600/µL ; numération plaquettaire à 95 000 elt/µL ; hémoglobine à 5,2 g/dl et hématocrite à 15,6% ; HCO3 à 19 mmol/l ; Na à 134 mmol/l ; Cl à 106 mmol/l ; k à 3,5 mmol/l ; urée à 1,25 g/l; créatinine à 25 mg/l; TP à 88% ET TCA à 49/30 (ratio patient/témoin à 1,63) ; fibrinogène à 2,5 g/L, PDF à 22 mg/L, le score diagnostique de la coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) proposé par l´ISTH et JAAM est calculé 5 en faveur d´une coagulation intravasculaire disséminée, bilan hépatique retrouve ASAT 135 UI/L, ALAT 140 UI/L, les autres test de coagulation n'ont pas été demandés vue que le diagnostic de MV de type 1 est déjà établi. L´hémostase chirurgicale a pu être assurée un drain chirurgical a été mis en place. Les constantes postopératoires initiales sous la dose 0,5 μg/kg/min de Noradrénaline étaient, une température de 37,5°C (99,4°F), une pression artérielle de 114/67 mm Hg, PVC à 14 cm d´eau, une fréquence cardiaque de 100/min sous, une saturation en oxygène de 50% de FIO2. Une Gazométrie postopératoire sous 50% de FIO2 a montré un PH à 7,22 ; Pa02 à 115 mmhg ; PaCO2 à 31 mm hg ; SPO2 à 97% ; HCO3 à 22 mmol/l ; Na à 144 mmol/l ; Cl à 100 mmol/l ; k à 4,5 mmol/l ; un taux de lactate à 2,5 mmol/L et un hématocrite à 29 %. La Desmopressine est arrivée 30min après la fin de la césarienne administrée immédiatement par voie intraveineuse périphérique à la dose de 0,3 μg / kg en 30 minutes soit 18 μg (sur la base du poids idéal) de 60 kg) de Desmopressine, dans 50 ml de sérum salé isotonique. Après la fin de la perfusion de Desmopressine, l´examen abdominale trouve un bon globe utérin. La patiente a été renvoyée à la réanimation où une deuxième dose de Desmopressine (18 μg) a été perfusée IV 12 heures après la dose initiale. La mère a été extubé 24h après, avec bonne évolution, les lochies étaient peu abondantes séro-sanglantes et elle a été mise sous bromocriptine pour empêcher la montée laiteuse, et contraception oestroprogestative.
Physiopathologie
La maladie de von Willebrand (MvW), décrite pour la première fois par Erik von Willebrand en 1926, est principalement une maladie héréditaire autosomique dans laquelle le facteur de von Willebrand (FvW) est déficient quantitativement ou qualitativement [1]. La MvW est caractérisée par des hémorragies muqueuses et cutanées. Chez la femme, la MvW se manifeste essentiellement par des ménorragies, présentes dans 50 à 95% des cas ou par des hémorragies du post-partum [2, 7]. Plus de 90% des femmes atteintes de MvW de type 3 ont eu au moins un épisode de ménorragie ayant nécessité une transfusion sanguine [3]. Quatre types génétiquement liés ont été identifiés en plus d'une version acquise. Le facteur von Willebrand qui est une protéine porteuse du facteur VIII, aide à prévenir la destruction d'autres facteurs de coagulation et joue un rôle dans l'hémostase, car elle assure l'adhésion des plaquettes à l'endothélium en cas de lésions endothéliales [1].
Le type 1 est la forme la plus courante de la maladie et représente 80% des cas [8]. Elle est caractérisée par un déficit quantitatif partiel en FvW, allant de 20% à 50% des valeurs normales, les patients peuvent être asymptomatiques ou ne présenter que de légères manifestations, qui incluent une épistaxis ou des saignements mineurs après des procédures dentaires [4]. Le type 2 est retrouvé chez 15 à 30% des patients atteints de MvW, et résulte d'un défaut qualitatif plutôt que d'une carence quantitative. Quatre sous-types (type 2A, type 2B, type 2M, type 2N) ont été identifiés. La classification des sous-types est basée sur les caractéristiques des multimètres ou séries de polymères FvW. Les symptômes peuvent être légers, comme l'épistaxis, mais des saignements excessifs après la chirurgie peuvent survenir [4]. Le type 3 est la forme la plus rare la plus grave de MvW et ne se trouve que dans 5 à 10% des patients affectés [9]. Les symptômes sont généralement graves et comprennent des saignements spontanés et des saignements dans les articulations et les muscles [4]. La sensibilité aux saignements est considérablement augmentée. Ce type est extrêmement rare, avec seulement 50 cas connus dans le monde en 2011 [4]. Les niveaux de FvW sont indétectables dans le plasma et le taux du facteur VIII est très diminué. Chez les patients atteints de MvW de type 3, le test d´agrégation plaquettaire à la ristocétine (RIPA) est nul, la réponse à l´acide adénosine diphosphorique (ADP), au collagène et à l´adrénaline est normale. Les multimères ne sont pas détectables. Durant la grossesse, les taux de FvW et de facteur VIII augmentent à partir de la 16e SA jusqu´à atteindre trois à quatre fois la valeur observée avant la grossesse. La MvW acquise est une maladie très rare avec de nombreux facteurs déclencheurs. Il s'agit notamment des troubles auto-immuns, des maladies cardiaques, du cancer et des médicaments tels que la ciprofloxacine, la griséofulvine et l'acide valproïque. Les patients présentent généralement des saignements muco-cutanés [4].
Diagnostic
Diagnostic clinique : les symptômes hémorragiques sont très variables, les patients atteints de MvW peuvent être asymptomatiques ou ne présenter que de légères manifestations, qui incluent une épistaxis ou des saignements mineurs après des procédures dentaires [4]. Leur importance dépend de la sévérité du déficit en FvW mais aussi d'autres éléments (par exemple : les saignements digestifs peuvent être favorisés par des angiodysplasies digestives qui semblent être plus fréquentes dans certaines formes de la MvW [4]. Un suivi particulier de la grossesse et surtout du post-partum est nécessaire. En effet, les taux de FvW et FVIII ont tendance à augmenter durant la grossesse et, de ce fait, les symptômes diminuent. Toutefois, il faut s'assurer que cette augmentation soit suffisante pour permettre un accouchement normal et la mise en place d'un cathéter d'anesthésie locorégionale [4]. Le taux de FvW peut diminuer rapidement après l'accouchement et les femmes atteintes sont à risque de présenter une hémorragie du post-partum ; une surveillance attentive est donc indispensable dans les heures et jours qui suivent l'accouchement [10].
Diagnostic paraclinique : au laboratoire d´hématologie du CHU Ibn Rochd de Casablanca, 11 MW ont été colligées entre 1999 et 2004 : deux type 1, un type 2A, deux types 2B, trois types 2N et trois types 3.
Tests d'hémostase de dépistage : ces dosages doivent se faire en dehors de la phase aiguë d'une hémorragie, à distance d'un épisode inflammatoire et au repos pour pouvoir être interprétés correctement (Tableau 1).
Temps d'occlusion du PFA-100™ (Platelet function analyzer) : il s'agit d'un test explorant l'hémostase primaire, permettant une détermination de la fonction plaquettaire sur sang total citraté après activation des plaquettes par différents agonistes (collagène-ADP et collagène-épinéphrine) ; par abus de langage, le terme de « temps de saignement in vitro » est souvent employé pour ce test. La sensibilité du PFA-100™ pour le dépistage de MvW est d'environ 90% (sauf pour le type 2N). Cette analyse doit être faite à distance de la prise d'aspirine ou d´anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et doit parvenir dans le laboratoire dans les quatre heures suivant le prélèvement, un allongement du temps de saignement et du temps d´occlusion sur l´automate PFA-100 est noté dans la MvW type I [5].
Temps de saignement : réalisé par la méthode d'Ivy, il n'est allongé que dans environ la moitié des cas ; il n'est jamais allongé dans MvW type 2N, cet examen n'est généralement plus effectué et a été largement remplacé par le PFA-100™.
Numération plaquettaire : normale dans MvW type I, elle peut être abaissée dans le type 2B.
Temps de céphaline activée (TCA) : est inconstamment allongé, l'allongement dépend de la baisse du FVIII secondaire à la baisse du FvW, de la sensibilité du réactif utilisé au taux de facteur VIII.
Test du mélange : l´allongement du TCA est corrigé par le mélange à parts égales du plasma du patient avec un pool de plasmas normaux, dans MvW de type 1 et les autres types aussi.
FVIII : son dosage est en règle générale abaissé, mais néanmoins plus élevé que le taux de facteur Von Willebrand, sauf dans MV type 2N. Il est normal ou discrètement diminué dans MvW de type I, le déficit en FVIII est fonction de la sévérité du déficit en FvW ; il peut exister un déficit modéré en facteur VIII (difficile de différencier un patient atteint d'un type I d'un sujet normal, compte tenu d'un chevauchement des taux de FvW).
Capacité de liaison du facteur VIII : dosage de la capacité de liaison du facteur au facteur Von Willebrand permet le diagnostic différentiel avec l´hémophilie A.
FvW activité : (appelé aussi activité du cofacteur de la ristocétine ou FvW : RCo) : ce test explore l´activité biologique du FvW. En cas de forte suspicion clinique, il est recommandé d´effectuer ces dosages à plusieurs reprises avant d´exclure une MvW car les taux peuvent fluctuer. Il est par ailleurs conseillé de compléter ce bilan par une formule sanguine (à la recherche d'une anémie), voire par un bilan ferrique et un groupe sanguin. En effet, le groupe sanguin influence fortement le taux du FvW, les patients de groupe sanguin O ayant un taux 25 à 35% plus bas que les patients de groupes non O [6].
Tests d´hémostase de confirmation et caractérisation du sous-type : l´indication aux examens suivants doit être discutée en fonction de la clinique, de l'importance du déficit et des éventuelles implications thérapeutiques (Tableau 2).
FvW antigène (FvW : Ag) : ce dosage est effectué lors de la mise en évidence d´un taux abaissé de FvW : RCo, par la méthode ELISA ou mieux par LIA (automated latex immnoassay) récemment développée qui offre une haute précision. Dans la maladie de MvW de type 1, les taux de FvW : RCo et de FvW : Ag sont abaissés de façon proportionnelle, il est indétectable dans la MvW de type 3 alors que dans le type 2, le taux de FvW : RCo est significativement plus bas que celui du FvW : Ag.
Test d´agrégation plaquettaire induite par la ristocétine (RIPA) : la ristocétine induit un changement de la conformation du FvW, qui entraine la liaison à la GPIb des plaquettes, dans le type 2B la mutation induit un changement de la conformation du FvW entrainant la liaison spontanée du FvW à la GPIb ; entrainant une agrégation à basse concentration de ristocétine, ceci permet le diagnostic de MvW de type 2. Dans la MvW plaquettaire, il y a aussi une agrégation à des concentrations basses de ristocétine, seulement les tests génétiques permettent de distinguer les 2 types.
Traitement de la maladie de Von Willebrand
Les options thérapeutiques de la MvW comprennent les produits sanguins tels que les concentrés de facteur VIII contenant le FvW, le cryoprécipité, les antifibrinolytiques et la Desmopressine [3,4].
La Desmopressine est une version synthétique de l´hormone naturelle vasopressine ou de l´hormone antidiurétique [9]. La Desmopressine est plus efficace chez les patients atteints de MvW de type 1, elle augmente les taux plasmatiques de FvW et de facteur VIII en stimulant leur libération des cellules endothéliales. Elle peut être efficace dans le type IIa, mais elle est contre-indiquée dans le type IIb et dans la pseudo-maladie de Von Willebrand en raison des risques de thrombopénie. Les effets secondaires de son utilisation comprennent des maux de tête, des nausées, des problèmes gastro-intestinaux, des bouffées chaleurs et rarement une hyponatrémie et des convulsions [4]. Les posologies de la Desmopressine doivent être diminuées chez l´insuffisant cardiaque et le sujet âgé et il est contre-indiqué chez l´hypertendu non contrôlé ainsi que dans les pathologies artérielles spastiques. Les fibrinolytiques sont administrés par voie locale car leur innocuité durant la grossesse n´est pas établie [3].
Les concentrés de facteur VIII contenant le FvW sont préconisésen prophylaxie dans le type II et le type III lorsque FvW : Rco < 20%. Les hémorragies spontanées peuvent être traitées par substitution en facteur par bolus de 1500 UI de concentrés de facteur VIII suivi de 1000 UI par jour pendant deux semaines [3]. Les fibrinolytiques sont administrés par voie locale car leur innocuité durant la grossesse n´est pas établie [3].
Une élévation physiologique progressive et variable du FvW et du facteur VIII durant la grossesse et l´accouchement chez les femmes porteuses d´affections hémorragiques congénitales et qui peut être suffisante pour une bonne hémostase. Ainsi, les désordres hémorragiques sont rares durant la grossesse et surviennent surtout pendant l´accouchement et en post-partum, Cependant, ces facteurs chutent rapidement après l´accouchement [3].
Dans le type 3, les FvW et facteur VIII n´augmentent pas, ces femmes présentent plus de risques d´hémorragies anténatales et du post-partum. Les désordres de l´hémostase primaire causés par la MvW de type 3 ne réduisent pas la fertilité chez les femmes atteintes de ce type. Cependant, les grossesses chez ces femmes sont exceptionnelles sans qu´une cause soit connue. Peu de données sont de ce fait disponibles concernant les problèmes cliniques et leur prise en charge appropriée durant la grossesse et l´accouchement [3].
Dans le type 1 et certaines formes de type 2, les facteurs FvW, et le facteur VIII puissent augmenter suffisamment chez certaines patientes à mesure que la grossesse progresse assurant une protection au cours de la grossesse et dans le post-partum, et insuffisamment chez d´autres qui peuvent présenter une coagulation difficile [4].
Dans leur comparaison, Kirtava et al. ont observé une incidence de fausses couches plus élevées chez les femmes atteintes de MvW par rapport au groupe témoin et un pourcentage de grossesses menées à terme inférieur dans ce groupe même si la différence n´est pas statistiquement significative [2]. Il n´y a pas d´évidence dans la littérature que les métrorragies soient associées à un risque plus élevé de fausses couches précoces. La fréquence de fausses couches identifiées chez des femmes atteintes de MvW de type 1 ou 2 est de 30% supérieure à celle observée chez les MvW de type 3 qui est de 5% [11]. Dans ce cas, la patiente n´a pas présenté de complications hémorragiques en dehors d´un épisode d´épistaxis, elle a eu en revanche une anémie persistante pendant la période du post-partum. Durant la grossesse, le bilan biologique de MvW doit être réalisé au premier trimestre, notamment si la maladie n´est pas typée, puis tous les trimestres, pour évaluer la variation du taux de facteur VIII ceci est seulement pour le type 2 et 3 et avant toute procédure anténatale afin de s´assurer des taux hémostatiques et à la 34e-36e SA. Dans le type 1, une perfusion de la Desmopressine est indispensable en pré-opératoire. Ce bilan permettra, en tenant compte des antécédents hémorragiques, d´établir une conduite à tenir pour l´accouchement [12]. Cette patiente a bénéficié d´un suivi biologique et échographique à partir du cinquième mois de grossesse. Il n´y a pas d´indication de traitement prophylactique pour les patientes atteintes de MvW de type 1 contrairement au type 3, avec FvW : Rco < 20% où la prophylaxie est basée sur concentré de facteur VIII : c contenant le FvW, qui peut être administré de la sixième à la douzième SA. L´efficacité de cette prophylaxie n´est cependant pas prouvée [3]. La prophylaxie systématique ne parait pas nécessaire même en cas de MvW de type 3 et le traitement doit se limiter aux événements hémorragiques significatifs [3]. Les fibrinolytiques sont administrés par voie locale car leur innocuité durant la grossesse n´est pas établie [3].
Que choisir : accouchement par voie basse ou césarienne ?
Dans la MvW de type 1, les tests de laboratoire courants évaluant la coagulation, tels que le temps de thromboplastine partielle activée, peuvent donner des résultats normaux [8]. La présence d´une coagulopathie héréditaire ne constitue pas en tant que telle une indication de procéder à un accouchement par césarienne ; la décision de procéder à une telle intervention devrait être fondée sur des indications de nature obstétricale si le travail prolongé ou dystocique ou des manuvres instrumentales sont prévues [13]. Les modalités de traitement devraient faire l´objet d´une discussion à l´avance et l´on devrait s´assurer de la disponibilité du produit de remplacement approprié auprès de la banque de sang [4]. Dans tous les cas, l´hospitalisation est systématique à la 42e SA ou avant en cas d´hémorragie durant la grossesse [4].
L´accouchement par voie basse devrait être aussi atraumatique que possible ; les intervenants devraient s´assurer de minimiser les risques de lacérations au niveau du périnée et des voies génitales maternelles. Le recours à la ventouse obstétricale et aux forceps devrait être évité, tout comme le prélèvement (aux fins de la gazométrie) de sang du cuir chevelu ftal [14]. Lorsque la coagulation s´avère normale en présence d´une MvW de type 1 (à la suite d´un test mené au cours du troisième trimestre), bon nombre d´anesthésiste procéderont à une analgésie péridurale [15]. L´analgésie/anesthésie régionale (péridurale, rachianesthésie) est contre-indiquée en présence de résultats indiquant que la coagulation est anormale au moment de l´administration du bloc de l´axe cérébro-spinal, et ce, en raison des risques de voir apparaître un hématome affectant cet axe [8]. Les hématomes de l´axe cérébro-spinal sont rares chez les femmes présentant une coagulation normale (1 : 150 000 - 1 : 220 000) ; de plus, il est établi que leur probabilité d´apparition connaît une hausse chez celles qui présentent une coagulopathie [8]. Puisque l´apparition d´un hématome de l´axe cérébro-spinal peut être provoquée par le retrait d´un cathéter pour anesthésie péridurale, ce dernier devrait être retiré lorsque la coagulation est normale. Dans le cas de la MvW de type 1, cela se traduira par un retrait immédiatement à la suite de l´accouchement, puisque les taux de facteur Von Willebrand connaissent une baisse à ce moment. Les blocs du nerf honteux internes sont également contre-indiqués chez les patientes présentant une coagulation anormale. Les injections intramusculaires devraient être évitées chez les patientes présentant une coagulopathie héréditaire grave. Lorsque la péridurale s´avère contre-indiquée, il est possible de procéder à une analgésie à l´aide d´opioïdes administrés par voie intraveineuse (par exemple : Fentanyl, Mépéridine) et/ou de protoxyde d´azote. Il est nécessaire d´assurer un suivi approprié lorsque l´on a recours à des opioïdes administrés par voie intraveineuse. L´expérience clinique semble indiquer qu´il est raisonnable d´avoir recours à la Desmopressine une fois le cordon clampé à la suite de l´accouchement, au besoin, sans que cela ne soulève de préoccupations [13].
Dans le cas de la césarienne, la Desmopressine devrait être perfusée 30 minutes immédiatement avant l´exécution de l´incision chirurgicale [16]. L´anesthésie régionale est contre-indiquée en présence de résultats indiquant une coagulopathie. Lorsque la coagulation est mal définie et que la patiente présente des voies respiratoires malaisées, la rachianesthésie peut constituer une option, mais les risques et les avantages de l´anesthésie générale et de la rachianesthésie doivent être pris en considération et faire l´objet d´une discussion avec la patiente. Lorsque l´on a recours à une analgésie/anesthésie régionale, la patiente devrait faire l´objet d´un suivi post-partum afin de s´assurer de la dissipation du bloc et du retour à la normale de la fonction neurologique. Parmi les symptômes d´un hématome péridural, on peut trouver la paralysie flasque, la dorsalgie et la réapparition de l´engourdissement, de la faiblesse ou du dysfonctionnement intestinal et vésical. Si ces symptômes apparaissent chez une femme présentant une coagulopathie, il est essentiel de diagnostiquer le problème rapidement (imagerie par résonnance magnétique (IRM), tomodensitométrie) et d´évacuer l´hématome sans délai. Plus le délai s´allonge, plus il est probable de constater la présence d´un trouble neurologique permanent. Dans notre cas la patiente porteuse de MvW de type 1 s´est présentée dans un tableau de choc hémorragique avec un début de CIVD sur un hématome rétro placentaire, les publications médicales rapportées ne traitent pas ce scenario, la situation avait exigé une césarienne immédiate vue l´instabilité hémodynamique et les conditions obstétricales défavorables, le plan était d'administrer la Desmopressine dès qu´elle était disponible et de stabiliser la patiente à l´aide de produits sanguins, remplissage vasculaire et l´introduction de drogues vasoactives et d´entreprendre une césarienne vue que le pronostic vital maternel état mis en jeux, et les conditions obstétricales étaient défavorables, l'administration de Desmopressine a été démarrée en post-opératoire, chose qui a concouru à contrôler l´hémorragie.
Hématome rétro placentaire (HRP)
L´HRP survient le plus souvent de façon imprévisible et à un large spectre de traduction clinique allant de l´absence de signes cliniques à la forme massive avec mort ftale et mise en jeu du pronostic vital maternel. Dans sa forme classique, l´HRP associe métrorragies de sang noirâtre, douleur abdominale brutale et intense, contracture utérine avec ventre de bois à la palpation, une hauteur utérine augmentée et le plus souvent mort ftale in utero (MFIU). Des signes de choc hémorragique sont associés lorsque l´hématome est important. Cette forme classique ne serait présente que dans un tiers des cas [17]. Dans cette forme clinique typique, nécessitant un traitement urgent, la réalisation d´une échographie n´est pas nécessaire au diagnostic mais capitale lorsqu´il existe un doute sur la vitalité ftale. Elle est alors pratiquée au bloc opératoire juste avant l´intervention. Le diagnostic échographique reste toujours difficile en fin de gestation. Il y a consensus pour reconnaitre que la césarienne est la voie d´accouchement la plus adaptée à l´HRP avec enfant vivant [18]. L´HRP est un facteur de risque indépendant de mortalité périnatale (OR = 3,0, IC : 2,1-4,1) malgré sa fréquente association à d´autres facteurs de risque tels que la prématurité ou le retard de croissance [9].
Post-partum
Au sein de la population générale, le risque d´hémorragie post-partum précoce (au cours des 24 premières heures à la suite de l´accouchement) est de 4% à 5%. Ce risque est de 16 à 22% chez les patientes présentant une MvW, une déficience en facteur XI, ainsi que chez les conductrices de l´hémophilie, ce qui constitue une nette hausse [19]. Le risque d´hémorragie post-partum tardive connaît également une hausse pour atteindre de 11 à 24% des femmes présentant une coagulopathie (par comparaison avec moins de 1% au sein de la population générale) [19]. Il est généralement recommandé de maintenir les taux de facteur au-dessus de 0,5 U/ml pendant une période de trois à quatre jours, à la suite d´un accouchement vaginal, et de quatre à cinq jours, à la suite d´une césarienne [20]. Les femmes qui courent le risque de présenter une hémorragie post-partum tardive devraient se soumettre à un dosage du taux d´hémoglobine avant d´obtenir leur congé de l´hôpital. Elles devraient également bénéficier de renseignements au sujet de possibles saignements excessifs et faire l´objet, deux semaines à la suite de l´accouchement, d´une consultation de suivi. En présence d´une hémorragie post-partum tardive, l´acide tranexamique et les contraceptifs oraux constituent les traitements de première intention pour la prise en charge du problème. Afin de réduire le risque d´hémorragie post-partum, l´administration prophylactique de contraceptifs oraux peut être entamée immédiatement à la suite de l´accouchement et se poursuivre pendant un mois chez les femmes qui ne présentent aucune contre-indication. Le risque de thrombose pourrait s´avérer problématique lorsque des agents antifibrinolytiques sont utilisés à la suite de l´accouchement, toutefois, ce risque est probablement raisonnable chez les femmes qui ne présentent aucun autre facteur de risque. Pour les femmes chez lesquelles la coagulopathie se manifeste pour la première fois au cours de la grossesse, il est important d´obtenir les taux de facteur de base quelques mois à la suite de l´accouchement et de la lactation.
La MvW est la maladie hémorragique constitutionnelle la plus fréquente. Très hétérogène, son diagnostic peut parfois être difficile et demander des tests très spécialisés. La caractérisation du type et du sous type de la maladie est indispensable afin de guider le traitement des patientes mais aussi afin d´adapter la stratégie de prise en charge pendant la grossesse et l´accouchement. En effet, l´évolution de la pathologie pendant la grossesse et le post-partum varie selon le type de MvW. Les femmes présentant un type 1 voient leur taux de facteurs se normaliser pendant la grossesse. Le mode d´accouchement devrait être fondée sur des indications de nature obstétricale si travail prolongé ou dystocique ou des manuvres instrumentales sont prévues [14]. Par conséquent, chaque cas doit être évalué individuellement et avec une approche multidisciplinaire pour déterminer la meilleure technique anesthésique. Dans tous les cas, l´hospitalisation est systématique à la 42e SA ou avant en cas d´hémorragie durant la grossesse. Cette extrême hétérogénéité ainsi que sa fréquence en imposent une parfaite connaissance, ce qui demande une collaboration étroite entre obstétriciens, anesthésistes, hémostasiens et pédiatres afin d´encadrer au mieux le risque hémorragique qu´elle engendre. La meilleure prise en charge pendant la grossesse et le post-partum reste d´anticiper les complications hémorragiques en surveillant les taux de facteurs de coagulation et en mettant en place un traitement prophylactique préalablement établit.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.
Tous les auteurs ont contribué à la production de cet article. Ils ont lu et approuvé la version finale de ce manuscrit.
Tableau 1 : tests biologiques dans la maladie Von Willebrand de type I
Tableau 2 : différents types de la maladie de Von Willebrand et ses tests
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