Un nodule mammaire isole chez l´homme: ce n´est pas toujours primitif: à propos d´un cas
Hajar El Agouri, Chaimaa Mounjid, Soumaya EchCharif, Basma El Khannoussi
Corresponding author: Hajar El Agouri, Service d´Anatomie Pathologique, Institut national d´Oncologie de Rabat, Faculté de Sciences, Université Mohammed V, Rabat, Maroc
Received: 05 Jan 2022 - Accepted: 21 Jan 2022 - Published: 08 Feb 2022
Domain: Oncology,Surgical oncology
Keywords: Cancer du sein, métastase mammaire, cancer de la vessie, immunohistochimie, cas clinique
©Hajar El Agouri et al. PAMJ Clinical Medicine (ISSN: 2707-2797). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Hajar El Agouri et al. Un nodule mammaire isole chez l´homme: ce n´est pas toujours primitif: à propos d´un cas. PAMJ Clinical Medicine. 2022;8:30. [doi: 10.11604/pamj-cm.2022.8.30.33124]
Available online at: https://www.clinical-medicine.panafrican-med-journal.com//content/article/8/30/full
Case report
Un nodule mammaire isole chez l´homme: ce n´est pas toujours primitif: à propos d´un cas
Un nodule mammaire isole chez l´homme n´est pas toujours primitive: à propos d´un cas
Isolate breast lump in men is not always primitive: about a case
Hajar El Agouri1,&, Chaimaa Mounjid1, Soumaya Ech-Charif1, Basma El Khannoussi1
&Auteur correspondant
Les métastases mammaires ne représentent que moins de 2% des tumeurs malignes du sein. L´origine vésicale est exceptionnellement rapportée, encore moins chez l´homme. Du fait de leur rareté et leur tableau clinico-radiologique non spécifique, les métastases mammaires peuvent être confondues avec un cancer primitif. L'analyse anatomopathologique intégrée dans une confrontation anatomoclinique, complétée par l'immunohistochimie, est l´élément clé du diagnostic. Nous rapportons le cas d´une métastase isolée mammaire droite, chez un homme de 64 ans, apparue un an après une cystoprostatectomie radicale pour un carcinome urothélial infiltrant de haut grade. A notre connaissance, c´est l´un des rares cas décrits dans la littérature. A travers notre travail, et à la lumière des données de la littérature, nous soulignons les difficultés diagnostiques et thérapeutiques de cette entité extrêmement rare, dont la connaissance est nécessaire afin d´éviter les erreurs diagnostiques et les prises en charge non adaptées pouvant en suivre.
Breast metastases account for less than 2% of breast cancers. Vesical origin has been exceptionally reported, even less in men. Breast metastases can be confused with primary cancer due to their scarcity and their non-specific clinical-radiological picture. Anatomopathological examination integrated into an anatomoclinic confrontation, supplemented by immunohistochemistry, is a key component of diagnosis. We here report a case of right isolated breast metastasis in a 64-year-old man. It occurred one year after radical cystoprostatectomy for high-grade infiltrating urothelial carcinoma. To our knowledge, this is one of the few cases described in the literature. In the light of literature data, this study highlights the diagnostic and therapeutic difficulties of this extremely rare disease, whose knowledge is necessary in order to avoid diagnostic errors and unadapted management.
Key words: Breast cancer, breast metastasis, bladder cancer, immunohistochemistry, case report
Selon l´observatoire mondial de cancer, le cancer du sein constitue le cancer le plus répandu chez la femme à travers le monde (11,7%). Cependant, il reste une entité rare chez l'homme. Les métastases mammaires de cancers d´origine extra-mammaire sont encore rarissimes, souvent de diagnostic tardif, et de pronostic sombre. L´origine urothéliale notamment vésicale est exceptionnellement rapportée. Seulement de rares cas ont été décrits dans la littérature, et ont été rapportés généralement chez des femmes. Les métastases mammaires peuvent être confondues avec un cancer primitif et être à l´origine d´un traitement mutilant inutile, d´où le rôle du pathologiste dans la confirmation histologique de l´origine urothéliale.
Information du patient: nous rapportons le cas d´un patient âgé de 64 ans, tabagique chronique à raison de 30 PA sevré il y´a 7 ans, hospitalisé pour prise en charge d´un nodule mammaire droit isolé. Le patient avait bénéficié 9 mois auparavant d´une cystoprostatcetomie radicale pour un carcinome urothélial infiltrant de haut grade (OMS 2016), infiltrant le muscle vésical, avec présence d´une composante micropapillaire, et d´emboles vasculaires (Figure 1). Les marges de résection chirurgicales étaient saines. Le bilan d´extension ne montrait pas de localisations secondaires.
Résultats cliniques: le patient était stable sur le plan hémodynamique. L´examen physique trouvait un nodule mammaire dur à la palpation, mobile par rapport au plan profond, sans lésion cutanée en regard, ni de rétraction ou d´écoulement mamelonnaire. Les aires ganglionnaires étaient libres. Le sein controlatéral apparait cliniquement normal.
Démarche diagnostique: le patient a bénéficié d´une échographie mammaire, ayant montré une formation tissulaire sous cutanée, échogène, de contours irréguliers, et discrètement vascularisée au Doppler-couleur, avec absence d´adénopathies satellites. Le sein controlatéral ne montrait pas d´anomalies radiologiques notables. Le bilan radiologique a été complété par une TDM thoraco-abdomino-pelvienne, objectivant une masse mammaire droite mal limitée, infiltrant le tissu sous-cutané, mesurant 62 mm de grand axe, sans autres localisations secondaires. Etant donné que le diagnostic final est basé sur la confrontation clinico-radiologique et anatomopathologique, la conduite à tenir consistait en une prise en charge chirurgicale conservatrice.
Intervention thérapeutique, résultats, et suivi: le patient a bénéficié d´une tumorectomie large du sein droit, avec respect des marges chirurgicales. L´examen macroscopique intéressait une pièce de tumorectomie, pesant 120g, mesurant 10x9x1,5cm et siège d´une ulcération de 7,5x7cm. À la coupe, cette ulcération correspondait à une masse blanchâtre, mal limitée, indurée, et arrivant jusqu´au plan cutané en regard. Elle était située à moins de 1mm du plan profond, et à distance des limites latérales (Figure 2). L´étude histologique montrait un parenchyme mammaire siège d´une prolifération tumorale carcinomateuse faite de travées, de cordons, et de quelques structures glandulaires. Les cellules sont manifestement atypiques et richement mitotiques. Cette tumeur ulcère massivement l´épiderme en surface. Il n´a pas été vu de composante intra-canalaire, ni d´emboles vasculaires. Les limites de résection chirurgicales latérales et profonde étaient saines. La tumeur a été classée pT4b (Figure 3 A). Un complément immunohistochimique était nécessaire afin de déterminer la nature primitive ou secondaire. Il montrait un marquage positif des cellules tumorales aux anticorps anti-cytokératine 7, anti-cytokératine 20, et anti-GATA3. Les récepteurs hormonaux (RE et RP), HER 2, et l´anti-mammaglobine étaient négatifs (Figure 3 B, C, D). Ainsi, le diagnostic retenu était celui d´une localisation mammaire d´un processus carcinomateux peu différencié compatible avec l´origine vésicale déjà connue chez le patient. L´évolution a été marquée par l´apparition d´autres localisations secondaires sur le bilan de surveillance fait après 6 mois.
Consentement éclairé: un consentement éclairé et écrit pour publication a été fourni par le patient.
Les métastases mammaires de cancers d´origine extra-mammaire sont extrêmement rares. Elles représentent entre 0.3 et 2.7% des tumeurs malignes du sein [1]. Les tumeurs primitives les plus fréquemment rapportées sont les mélanomes, les cancers hématologiques (les leucémies et surtout les lymphomes), pulmonaires, digestifs, et gynécologiques [2]. Chez l'homme, la tumeur primitive la plus fréquente est la prostate, particulièrement après hormonothérapie [3]. L´origine urothéliale a été exceptionnellement décrite à travers la littérature, le plus souvent chez la femme [4]. Le premier cas de métastase mammaire d´un carcinome urothélial chez l´homme a été rapporté par Truesdale et al. en 1979 [5], et la première observation détaillée a été décrite par Berkman et al. en 1982 [6]. Et depuis, seulement quelques cas ont été signalés de manière sporadique [7-9]. Sur le plan éthiopathogènique, l´implantation secondaire au niveau du sein qui est un organe hormono-dépendant semble assez intrigant, en particulier chez l´homme. Le statut hormonal pourrait jouer un rôle important dans l´augmentation du flux sanguin et la stimulation de la prolifération des unités ducto-lobulaires du tissu mammaire, favorisant ainsi l´implantation métastatique [1]. Néanmoins, notre patient n´as pas reçu de traitement hormonal.
La démarche diagnostique est basée sur la recherche d'antécédents néoplasiques, notamment présents dans notre cas, et la confrontation des données cliniques, radiologiques et anatomopathologiques. Le tableau clinico-radiologique est volontiers trompeur et peut facilement simuler un cancer mammaire primitif, ce qui explique la difficulté clinique de distinction entre l´origine secondaire ou primitive. Le diagnostic définitif est uniquement histologique. Cependant, il y a peu de caractéristiques morphologiques permettant d´affirmer le diagnostic de métastase mammaire avec certitude, et posent un problème majeur de différenciation avec l´adénocarcinome primitif mammaire. Classiquement, la présence d´une prolifération tumorale bien délimitée par rapport au parenchyme mammaire environnant, souvent sous-cutanée, montrant une distribution périlobulaire et péricanalaire avec absence de composante intracanalaire ou de lobulaire in-situ est caractéristique d'une lésion secondaire.
En cas de difficultés diagnostiques, une étude immunohistochimique complémentaire est d´une importance capitale. Chez l´homme, les cancers mammaires primitifs présentent presque un statut hormonal et moléculaire identique à ceux de la femme en ménopause. Ils sont le plus souvent CK7 positifs et CK 20 négatifs, associés à des récepteurs hormonaux positifs, tandis que l´HER 2 est rarement positive. A l´inverse, le diagnostic de métastase mammaire est confirmé, d´une part, par l´absence d´expression des récepteurs hormonaux le plus souvent; et d´autre part, par l´expression d´antigènes spécifiques du cancer extra-mammaire primitif. Bien qu´il n´y ait aucun marqueur totalement spécifique, leur positivité permet d´orienter le diagnostic [2]. En effet, dans notre cas, la positivité des cellules pour la CK7, la CK20, et la GATA3, ainsi que la négativité des récepteurs hormonaux, et l´herceptest plaident en faveur de l´origine urothéliale secondaire d´autant plus que l´anticorps anti-mammaglobine est négatif. La prise en charge des métastases mammaires est essentiellement palliative, en raison de leur pronostic défavorable illustré par la présence fréquente de métastases localisées dans d´autres organes. Néanmoins, devant l´absence d´autres métastases décelées au bilan d´extension chez notre patient, une prise en charge chirurgicale conservatrice a été proposée avec respect de marges d´exérèse saines. Le curage axillaire n´a pas été réalisé devant l´absence clinico-radiologique d´adénopathies satellites.
En tant que pathologistes, nous devons garder à l´esprit que la métastase mammaire peut simuler cliniquement et radiologiquement le cancer primitif. Les caractéristiques morphologiques ne permettent pas souvent d´affirmer le diagnostic avec certitude. L´immuno-histochimie est le gold standard, permettant d´orienter le diagnostic vers une origine urothéliale. Notre cas de métastase mammaire d'un carcinome urothélial a la particularité comme les tumeurs primitives du sein d'être GATA3 positive, ce qui pourrait constituer un piège diagnostique. L´essentiel est de savoir suspecter l´origine secondaire afin d´éviter aux patients une chirurgie mutilante inutile et de leur offrir une prise en charge adaptée à la tumeur primitive.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.
Tous les auteurs ont participé à la rédaction et à la correction de l'article. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.
Figure 1: TDM thoraco-abdomino-pelvienne montrant un processus vésical infiltrant la graisse périvésicale, et comprimant le méat urétéral à gauche
Figure 2: une tranche de section de pièce de tumorectomie du sein droit montrant une masse blanchâtre, mal limitée arrivant jusqu´au plan cutané en regard
Figure 3: (A) processus carcinomateux peu différencié fait de cellules manifestement atypiques, aux noyaux anisocaryotiques, nucléolés et richement mitotiques (hématoxyline-éosine x200); (B,C,) les cellules tumorales montrent un marquage positif aux anticorps anti-CK7 (B), anti-CK20 (C); et anti-GATA3 (D) (immunohistochimie x200)
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