Les nouveau-nés prématurés de moins de 1000 grammes : morbidité et mortalité en milieu hospitalier à Dakar (Sénégal)
Djibril Boiro, Ndiogou Seck, Lamine Thiam, Idrissa Basse, Aliou Abdoulaye Ndongo, Amadou Sow, Halimatou Diallo, Yaay Joor Dieng, Dienaba Fafa Cissé, Modou Gueye, Ousmane Ndiaye
Corresponding author: Djibril Boiro, Centre Hospitalier Abass Ndao, Avenue Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal
Received: 19 May 2021 - Accepted: 24 Sep 2021 - Published: 24 Dec 2021
Domain: Pediatrics (general)
Keywords: Morbidité, mortalité, extrêmes prématurés
©Djibril Boiro et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Djibril Boiro et al. Les nouveau-nés prématurés de moins de 1000 grammes : morbidité et mortalité en milieu hospitalier à Dakar (Sénégal). PAMJ Clinical Medicine. 2021;7:30. [doi: 10.11604/pamj-cm.2021.7.30.29923]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/7/30/full
Research
Les nouveau-nés prématurés de moins de 1000 grammes : morbidité et mortalité en milieu hospitalier à Dakar (Sénégal)
Les nouveau-nés prématurés de moins de 1000 grammes : morbidité et mortalité en milieu hospitalier à Dakar (Sénégal)
In-hospital morbidity and mortality of preterm infants weighing less than 1000 g in hospital in Dakar (Senegal)
Djibril Boiro1,&, Ndiogou Seck2, Lamine Thiam3, Idrissa Basse4, Aliou Abdoulaye Ndongo5, Amadou Sow1, Halimatou Diallo1, Yaay Joor Dieng5, Dienaba Fafa Cissé6, Modou Gueye1, Ousmane Ndiaye5
&Auteur correspondant
Introduction: la prise en charge des extrêmes prématurés ou de très faible poids de naissance reste difficile dans les pays en voie de développement. L´objectif de cette étude est d´évaluer la morbi-motalité des prématurés de moins de 1000 grammes.
Méthodes: nous avons mené une étude rétrospective, descriptive et analytique portant sur 83 cas de prématurés de moins de 1000 grammes qui ont été admis entre janvier 2017 et décembre 2019, au sein du service de néonatologie du Centre Hospitalier Abass Ndao de Dakar.
Résultats: la fréquence des nouveau-nés prématurés de moins de 1000 grammes était de 4, 76% parmi les prématurés. Il y avait une prédominance féminine avec un sexe ratio de 0,49. La majorité des prématurés étaient admis dans l´heure qui suivait la naissance (69,9%). La plupart des grossesses était suivie (92,8%). Seul 20,5% des parturientes avaient bénéficiés de la corticothérapie anténatale à visée maturative pulmonaire. La prématurité était spontanée dans plus de la moitié des cas soit 65,15% (54/83) et induite dans 34,9% (29/83). L´âge gestationnel moyen était de 28 semaines. L´infection néonatale (37,3%) et la détresse respiratoire 23 (27%) étaient les complications les plus fréquentes. Soixante-dix cas de décès (84,3%) étaient enregistrés. Le taux de survie dans notre étude était de (14,5%).
Conclusion: la prise en charge des extrêmes poids de naissance reste difficile à cause des moyens très limités dans nos pays. Des interventions simples et peu couteuses peuvent améliorer de manière considérable la survie de ces nouveau-nés.
Introduction: the management of extreme preterm infants or infants of very low birthweight is difficult in developing countries. The purpose of this study is to assess the morbi-mortality of preterm infants weighing less than 1000 grams. Methods: we conducted a retrospective, descriptive, and analytical study of 83 cases of preterm infants weighing less than 1000 grams who were admitted to the Neonatal Department of the Abas Ndao Hospital Center in Dakar between January 2017 and December 2019. Results: the rate of preterm infants weighing less than 1000 grams was 4.76% among preterm infants. A female predominance was reported, with a sex ratio of 0.49. The majority of premature infants were admitted within one hour of birth (69.9%). The majority of patients were followed up (92.8%). Only 20.5% of pregnant women had received antenatal corticosteroid therapy for accelerating fetal lung maturation. Spontaneous preterm birth occurred in more than half of the cases, 65,15% (54/83) and induction of labour in 34,9% (29/83). Mean gestational age of patients was 28 weeks. Neonatal infections (37.3%) and respiratory distress (23, 27.3%.) were the most frequent complications. Seventy patients died (84.3%). Survival rate was 14.5%. Conclusion: in developing countries, the management of preterm infants of extremely low birth weight is difficult due to their very limited means. Simple, low-cost interventions could significantly improve survival of newborns.
Key words: Morbidity, mortality, preterm infant
Dans les pays en développement, l´estimation de la naissance des très grands prématurés ou d´extrêmes prématurés est difficile et la mortalité y est extrêmement élevée [1]. Cette dernière peut aller jusqu´à 100% chez les prématurés nés avant 28 semaines et pesant moins de 1000g [2]. La survie des prématurés s'est considérablement améliorée dans les pays développés, contrairement aux pays en développement [3]. Cette amélioration est le résultat de divers facteurs, notamment l'amélioration de la couverture d'assurance pendant la grossesse ; soins obstétricaux et prénatals avancés ; et des systèmes améliorés de soins adaptés aux risques, y compris la réanimation et la stabilisation des nouveau-nés à haut risque [4-6]. Dans notre service, beaucoup d´efforts ont été consentis ces dernières années pour l´amélioration de la prise en charge de ces nouveau-nés. Il s´agit entre autres du renforcement des capacités du personnel et du relèvement du plateau technique. C´est dans ce contexte que nous avons initié ce travail dont l'objectif principal était d´évaluer la morbi-motalité des prématurés de moins de 1000 grammes.
Le personnel du service est composé d´universitaires, de pédiatres hospitaliers, de médecins en cours de spécialisation, des paramédicaux et des techniciens de surfaces. Tout le personnel a bénéficié d´un renforcement de capacité notamment dans la réanimation néonatale, la prévention et la prise en charge des infections et la gestion des nouveau-nés hypotrophe (y compris les prématurés). Le service a bénéficié d´équipements : moniteurs de surveillance, incubateurs et chariots d´urgence équipés.
Il s'agissait d'une étude rétrospective descriptive et analytique concernant les dossiers des nouveau-nés de moins de 1000 grammes hospitalisés du 01 janvier 2017 au 31 décembre 2019 soit une période de 3 ans. Nous avions inclus tous les prématurés de moins de 1000 grammes admis en néonatologie durant la période d´étude. Ceux arrivés décédés, ou ayant un dossier incomplet ou inexploitable n´ont pas été inclus. Chez la mère, nous avons étudié les paramètres sociodémographiques, les antécédents, les paramètres du suivi de la grossesse et de l´accouchement. Chez le nouveau-né, nous nous sommes intéressés à l´âge gestationnel, son état à la naissance et à l´évolution.
Les données ont été colletées à partir des dossiers d´hospitalisation et ont été consignées sur une fiche de recueil préalablement établie. L´analyse statistique a été faite par le logiciel SPSS (Statiscal Package for Sciences Socials) version 18. Les variables quantitatives ont été exprimées en moyenne et écart-type, les variables qualitatives en pourcentage. Le test de khi carré a été utilisé pour la comparaison des résultats analytiques. Le seuil de significativité était fixé à un p < 0,05.
Fréquence des hospitalisations
Sur les 5065 nouveau-nés admis en néonatologie, 1743 étaient des prématurés dont 83 prématurés de moins de 1000 grammes soit 4,76%. La majorité des prématurés étaient admis dans l´heure qui suivait la naissance (69,9%). La fréquence d´admission a évolué de façon croissante sur les 3 ans allant de 3,7% en 2017 à 6,7% en 2019.
Caractéristiques périnatales
Près de la moitié des mères (48,2%) provenaient de la banlieue de Dakar. Pour les femmes dont l´âge était connu, 11,8% étaient âgées de moins de 18 ans et 23,7% avaient un âge supérieur ou égal à 35 ans. Les avortements (27,3%) et l´Hypertension Artérielle (HTA) (13,3%) étaient les antécédents les plus fréquents. La grossesse était suivie dans 92,8% des cas. Un peu plus du tiers (35,4%) des femmes avaient au moins 3 CPN et 6,1% n´en avaient aucune. Les mères ont présenté une ou plusieurs pathologies au cours de leur grossesse : HTA (65,6%) ; diabète gestationnel (18,8%) et infection urogénitale (12,5%). Seules 17 femmes avaient une Rupture Prématurée des Membranes (RPM) à l´admission et cette RPM était supérieure à 12 heures dans 58,8% des cas. La prématurité était induite dans 34,9% cas. La pré-éclampsie et l´éclampsie étaient les premières causes de prématurité induite soit 63% puis l´HRP à 22,2%.
La majorité des prématurés étaient nés en "in born" soit 71,5%. Nous avons eu 66,3% de filles et 32,5% de garçons. La majorité des nouveaux-nés était des très grands prématurés (54,2%). Le poids était supérieur à 500 grammes dans 97,6% des cas. La taille moyenne était de 35,2 cm (extrêmes 28-48 cm) et la moyenne du périmètre crânien était de 24,8 cm (extrêmes 20 - 36 cm).
Morbidité des prématurés
À l´admission, chez 62 enfants (75,9%), la prématurité était associée à un retard de croissance intra-utérin et prématurité (RCIU). La détresse respiratoire était présente chez 68,7% des nouveau-nés et le score de Silverman était modéré dans 61,4% des cas. On avait noté 71,2% d´hypothermie, 18,4% d´hypoglycémie et 1,2% d´hyperglycémie. L´infection néonatale était évoquée dans 45, 8 % des cas. Vingt-et-un nouveaux nés (25,3%) n´avaient pas crié à la naissance ; tous ont été réanimés. L´Aide Médicale d´État (AME) n´était réalisé que chez 8 (22,2%) patients. La quantité moyenne de lait était de 3,69 ml avec un minimum de 1 ml et un maximum de 15 ml. Le ballonnement abdominal et le résidu sale étaient les principaux incidents liés à l´alimentation à des fréquences égales soit 5 (38,5%).
Évolution des prématurés
Les complications infectieuses et respiratoires étaient les plus fréquentes (Tableau 1). L´âge moyen de survenu des complications était de 4,62 jours. La durée moyenne d´hospitalisation était de 9,03 jours (extrêmes 1-56). Nous avons déploré 70 décès soit une mortalité globale de 84,3 %. Cette mortalité a évolué de façon décroissante durant les 3 ans allant de 94,4% en 2017 à 76,2% en 2019 (Figure 1).
Facteurs associés à la mortalité
Tous les nouveau-nés de mère âgée de moins de 18 ans, ou nés de mères multipares ou ayant des antécédents de prématurité, de HRP, d´obésité ou de diabète, sont décédés. Ce lien n´était pas statistiquement significatif (Tableau 2). Au cours de l´accouchement, les prématurés qui avaient un liquide amniotique teinté ou hématique n´ont pas survécu, mais le lien n´était pas significatif. Par ailleurs, l´hydramnios et l´induction de la prématurité étaient fortement associés à la survenue d´un décès avec p= 0,015 et 0,09 respectivement (Tableau 3). La survenue des complications est quasi fatale pour les nouveau-nés. Cependant, il n´y avait pas de lien sur le plan statistique hormis les complications hématologiques (p=0,05). L´allaitement artificiel était associé au décès des prématurés (p=0,01). Tous les nouveau-nés ayant bénéficié du lait de vache seul sont décédés.
Dans les pays en développement, l´estimation des naissances extrêmement prématurées est difficile [7]. Elles représentaient 4,76% des naissances prématurées dans notre étude. La fréquence d´admission a évolué de façon croissante sur les 3 ans allant de 3,7% en 2017 à 6,7% en 2019. Ailleurs au Cameroun une fréquence superposable a été rapporté (6%) [2].
Près de la moitié des mères provenaient de la banlieue de Dakar. Les populations de cette zone ont souvent plus de difficultés socio-économiques. Les mères ont présenté une ou plusieurs pathologies au cours de leur grossesse : HTA, diabète gestationnel et infection urogénitale. L'étiologie de nombreuses prématurités spontanées est liée à l'activation pathologique précoce du travail et de l'accouchement normaux, qui peut se produire par le biais de multiples voies. Les femmes les plus à risque sont celles qui ont un antécédent de prématurité, de grossesse pathologique ou des problèmes antérieurs. Les problèmes maternels comprennent les facteurs de risque démographiques, les maladies chroniques, les problèmes psychosociaux, les risques professionnels et les pathologies utérines ou cervicales, y compris les infections [8]. La pré-éclampsie et l´éclampsie étaient les premières causes de prématurité induite soit 63% puis l´Hématome Retro Placentaire (HRP) à 22,2%. Les mêmes causes sont retrouvées dans la littérature [8].
La survenue d´une prématurité dépend aussi du suivi de la grossesse. En effet, selon Anorlu et al., les Consultation Prénatale (CPN) de qualité diminuent le risque de prématurité [9]. Le nombre de CPN était de deux en moyenne dans notre travail. La majorité des nouveaux nés étaient des filles contrairement à certains travaux [10]. En moyenne, les prématurés de moins 1000 g avaient un âge gestationnel de 28 semaines d´aménorrhée. L'âge gestationnel est fortement associé à la mortalité néonatale et aux morbidités à court et à long terme [11]. Souvent, les nouveau-nés étaient admis dans la première heure de vie, ce qui pourrait avoir un impact positif dans la prise en charge. L´âge moyen de survenu des complications était de 4,62 jours. L´infection néonatale et la détresse respiratoire étaient les complications les plus fréquentes. Cependant, dans l´étude de Bezzine et al. en Tunisie, l´infection liée aux soins se retrouvait en troisième position après une anémie néonatale précoce et la détresse respiratoire [12].
Nous avons déploré 70 décès soit une mortalité globale de 84,3%. Au cours de l´accouchement, les prématurés qui avaient un liquide amniotique teinté ou hématique n´ont pas survécu, mais le lien n´était pas significatif. Par ailleurs, l´hydramnios et l´induction de la prématurité étaient fortement associés à la survenue d´un décès avec p= 0,015 et 0,09 respectivement. Une réanimation à la naissance a été réalisée chez 25,3% de nos prématurés. Rabesandratana et al. à Madagascar, rapportaient une mortalité associée à un bas score d´Apgar [13].
La survenue des complications est quasi fatale pour les nouveau-nés. Cependant, il n´y avait pas de lien sur le plan statistique hormis les complications hématologiques (p=0,05). Par ailleurs, seules 20,5% des parturientes avaient bénéficié de la corticothérapie anténatale. Ceci pourrait expliquer en partie la survenue des complications vue son importance dans la prévention de celles-ci [10]. L´allaitement artificiel était associé au décès des prématurés (p=0,01). Tous les nouveau-nés ayant bénéficié du lait de vache seul sont décédés. La mortalité a globalement évolué de façon décroissante durant les 3 ans allant de 94,4% en 2017 à 76,2% en 2019. Cette amélioration peut être le résultat des interventions menées dans le service notamment le renforcement des capacités du personnel et le relèvement du plateau technique. En effet, des interventions simples peuvent entraîner une baisse significative de la mortalité néonatale dans les hôpitaux aux ressources limitées [14].
Pour améliorer davantage la survie de ces nouveau-nés, les soins obstétricaux et néonataux essentiels d'urgence (SONEU) et la méthode mère Kangourou validée par l'OMS doivent être vulgarisés à tous les niveaux de la pyramide sanitaire [15,16]. La durée moyenne d´hospitalisation était de 9,03 jours. Ce résultat est largement inférieur à celui retrouvé par Bezzine et al. qui était de 26 jours [12].
Limite de l´étude : l'étude est rétrospective et monocentrique, l´échantillon est petit pour tirer des conclusions générales.
La prématurité extrême constitue un sujet de préoccupation majeure en néonatologie du fait d´une morbidité et d´une mortalité encore très élevée. Dans les pays en voie de développement, la prise en charge des grands prématurés ou de petits poids de naissance reste difficile à cause des moyens très limités. Des interventions simples et peu couteuses peuvent améliorer de manière considérable la survie de ces nouveau-nés.
Etat des connaissances sur le sujet
- Problème de santé publique;
- Prise en charge difficile;
- Mortalité très élevée.
Contribution de notre étude à la connaissance
- Estimation de la fréquence;
- Lait artificiel est fortement associé à la mortalité;
- Interventions simples et peu couteuses peuvent améliorer le pronostic.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.
Tous les ont contribué à ce travail et ont lu et approuvé la version définitive du manuscrit.
Tableau 1 : complications néonatales
Tableau 2 : antécédents maternels associés à la mortalité néonatale
Tableau 3 : données de l´accouchement associées à la mortalité néonatale
Figure 1 : évolution de la mortalité en fonction des années
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