Aspects épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques de la mastite granulomateuse idiopathique avec revue de la littérature : à propos de 3 cas
Alhassane Touré, Albert Yemba Baruani Ahuka, Yaye Coumba, Mohamed Chafri, Sidy Ka, Ahmadou Dem, Malick Ba, Bangaly Traoré, Richard Kabuyanga, Michel Kyembwa
Corresponding author: Albert Yemba Baruani Ahuka, Service de Gynécologie Obstétrique, Centre Hospitalier Régional de Fatick, Fatick, Sénégal
Received: 09 Aug 2021 - Accepted: 24 Sep 2021 - Published: 19 Oct 2021
Domain: Gynecology
Keywords: Mastite granulomateuse, idiopathique, Joliot curie, Sénégal
©Alhassane Touré et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Alhassane Touré et al. Aspects épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques de la mastite granulomateuse idiopathique avec revue de la littérature : à propos de 3 cas. PAMJ Clinical Medicine. 2021;7:5. [doi: 10.11604/pamj-cm.2021.7.5.31119]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/7/5/full
Case report
Aspects épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques de la mastite granulomateuse idiopathique avec revue de la littérature : à propos de 3 cas
Aspects épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques de la mastite granulomateuse idiopathique avec revue de la littérature : à propos de 3 cas
Literature review to identify the epidemiological, diagnostic and therapeutic features of idiopathic granulomatous mastitis: about 3 cases
Alhassane Touré1, Albert Yemba Baruani Ahuka1,2,3,&, Yaye Coumba4, Mohamed Chafri4, Sidy Ka4, Ahmadou Dem4, Malick Ba5, Bangaly Traoré5, Richard Kabuyanga2, Michel Kyembwa2
&Auteur correspondant
La mastite granulomateuse idiopathique (MGI) est une pathologie mammaire bénigne rare qui touche la femme jeune dans la majorité des cas ; Il a cependant été décrit quelques cas chez l´homme. La reconnaissance de la MGI en tant qu´entité est récente si bien qu´elle demeure encore mal connue. Sa pathogénie est expliquée par certaines théories, ce qui fait que son étiologie reste encore inconnue. L´objectif de notre travail est d´étudier le profil épidémiologique des patientes atteintes de mastite granulomateuse, ainsi que les aspects cliniques et para cliniques et de discuter de la démarche diagnostique, de préciser les aspects thérapeutiques et évolutifs de l´affection.
Idiopathic granulomatous mastitis (IGM) is a rare benign breast disease affecting, in the majority of cases, young women; however, some cases have been described in men. Clinical recognition is recent, although it is still poorly known. There are some theories that explain its pathogenesis, so that its etiology is unknown. The purpose of the study is to analyze the epidemiological profile of patients with granulomatous mastitis, as well as their clinical and para-clinical features, to evaluate the diagnostic approaches and to highlights the therapeutic and evolutionary features of this disorder.
Key words: idiopathic granulomatous mastitis, Joliot Curie, Senegal
Les seins peuvent être le siège de plusieurs affections majoritairement bénignes et plus rarement de tumeurs malignes notamment le cancer du sein. Les lésions bénignes regroupent plusieurs affections parmi lesquelles nous pouvons citer la mastite granulomateuse. Elle est de loin la pathologie la moins fréquente et elle simule à s´y méprendre, un cancer du sein dans sa forme inflammatoire. Elle demeure une pathologie bénigne rare peu connue dont la fréquence est difficile à préciser du fait de courtes séries publiées (0,5% des tumeurs du sein) [1,2]. La mastite granulomateuse est une mastopathie bénigne inflammatoire chronique qui survient essentiellement chez la femme jeune en période d´activité génitale. Elle touche les canaux galactophoriques proximaux sous aréolaires [1]. Elle est une mastopathie bénigne caractérisée par une inflammation chronique amicrobienne du parenchyme mammaire, il s´agit d´une maladie dont la manifestation clinique se caractérise très souvent par un nodule mammaire mal limité. La suspicion est clinique, mais la confirmation est histologique et repose sur la constatation de lésion inflammatoire lobulo-centrique organisée sous forme de nodule giganto-épithélio-cellulaire sans nécrose caséeuse. Les hypothèses à évoquer sont multiples, mais la mastite granulomateuse idiopathique pose surtout un problème de diagnostic différentiel avec le cancer du sein dans sa forme inflammatoire en sachant que l´association est possible. Sa pathogénie demeure encore inconnue ce qui fait qu´on en soit encore à l´étape des hypothèses. La stratégie thérapeutique est non consensuelle. L´évolution se fait souvent vers la chronicité, marquée par le risque d´abcédation et de récidive. Le pronostic est essentiellement fonctionnel, ne mettant pas en jeu le pronostic vital. L´objectif de notre travail est d´étudier le profil épidémiologique des patientes atteintes de mastite granulomateuse, ainsi que les aspects cliniques et paracliniques et de discuter la démarche diagnostique, de préciser les aspects thérapeutiques et évolutifs de l´affection.
Il s´agit de rapporter des faits cliniques portant sur trois observations de MGI prouvées histologiquement, colligées sur une période de 5 ans, entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2006, et répertoriées au service de cancérologie du Centre Hospitalier Universitaire Aristide le Dantec de Dakar. Les données ont été obtenues à partir : des dossiers d´hospitalisation ; des comptes rendus opératoires ; des fiches de consultation externe ; des comptes rendus anatomo-pathologiques.
Observation 1
Information de la patiente: il s´agit de la patiente BD, âgée de 34 ans, deuxième pare, mariée, originaire de la région de Thiès, sans antécédents particuliers. La notion de tabagisme, d´alcoolisme et de contraception n´avait pas été retrouvée chez elle.
Résultats cliniques : l´examen sénologique notait des seins symétriques, de taille moyenne avec la présence d´un orifice de fistule cicatrisé à l´union des quadrants supérieurs du sein droit (Figure 1). La palpation objectivait une masse d´environ 4 cm de diamètre, ferme, indolore à l´union des quadrants supérieurs. Cette masse était mal limitée, mobile par rapport au plan musculaire et fixée à la peau. Il n´y avait pas de rétraction ni d´ombilication du mamelon. L´examen du sein gauche n´avait révélé aucune particularité. L´exploration des aires ganglionnaires n´avait pas retrouvé d´adénopathies palpables. Le reste de l´examen somatique était sans particularité.
Démarche diagnostique : la mammographie réalisée mettait en évidence une masse dense avec des contours spéculés qui siégeait à l´union des quadrants supérieurs du sein droit classée ACR V. Le complément échographique objectivait une masse hypoéchogène, hétérogène à l´union des quadrants supérieurs classée BIRADS V. La biologie n´avait pas été faite. L´examen histologique du prélèvement réalisé grâce à une biopsie avait permis de poser le diagnostic de mastite granulomateuse en mettant en évidence des lésions sous forme de nodules épithélio-giganto cellulaire sans nécrose caséeuse au sein du parenchyme mammaire, au niveau des lobules (Figure 2).
Intervention thérapeutique et suivi : madame BD avait bénéficié d´un traitement à base de la prednisolone, à raison de 60 mg par jour pendant 2 mois et du métronidazole, à raison de 500 mg 3 fois par jour pendant 10 jours. Ce traitement avait permis de faire régresser la masse et de tarir l´écoulement au niveau de l´orifice de la fistule sans récidive avec un recul de 22 mois. Des contrôles cliniques réguliers étaient effectués et ces derniers étaient associés à un control mammographique.
Observation 2
Information de la patiente : il s´agissait de mademoiselle FN, âgée de 22 ans, nulligeste, célibataire originaire de Dakar (origine urbaine), sans antécédents particuliers. Il n´y avait chez elle aucune notion de tabagisme, d´alcoolisme ou de contraception. Mademoiselle FN avait consulté pour la présence d´une masse du sein gauche évoluant depuis 2 ans. L´évolution était capricieuse, caractérisée par plusieurs épisodes de poussées et de rémissions associées à des fistulisations récidivantes malgré un traitement à base d´antibiotique par voie générale et des soins locaux. A cette symptomatologie, s´ajoutent de vagues douleurs mammaires non invalidantes cédant spontanément.
Résultats cliniques : l´examen sénologique notait une asymétrie des seins avec une hypertrophie du sein gauche. Ce dernier était augmenté de volume dans son ensemble avec une peau luisante. On avait aussi noté la présence de quelques orifices de fistules cicatrisées. A la palpation, il n´y avait pas de masse individualisable. Le sein était ferme avec une peau infiltrée, il était mobilisable par rapport au plan profond ; sa pression laissait soudre un liquide séreux au niveau des orifices de fistules (Figure 3). Le mamelon n´était ni ombiliqué ni rétracté. Le sein controlatéral était sans particularité. Les aires ganglionnaires sus et sous claviculaires étaient libres. Le reste de l´examen somatique était normal.
Démarche diagnostique : l´échographie du sein objectivait un parenchyme mammaire remanié sans signes péjoratifs. Il existait la présence de foyers hypo-échogènes, hétérogènes avec renforcement intenses des échos postérieurs. On avait noté également des lésions d´allure inflammatoire intéressant les régions sous cutanées superficielles. Il n´existait pas de calcifications. La biologie et la mammographie n´étaient pas faites. Une biopsie écho-guidée était réalisée et le prélèvement était envoyé pour l´examen anatomopathologique. L´étude histologique du prélèvement objectivait un infiltrat inflammatoire siégeant au sein du tissu glandulaire plus particulièrement au niveau du lobule, organisé sous la forme de nodule épithélio-giganto cellulaire, sans nécrose caséeuse permettant ainsi d´établir le diagnostic de MGI (Figure 4).
Intervention thérapeutique et suivi : le traitement était à base de corticoïdes et d´antibiotiques non spécifiques. Elle avait reçu une association d´amoxicilline et d´acide clavulanique à la posologie de 1 gramme 2 fois par jour pendant 15 jours et des corticoïdes (prednisone à raison de 60 mg/j pendant 2 mois puis 30 mg/jour pendant 1 mois). L´évolution était favorable sans récidive sur le plan clinique avec tarissement de l´écoulement au niveau des orifices des fistules et une stabilisation des lésions après un recul de 18 mois.
Observation 3
Information de la patiente : il s´agit de la patiente CN, âgée de 28 ans, nulligeste, célibataire d´origine rurale, sans antécédents particuliers. Aucune notion de tabagisme, d´alcoolisme ou de contraception n´avait été retrouvée.
Résultats cliniques : l´examen sénologique notait des seins symétriques, de taille moyenne. À l´inspection du sein gauche, on avait des orifices de fistules cicatrisées qui cohabitaient avec des fistules non productives. Ces fistules prenaient quasiment tout le sein (Figure 5). La palpation objectivait une masse ferme, mal limitée, d´environ 5 cm à l´union des quadrants supérieurs du sein. Cette masse était mobile par rapport au plan musculaire et elle était adhérente à la peau. La pression de la fistule ne ramenait pas de liquide. L´examen du sein droit était sans particularité. Les aires ganglionnaires sus et sous claviculaires étaient libres. Le reste de l´examen somatique était sans particularité.
Démarche diagnostique : la mammographie avait mise en évidence un aspect hyper dense en plage au niveau du sein suspecte de malignité classée ACR IV. Le complément échographique avait montré une plage hypo-échogène, irrégulière, de 4 cm de grand axe, à l´union des quadrants supérieurs classée BIRADS IV. La biologie n´était faite pas. L´examen anatomopathologique fait grâce à une biopsie avait permis de mettre en évidence un tissu mammaire qui était le siège d´une réaction inflammatoire importante réalisant une mastite épithélio-giganto-cellulaire sans signes péjoratifs (Figure 6).
Intervention thérapeutique et suivi : madame CN avait bénéficié d´un traitement à base de corticoïdes et d´antibiotiques à large spectre. De la prednisone à raison de 60 mg/j associée à de l´amoxicilline et de l´acide clavulanique à raison de 1 g 2 fois par jours pendant 6 semaines. L´évolution était favorable avec le tarissement du liquide au niveau des fistules et une régression de la masse au bout de six mois de traitement.
La MGI est une pathologie bénigne rare dont la fréquence est difficile à préciser du fait des formes souvent non diagnostiquées mais aussi du fait des courtes séries étudiées [3]. Cette rareté a été constatée lors de notre travail où nous n´avons pu répertorier que trois cas de MGI sur une population de 11000 patientes. Ces chiffres représentent une fréquence de 0,03% des consultations et 0,04% des mastopathies en tenant compte de l´ensemble des pathologies mammaires aussi bien bénignes que malignes. Nos résultats sont inférieurs à ceux trouvés par Amrani et al., de même que Boufettal et al. qui estiment la fréquence de la MGI à 0,5% des tumeurs du sein [1,4,5]. Amrani et al. rapporte que moins de 1000 cas ont été décrits dans la littérature [1]. Balaabidia et al. dans son étude l´a estimée à 0,4% des mastopathies ; il a pu colliger 8 cas de MGI à partir de 2000 examens anatomopathologiques sur 5 années [6]. La prévalence annuelle a été estimée en 2008 dans l´état d´Indiana à 2,4 pour 100.000 femmes âgées de 20 à 40 ans d´origine hispanique. Aucun cas de décès n´a déjà été enregistré suite à une mastite granulomateuse.
Classiquement, il existait un dogme qui stipulait que la MGI était une pathologie exclusivement féminine mais récemment des études ont permis de mettre en évidence quelques rares cas de MGI chez l´homme [5-7]. Notre travail a pu confirmer cette théorie car notre population est à 100% féminine, toutes nos patientes atteintes de MGI étaient de sexe féminin. Dora [8] dans son article a retrouvé les mêmes résultats, 100% des patientes atteintes de MGI était des femmes [5,9]. L´âge moyen de survenue est de 32 ans [10]. La MGI est une pathologie qui touche essentiellement la femme jeune en période d´activité génitale [11]. Ces résultats sont quasi similaires à ceux trouvés dans notre travail où l´âge moyen était de 28 ans. Contrairement à ce qui est décrit, Ketata, Abderhmane et Zoubeidi trouvent respectivement un âge moyen de 37, 38 et 39,5 ans. Par contre, Boufettala et al. [12] et Bellaabidia et al. [6] ont eu un âge plus avancé respectivement 45,5 et 44,3 ans. Plus rarement, il a été décrit des cas de MGI chez des adolescentes et des femmes ménopausées avec des extrêmes de 17 et 78 ans [3]. Boutefal et al. [12] dans ses travaux a découvert un cas de MGI chez une patiente très jeune âgée de 15 ans.
Dans notre étude la plupart de nos patientes soit 2 sur 3 étaient des nulligestes donc n´ont jamais allaité contre une troisième pare, elle aurait sevré son enfant 2 ans avant l´apparition de la masse. Ce qui fait qu´au moment du diagnostic aucune de nos patientes n´était en période d´allaitement ni n´était dans les suites de couche. Nos résultats sont légèrement différents de ceux trouvés par Dora qui a une population constituée à 57% de multipares parmi lesquelles 3 étaient en état de grossesse contre seulement 2 nullipares [8]. Alors que Belaabidia et al. [6] note que 6 sur 8 patientes soit 75% de sa population étaient des multipares contre 25% qui étaient des nullipares. Une femme était enceinte et présentait une atteinte bilatérale. Outre la parité, Ketata et al. ont étudié l´allaitement et le considère comme un facteur favorisant. Sur 15 patientes que comptaient sa population, 10 étaient des nourrices soit 66.6% et 3 étaient enceintes soit 20% [13].
La MGI se présente sous la forme d´une masse ferme inflammatoire et mal limitée qui peut secondairement s´abcéder. Telle a été la circonstance de découverte de la pathologie chez la quasi-totalité de nos patientes à savoir une masse qui évolue de façon chronique, qui s´abcède et qui se fistulise. Cet aspect est confirmé par Fahmy et al. [9] et Belaabidia et al. [6] qui ont affirmé que la MGI est découverte soit par une masse, soit par une ulcération. Ces résultats sont différents de ceux trouvés par Dora [8] pour qui la MGI a été découverte chez 50% de ces patientes grâce à l´autopalpation d´une masse mammaire, 42% de ces patientes présentait une mastodynie et 14% présentait un écoulement mammelonaire.
Nos patientes avaient un aspect clinique presque identique à savoir la présence d´une masse qui siège au niveau du quadrant supéro-externe dans deux tiers des cas. L´atteinte était unilatérale sans prédilection pour un sein ou pour l´autre. Le sein était augmenté de volume dans 2 cas sur 3. La masse était adhérente à la peau avec des orifices de fistules productives ou non, la masse était mobile par rapport au plan profond. Aucune de nos patientes n´a présenté des adénopathies. Cet aspect est identique à ce qui est décrit dans la littérature à savoir une taille moyenne de 6,5 cm, avec cependant des extrêmes de de 2,5 à 15 cm [6]. Contrairement à nos résultats, Fahmy et al. [9] a objectivé la présence d´adénopathies axillaires homolatérales. Boufettal et al. [5] a également trouvé ce même aspect inflammatoire avec une induration mammaire prenant tout le sein. Par contre, la rétraction et l´affaissement mamelonnaire sont rarement décrits dans la littérature.
L´échographie est l´examen morphologique demandé en première intention surtout chez les nullipares ou en complément à la mammographie. A l´échographie, la MGI peut revêtir plusieurs aspects. Souvent l´échographie objective une masse ou une image nodulaire hypoéchogène homogène ou hétérogène à contours irréguliers avec un grand axe généralement parallèle à la peau. Hovanessian et al. dans son étude portant sur 54 patientes a mis en évidence ce même aspect ou 59% des échographies effectuées ont objectivé une masse hypoéchogène à contours flous associée à une ectasie galactophorique [14]. La sémiologie mammographique de la MGI n´est pas spécifique, plusieurs aspects peuvent être objectivés dans son étude, notamment une asymétrie de densité mal limitée sans micro calcification. Au stade d´inflammation, on peut mettre en évidence une augmentation globale de la densité du sein associé à un épaississement du revêtement cutané. Douvieret al. [2] ont pu retrouver cet aspect d´épaississement du revêtement cutané associé à des images d´opacités diffuses, des images pseudo spiculées, des opacités rubanées et linéaires et des macros calcifications.
Chez la femme jeune, la mammographie peut être mise à défaut dans les formes nodulaires compte tenu de la densité des seins. L´aspect mammographique reste aspécifique et oriente vers le diagnostic de malignité dans la majorité des cas [14]. Nos résultats mammographiques sont en concordance avec la littérature et objectivent un aspect radiologique suspect de malignité classé Birads 4 ou 5 chez 57,1% des patientes. L´Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) de la MGI est peu connue car il s´agit d´un examen rarement prescrit dans ce contexte. Elle est principalement demandée dans le but de rechercher des signes de malignité sur le plan morphologique [14]. L´IRM effectuée a objectivé une masse mammaire dans 64% des cas ; elle est arrondie, ovalaire ou lobulée prenant le contraste après injection de gadolinium associé à un rehaussement périphérique. L´examen peut montrer une masse tissulaire irrégulière prenant le contraste de manière variable, elle est importante et précoce à l´injection de gadolinium simulant ainsi une lésion maligne [14]. Dans notre travail, l´IRM n´avait été réalisée chez aucune de nos patientes.
La certitude du diagnostic de MGI ne peut être obtenue que grâce à un examen histologique d´un prélèvement obtenu soit par une biopsie soit sur une pièce opératoire. Dans certains cas, la cytologie peut être demandée en première intention mais est très peu contributive car elle est presque toujours négative. Dans le meilleur des cas, si elle est demandée, va conclure à un liquide inflammatoire avec une absence de cellules malignes [1,8]. La ponction peut ramener un liquide purulent dans les formes abcédées ; tel était le cas chez 5 des 14 patientes dans l´étude de Dora soit 35,7% [8]. La cytologie n´était pas réalisée dans notre travail.
S´agissant de l´histologie, à l´examen macroscopique, la lésion se présente dans la majorité des cas comme une masse blanchâtre mal limitée avec parfois des foyers de remaniements kystiques et ou des remaniements nécrotiques [8]. L´examen extemporané s´il est demandé permet de retrouver la nature inflammatoire bénigne de la lésion. Tel a été le cas chez 50% des patientes dans l´étude de Dora [8]. Aucune de nos patientes n´avait bénéficié d´un examen extemporané. L´aspect histologique classiquement retrouvé est un parenchyme mammaire remanié par des foyers de fibrose siège d´un infiltrat inflammatoire polymorphe hétérogène de localisation lobulaire et riche en lymphocytes plasmocytes polynucléaires neutrophiles et en histiocytes. A cet infiltrat peuvent s´associer des granulomes épithélio-giganto cellulaires sans nécrose caséeuse en faveur d´une MGI [12]. Les lésions granulomateuses sont habituellement confinées aux lobules [5]. Ce même aspect était retrouvé, dans notre étude, avec quelques variantes en ce qui concerne la population cellulaire.
Boufettal et al. avaient eu ce même aspect à savoir un infiltrat inflammatoire d´organisation nodulaire épithélio-giganto cellulaires, comportant des lymphocytes, des plasmocytes, des polynucléaires neutrophiles [5]. Dans la thèse de Dora, l´histologie de toutes les patientes avait retrouvé un tissu mammaire remanié par la présence d´une réaction inflammatoire de localisation surtout intra lobulaire ou diffuse, faite d´un infiltrat d´abondance variable composé de lymphocytes, de plasmocytes, d´histiocytes et de polynucléaires neutrophiles avec la présence surtout d´un granulome épithélioïde et giganto cellulaire sans nécrose caséeuse. Amrani et al. dans leurs travaux a trouvé ce même aspect avec des cellules géantes et épithélioïdes groupées en formation nodulaire à centre nécrotique [1]. Boufettal et al. [5] objectivait cet aspect d´un infiltrat inflammatoire qui siège au niveau du lobule organisé sous la forme de nodule sans nécrose caséeuse comportant en proportion variable des cellules épithélioïdes, des cellules géantes multi nucléés, des polynucléaires neutrophiles, des lymphocytes, des plasmocytes et plus rarement des polynucléaires éosinophiles. La confluence de ces lésions entraine parfois un dépassement des limites du lobule mammaire ce qui explique cet aspect de multiples nodules confluents ou tubulés hypoéchogènes à l´échographie [6]. Chez nos patientes cet aspect similaire était trouvé, à savoir un remaniement fibreux associé à un infiltrat epithélio-gigantocellulaire.
Le traitement de la MGI n´est pas codifié, il n´y a aucun traitement optimal admis à ce jour pour la MGI. Ce traitement varie selon les formes cliniques ; il peut être médical ou chirurgical, ou associé les deux modalités. Dans les formes aigues, une antibiothérapie est systématique associée à des anti-inflammatoires permettant ainsi de juguler l´inflammation [2]. Le traitement médical fait souvent appel à la corticothérapie par voie générale [9]. Les corticoïdes font partie de l´arsenal thérapeutique. Dans une étude réalisée par Dora [8], 92,8% des patientes ont reçu des antibiotiques en première intention. La corticothérapie a été utilisée en seconde intention. Boufetal et al. [5] n´avait prescrit que des corticoïdes à raison de 60 mg/j pendant 2 mois, suivi d´une baisse progressive des doses. Dans les formes invalidantes, la corticothérapie est utilisée à raison de 0,5 à 1 mg/kg/habituellement suivi d´une décroissance très lente des doses [14]. Contrairement à ces constatations, le taux d´échec à la corticothérapie élevé et l´incidence des récidives variable de 16 à 50% selon les séries [14] offrant ainsi une place aux autres alternatives thérapeutiques.
Le traitement de la MGI au cours de l´allaitement doit être modulé, les corticoïdes sont associés à la bromocriptine pour inhiber la montée laiteuse et diminuer ainsi l´hyperprolactinémie. En dehors des corticoïdes, les antibiotiques ont été utilisés notamment l´amoxicilline seul pendant plusieurs semaines. Martzolff a obtenu une évolution favorable, ce qui a permis d´éviter la chirurgie chez 2 patientes sur les 6 que comptait l´étude soit 33,3%. Dans notre travail toutes des patientes avaient bénéficié d´un traitement médical à base de corticoïdes et d´antibiotique avec une évolution favorable. Outre le traitement médicamenteux, la chirurgie occupe une place importante. Dans la thèse de Dora [8], toute la population a bénéficié d´un traitement chirurgical avec une exérèse de la lésion dans 78,5% des cas contre 21,5% des patientes qui ont bénéficié d´une mise à plat. La chirurgie permet d´effectuer une large excision, mais le traitement chirurgical est associé à un haut risque de récurrence et de réintervention ; cependant cette dernière itérative peut-être mutilante [2]. Par contre, il a également été démontré que le taux de guérison après mastectomie partielle était supérieur à celui de la corticothérapie avec respectivement 79% versus 42% [15]. Contrairement à ces affirmations, Wilson a montré que 21% des patientes opérées rechutaient alors que 58% des patientes qui ont bénéficié d´une corticothérapie répondaient partiellement ou rechutaient à la décroissance des doses de corticoïdes [15]. Contrairement à la pratique courante nécessitant une chirurgie encadrée dans la prise en charge de la MGI aucune de nos patientes n´a bénéficié d´un traitement chirurgical. Elles ont toutes bénéficié d´un traitement médical.
L´évolution de la MGI est généralement trainante avec un retentissement important sur la qualité de vie [11]. L´évolution sans traitement se fait très souvent selon un mode chronique vers l´abcédation et la fistulisation [1]. Dans la thèse de Dora 71,5% des patientes ont bien évolué sous traitement et seulement 28,5% des patientes ont présenté des complications au cours de l´évolution pour un suivit moyen de 17,4 mois. Il a été noté un cas d´échec thérapeutique au métronidazole ayant nécessité un changement de molécule, une récidive d´un abcès au bout de 8 mois et un cas de rechute contro latéral faisant même discuter la présence d´un second foyer. Cette rechute contro-latérale été également notée par Kétata et al. [12] où 2 cas ont été notés. Le taux de récidive après chirurgie est important chez 37,5% des patientes qui se complique de séquelles inesthétiques [2]. Dans notre travail, aucune récidive n´a été notée chez nos patientes. Elles ont eu un suivit moyen de 6, 18 et 22 mois.
La MGI est une pathologie mammaire bénigne rare qui touche la femme jeune dans la majorité des cas. De nombreuses pathologies peuvent être à l´origine de lésion granulomateuses du sein mais seul un bilan étiologique nous permettra de retenir le caractère idiopathique. Il s´agit d´un diagnostic d´élimination. Le principal diagnostic différentiel est représenté par le cancer du sein dans sa forme inflammatoire en sachant que l´association est possible. Le traitement ne fait l´objet d´aucun consensus. La corticothérapie a été préconisée avec succès mais est inconstamment efficace. Dans notre travail, toutes nos patientes avaient bénéficié d´un traitement à base de corticoïdes et d´antibiotiques à large spectre. Elles avaient eu un suivi moyen de 6, 18 et 22 mois et aucune récidive n´avait été notée. Contrairement à la pratique courante nécessitant une chirurgie encadrée dans la prise en charge de la MGI aucune de nos patientes n´avait bénéficié d´un traitement chirurgical.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.
Tous ont contribué à la rédaction de l´article. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.
Figure 1 : aspect clinique de la MGI chez Mme BD
Figure
2 : infiltrat leucocytaire autour de lobules de galactophores, grossissement (x200),
coloration à l´Hématoxyline Eosine de la MGI chez Mme BD
Figure 3 : aspects cliniques de la MGI chez Mlle FN
Figure
4 : infiltrat leucocytaire autour des lobules galactophores, grossx100, coloration à l´Hématoxyline eosine, histologie
Figure 5 : aspect clinique de la MGI chez CN
Figure
6 : infiltrat leucocytaire autour de lobules de galactophores, grossx200, hématoxyline éosine, histologie
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