Zona ophtalmique bilatéral et symétrique chez une patiente immunocompétente: à propos d´un cas
Imane Ed-Darraz, Rim El Hachimi, Meryem Sefrioui, Rida El Hadiri, Sofia Alami, Saad Benchakkroun, Noureddine Boutimzine, Lalla Ouafa Cherkaoui
Corresponding author: Imane Ed-Darraz, Ophtalmologie A, Hôpital des spécialités de Rabat, Université Mohamed V de Rabat, Rabat, Maroc
Received: 16 Dec 2021 - Accepted: 06 Jan 2022 - Published: 04 Feb 2022
Domain: Ophthalmology
Keywords: Zona ophtalmique, bilatéral, symétrique, dermatome, atypique, case clinique
©Imane Ed-Darraz et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Imane Ed-Darraz et al. Zona ophtalmique bilatéral et symétrique chez une patiente immunocompétente: à propos d´un cas. PAMJ Clinical Medicine. 2022;8:28. [doi: 10.11604/pamj-cm.2022.8.28.32849]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/8/28/full
Case report
Zona ophtalmique bilatéral et symétrique chez une patiente immunocompétente: à propos d´un cas
Zona ophtalmique bilatéral et symétrique chez une patiente immunocompétente: à propos d´un cas
Bilateral and symmetric ophthalmic zoster in an immunocompetent female patient: about a case
Imane Ed-Darraz1,&, Rim El Hachimi1, Meryem Sefrioui1, Rida El Hadiri1, Sofia Alami1, Saad Benchakkroun1, Noureddine Boutimzine1, Lalla Ouafa Cherkaoui1
&Auteur correspondant
Le virus varicella-zoster virus (VZV) est un virus à ADN neurotrope qui après des années voir des décennies de quiescence peut se réactiver dans un ou plusieurs dermatomes. La forme bilatérale et symétrique est une atteinte très rare et atypique qui concerne moins de 0,1% des publications. Nous rapportons l´observation d´une patiente âgée de 80 ans sans antécédents particuliers qui présente un Zona ophtalmique bilatérale symétrique avec atteinte de trois dermatomes. Les investigations cliniques et paracliniques ont éliminé l´existence d´une affection prédisposante en dehors de l´âge avancé. L´objectif de notre travail est de rapporter l´observation de cette pathologie très rare chez l´immunocompétent.
Varicella-zoster virus (VZV) is a neurotropic DNA virus that, after years or even decades of quiescence, can reactivate in one or more dermatomes. Bilateral and symmetrical VZV is very rare and atypical, and it has been reported in less than 0.1% of publications. We here report the case of an 80-year-old female patient with no specific history who presented with symmetrical bilateral ophthalmic zoster with three dermatomes. Clinical and paraclinical examination excluded the presence of a predisposing condition, except for patient´s advanced age. The purpose of this study is to provide information on this very rare disease affecting immunocompetent patients.
Key words: Ophthalmic zoster, bilateral, symmetric, dermatome, atypical, case report
Le virus VZV est un virus à ADN neurotrope qui après des années voir des décennies de quiescence peut se réactiver dans un ou plusieurs dermatomes. Chez l'hôte immunocompétent, une personne sur vingt présente une récidive de zona, qui se produit en général dans le même dermatome [1]. La forme bilatérale et symétrique est une atteinte très rare et atypique et concerne moins de 0,1% des publications.
Nous rapportons l´observation d´une patiente âgée de 80 ans sans antécédents particuliers qui présente un zona ophtalmique bilatérale symétrique avec atteinte de trois dermatomes de la 5e paire crânien. Les investigations cliniques et paracliniques ont éliminé l´existence d´une affection sous-jacente en dehors de l´âge. L´objectif de notre travail est de mettre la lumière sur cette pathologie très rare chez l´immunocompétent.
Information de la patiente: nous rapportons l´observation d´une patiente âgée de 80 ans, sans antécédents particuliers notamment l´absence de facteurs de risques d´immunodépression (diabète, corticothérapie ou chimiothérapie et infection par VIH) qui a consulté aux urgences pour une éruption vésiculeuse et douloureuse du visage associée à un œil rouge douloureux bilatéral avec photophobie, larmoiement et une blépharospasme sans baisse de l´acuité visuelle.
Résultats cliniques: l'examen cutané retrouvait des érosions-croûtes post vésiculeuses sur un fond érythémateux en périorbitaire bilatérale et symétrique. Cette éruption débordait également sur le nez et en péri buccal et était associée à un œdème palpébral bilatéral, une chéilite et à une glossite (Figure 1). L´acuité visuelle corrigée était de 08/10 en ce qui concerne l´œil droit et 09/10 pour l´œil gauche (Echelle de Monoyer). L´examen biomicroscopique retrouvait une blépharite antérieure bilatérale avec une conjonctivite phlycténulaire, une kératite ponctuée superficielle diffuse (KPS) bilatérale sans infiltrats cornéens, le tonus oculaire était à 16 mmhg en ODG. L´examen du segment antérieur objectivait l´existence d´une opalescence cristallinienne avec absence d´inflammation du segment antérieur. L´examen du fond œil complété par un examen au verre à 3 miroirs ne montrait pas l´existence d´atteinte choriorétinienne.
Démarche diagnostique: une biopsie cutanée objectivait une acantholyse avec un clivage intra épidermique débutant, très suggestive d´une dermatite herpétique (Figure 2, Figure 3). Le reste des examens complémentaires demandés ne révélaient pas d'anomalies (Bilan biologique et sérologie VIH 1 et 2 et glycémie à jeun). Nous avons conclu donc à un zona ophtalmique bilatéral associé à l´atteinte de V2 et V3 et compliqué de kératite épithéliale chez une patiente immunocompétente.
Intervention thérapeutique et suivi: la patiente a été mise sous Valaciclovir par voie orale à dose de 3g par jour, antalgiques et larmes artificielles à base de tréhalose. L´évolution sous traitement était favorable, marquée par l´involution nette de l´œdème palpébrale et disparition des KPS en une semaine (Figure 4) et la cicatrisation complète des lésions en 2 semaines (Figure 5). Malgré le traitement débuté dès la consultation, la patiente a gardé une douleur a type de brulure avec des démangeaisons et une hyperesthésie cutanée ce qui a justifié un traitement antidépresseur tricyclique (Amitriptyline) a faible dose. L´évolution a été marquée par la diminution significative de la douleur et l´amélioration de la qualité de vie.
Le virus varicelle-zona (VZV) est un virus neurotrope. Après la primo infection, il reste latent pendant des décennies dans les nerfs crâniens, la racine dorsale et les ganglions du système nerveux autonome. Le système immunitaire maintient le virus en quiescence. La réactivation du virus arrives lorsque ce système est compromis. L´âge, l´immunodépression et le traumatisme constituent des facteurs de risques bien établis [2]. La réactivation est généralement limitée à un seul dermatome en dépit des génomes viraux latents qui sont présents dans de nombreux ganglions sensoriels périphériques. Ce qui suggère le rôle significatif des facteurs locaux (nombre de copies virales dans la cellule ou un traumatisme local au ganglion de la racine nerveuse) [3]. Deux manifestations atypiques et bien connues du zona ophtalmique sont « le zona sine herpete » et l´herpès bilatéral. L´herpès zoster duplex (HZD) correspond à la réactivation simultanée du virus dans deux dermatomes différents. Il est dit « unilateralis » (HZDU) lorsque la réactivation se produit unilatéralement dans deux dermatomes non contigus et « bilateralis » (HZDB) quand la réactivation implique deux dermatomes de façon bilatérale (symétrique si le même dermatome ou asymétrique si deux dermatome différents) [4].
Les patients immunodéprimés ont un risque plus élevé de développer une forme disséminée [2]. Néanmoins, l´immunodépression semble moins associée à la bilatéralité l´atteinte [5]. Rarement, la dissémination du zona peut survenir chez les hôtes immunocompétents [6]. L'immunité des cellules T spécifiques au VZV est le facteur le plus important responsable de la réactivation du VZV chez ces individus [3]. La fréquence de la réactivation est différente d´une zone à l´autre. La localisation cranio faciale est la 2 ème en termes de fréquence 20% [7]. L´atteinte trigéminée concerne le plus souvent la 1ère branche et d´une façon unilatérale [8]. L´atteinte simultanée des autres branches est rare, c´est le cas de notre patiente. Très peu de cas de zona ophtalmique bilatérales et symétriques ont été rapportés (moins de 0,1%) [9]. Les caractéristiques cliniques des patients retrouvés dans la littérature sont groupées dans le Tableau 1 [9-12]. Le diagnostic du zona ophtalmique reste clinique, basé sur l´éruption cutanée vésiculaire pathognomonique et les symptômes distinctifs. Les examens complémentaires ne sont pas en règle nécessaires sauf pour les formes atypiques. L´éruption peut parfois manquer chez le sujet âgé.
Le signe de Hutchinson est considéré comme un prédicteur clinique de l'atteinte oculaire par atteinte de la branche nasociliaire [1]. Notre patiente a présenté une kératite épithéliale à type de kératite ponctuée superficielle ayant bien évoluée sous traitement. Un autre cas d´atteinte oculaire associé à un zona ophtalmique bilatéral asymétrique chez un patient immunocompétent a été rapporté [10]. Cette atteinte correspondait à une kérato-uvéite unilatérale [10]. Les autres cas retrouvés n´avaient pas présenté d´atteinte oculaire associée (Tableau 1). Le zona ophtalmique reste une indication à un traitement antiviral systémique même chez le sujet immunocompétent. Trois types de molécules peuvent être utilisés: l´aciclovir, le famciclovir et le valaciclovir. Le traitement doit être débuté dès que possible (<72h). Un début après 72h est toujours justifié par la réduction du taux d´atteinte intraoculaire de plus de 50% [1]. La névralgie post zostérienne, dont l´âge et la localisation céphalique constituent deux parmi les facteurs de risque bien connus, peut être prévenu par la prise du traitement antiviral. Les corticoïdes par voie générale peuvent réduire la douleur à la phase aiguë. Le Famciclovir, la Brivudine et le Valaciclovir sont supérieurs à l'Aciclovir dans la prévention des douleurs post-zostériennes. Pour le traitement de la névralgie, sont prouvés efficaces les antidépresseurs tricycliques, certains opiacées et les gabapentinoides. Concernant notre patiente, un traitement antiviral précoce à base de valaciclovir a été instauré mais une douleur modérée a persisté après la phase aiguë, ce qui a justifié la mise en place d´un antidépresseur tricyclique avec une diminution marquée de la douleur. La vaccination par un vaccin vivant atténué parait réduit l'incidence des algies post-zostériennes [1].
La très grande rareté (moins de 0,1%) des publications concernant la survenue bilatérale et symétrique d´un zona disséminé justifie cette publication en particulier chez un sujet immunocompétent. Les caractéristiques cliniques ressemblent aux caractéristiques du zona ophtalmique unilatérale et justifie un examen ophtalmologique minutieux à la recherche de complications oculaires. Très peu d´atteinte oculaire ont été associées aux cas publiés à type de kérato-uvéite.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.
Collecte des données: Meryem Sefrioui, Rida El Hadiri, Imane Ed-Darraz. Analyse et interprétation des données: Saad Benchakkroun, Imane Ed-Darraz, Rim El Hachimi. Rédaction de l'article: Imane Ed-Darraz, Rim El Hachimi, Sofia Alami. Révision de l'article: Nourddine Boutmzine, Lalla Ouafa Cherkaoui. Tous les auteurs ont approuvé la version finale du manuscrit.
Tableau 1: les caractéristiques cliniques des patients présentant un zona ophtalmique bilatérale et symétrique retrouvés dans la littérature
Figure 1: des érosions-croûtes post vésiculeuses localisées dans le territoire de 5e paire crânien
Figure 2: vue microscopique de la biopsie cutanée a grossissement moyen montrant une discrète acantholyse des couches basales
Figure 3: vue microscopique de biopsie cutané a fort grossissement montrant une acantholyse avec clivage intra épidermique
Figure 4: Évolution après une semaine de traitement
Figure 5: l´évolution après 15 jours de traitement
- Meylan P, Gerber S, Kempf W, Nadal D; Swiss Herpes Management Forum. Recommandations suisses pour la prise en charge des infections dues au virus de la varicelle-zoster. Rev Med Suisse. 2007 Sep 19;3(125):2116-22, 2124-9. PubMed | Google Scholar
- Yawn BP, Saddier P, Wollan PC, St Sauver JL, Kurland MJ, Sy LSet al. A population-based study of the incidence and complication rates of herpes zoster before zoster vaccine introduction. Mayo Clin Proc. 2007. PubMed | Google Scholar
- Atul Vijay, Gaurav Dalela. Herpes zoster duplex bilateralis in immuno-competent: patients: report of two Cases. J Clin Diagn Res. 2015 Dec;9(12):WR01-WR03. PubMed | Google Scholar
- Yoo KH, Park JH, Kim BJ, Kim MN, Song KY. Herpes zoster duplex bilateralis in a patient with breast cancer. Cancer Res Treat. 2009;41(1):50-52. PubMed | Google Scholar
- Ya-Chu Tsai. Herpes zoster duplex bilateralis symmetricus. Dermatogica Sinica. 2015;33:37e38. Google Scholar
- Jarade EF, Tabbara KF. Presumed reactivation of herpes zoster ophthalmicus following laser in situ keratomileusis. J Refract Surg. 2002;18(1):79-80. PubMed | Google Scholar
- Singh KG, Bajaj AK, Dwivedi NC, Merchery A. Bilateral herpes zoster. Ind J Dermatol Venereal Leprol. 1993;59(2):90-92.
- Lang PO, Belmin J, Michel JP. Zona des sujets âgés. Presse Med. 2009;38(4):571-583. Google Scholar
- Aurore Maire, Claude Thurel, Alain Serrie. Zona ophtalmique bilatéral: a propos d´un cas. Douleurs Evaluation - Diagnostic - Traitement. 2019;20:137-139. Google Scholar
- Nath R. Bilateral and multifocal generalized eruptions in herpes zoster ophthalmicus. Ind J Ophthalmol. 1996;44(1):40-42. PubMed | Google Scholar
- Pervez H, Potti A, Mehdi SA. Concomitant bilateral herpes zoster opthalmicus. Lancet Infect Dis. 2002;2(11):699. PubMed | Google Scholar
- Lee SH, Jung HJ, Park MY, Ahn JY. Herpes zoster duplex symmetricus in a healthy patient. Korean J Dermatol. 2011;49(12):1098-101. Google Scholar