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Case report

Lupus de l'enfant: à propos de deux cas

Lupus de l'enfant: à propos de deux cas

Lupus of child: two case reports

Fatima-Zahra Agharbi1,&

 

1Hôpital Civil Tétouan, Tétouan, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Fatima-Zahra Agharbi, Hôpital Civil Tétouan, Tétouan, Maroc

 

 

Résumé

Le lupus pédiatrique est une des maladies auto-immunes les plus fréquentes de l´enfant. Il est habituellement plus sévère que chez l´adulte. Il débute à l´adolescence le plus souvent mais peut également concerner le jeune enfant chez qui il doit faire rechercher une anomalie génétique associée. Il se caractérise par une plus grande fréquence des manifestations rénales. La sévérité du lupus pédiatrique impose un diagnostic et un traitement précoces afin d´assurer le meilleur contrôle de l´inflammation et d´éviter la morbi-mortalité associée. Ce traitement repose sur une prise en charge pluridisciplinaire prenant en compte le développement et la croissance de l´enfant.


Pediatric lupus is one of the most common autoimmune diseases of children. It is usually more severe than in adults. It begins in adolescence most often but can also concern the young child where he must search for an associated genetic abnormality. It is characterized by a greater frequency of renal manifestations. The severity of pediatric lupus requires early diagnosis and treatment to ensure the best control of inflammation and avoid associated morbidity and mortality. This treatment is based on a multidisciplinary management taking into account the development and growth of the child.

Key words: Child, lupus, systemic impairment

 

 

Introduction    Down

Le lupus érythémateux systémique (LES) est une maladie auto-immune multisystémique d´origine plurifactorielle secondaire à des facteurs génétiques, immunologiques et environnementaux. Quinze pour cent des cas de LES débutent avant l'âge de 16 ans [1,2]. Les lupus à début pédiatrique sont plus sévères que les lupus du jeune adulte par une plus grande fréquence des manifestations rénales et les facteurs génétiques y jouent un rôle plus important [3,4]. La sévérité du lupus pédiatrique impose un diagnostic et un traitement précoces afin d´assurer le meilleur contrôle de l´inflammation et d´éviter la morbi-mortalité associée. Ce traitement repose sur une prise en charge pluridisciplinaire prenant en compte le développement et la croissance de l´enfant.

 

 

Patient et observation Up    Down

Observation 1: nourrisson de 1 an. Antécédents de cas similaires chez le frère. Présente depuis 2 mois une photosensibilité avec des lésions cutanées érythémateuses asymptomatiques du visage, mains et pieds. L´examen trouvait des plaques érythémato-squameuses atrophiques par endroits et surmontées de croutes melliceriques en rapport avec une impétiginisation (Figure 1) avec des lésions de pulpite des orteils (Figure 2) et des doigts (Figure 3). Le bilan objectivait un syndrome inflammatoire avec une VS accélérée à 40 mm la première heure et une CRP à 20mg/l. Une lymphopénie à 700/mm3. Une anémie normochrome normocytaire avec test de Coombs positif. Une protéinurie de 24h positive à 400mg/l avec un cytobactériologique des urines (ECBU) négatif sans leucocyturie ni hematurie et une fonction rénale normale. Une hypocomplémentémie C3, C4 et C1q et des anticorps antinucléaires et anti DNA positifs. Le reste de l´examen somatique et du bilan était normal notamment, la radiographie du thorax, l´ECG et l´échographie trans-thoracique. La patiente a été mise sous antibiothérapie pour la surinfection cutanée et sous corticothérapie à la dose de 0,5mg/Kg/j pour l´atteinte hématologique et immunologique avec une photoprotection vestimentaire et chimique. Les antipaludéens de synthèse n´ont pas été démarrés vu l´âge. L´évolution était favorable avec amélioration clinique et biologique.

 

Observation 2: enfant de 5 ans, sans antécédents pathologiques notables qui présentait depuis 1 mois une photosensibilité avec des lésions érythémateuses du visage et des arthralgies d´allure inflammatoire des petites articulations des mains et pieds évoluant dans un contexte fébrile. L´examen trouvait un rash malaire en ailes du papillon du visage respectant les sillons naso-géniens (Figure 4). Le bilan objectivait un syndrome inflammatoire avec une vitesse de sédimentation (VS) accélérée à 30 mm la première heure et une CRP à 15 mg/l. Des anticorps antinucléaires et anti DNA positifs. Une lymphopénie à 870/mm3. La NFS: une anémie normochrome normocytaire inflammatoire avec un test de Coombs négatif et une légère thrombopénie à 100/mm3. Le reste du bilan était normal notamment le dosage de complément, la protéinurie de 24h, l´ECBU, la fonction rénale, la radiographie du thorax, la radiographie des mains et des pieds, l´ECG et l´échographie trans-thoracique. La patiente a été mise sous corticothérapie à la dose de 0,5mg/Kg/j pour l´atteinte hématologique et rhumatologique avec une photoprotection vestimentaire et chimique.

 

 

Discussion Up    Down

Le lupus érythémateux systémique (LES) de l´enfant est une maladie rare, polymorphe, plus sévère que la forme de l´adulte et requiert le plus souvent traitement immunosuppresseur en raison de la plus grande fréquence de l´atteinte rénale [5,6]. Les manifestations initiales sont très variables avec un début insidieux et progressif. Les symptômes non spécifiques sont la fièvre, l´anorexie, la perte de poids et l´asthénie. Elles sont particulièrement trompeuses à l´adolescence. Au début de la maladie, un seul organe peut être atteint, mais la forme systémique est la forme de révélation habituelle. Les arthrites, l´éruption cutanée et l´atteinte rénale sont les atteintes les plus fréquentes de la forme pédiatrique [2]. Les manifestations cutanéo-muqueuses surviennent dans trois quarts des cas, le plus souvent dès le début de la maladie comme c´était le cas chez nos deux patients. Contrairement au lupus de l´adulte, l´éruption classique en aile de papillon ou en vespertilio est souvent discrète et survient dans moins de la moitié des cas. Les ulcérations buccales ou nasales, les lésions bulleuses, le lupus discoïde, l´alopécie, le phénomène de Raynaud sont également moins fréquents chez l´enfant. Les arthralgies ou les arthrites des petites et des grosses articulations touchent près de 80% des cas. Si une élévation modérée des enzymes musculaires est assez fréquente, une véritable myosite est rare. Selon Cameron, 75% des enfants atteints de LES vont présenter une néphropathie lupique et près de la moitié des enfants présentent une atteinte rénale de stade IV de l´OMS au diagnostic [2,7].

 

L´atteinte du système nerveux central est une cause majeure de morbidité et de mortalité chez les enfants atteints de LES. Les céphalées sont particulièrement difficiles d´interprétation. Elles peuvent correspondre à une migraine, ou révéler des complications graves telles qu´une méningite, une vascularite ou une thrombose du sinus veineux cérébral [8]. La chorée, les accidents vasculaires cérébraux ischémiques et les thromboses veineuses cérébrales sont habituellement associés au syndrome des anticorps anti-phopholipides [9]. Moins fréquemment, le lupus pédiatrique comporte une atteinte du système nerveux périphérique, des troubles psychotiques, des accidents cérébrovasculaires ischémiques transitoires, une myélite transverse, une maladie démyélinisante et des pseudotumeurs cérébrales [10]. L´atteinte du système nerveux périphérique survient dans 5 à 15% des patients pédiatriques et consiste en une mononévrite ou une polynévrite [11]. Les manifestations psychiatriques sont variées et trompeuses à l´adolescence. Les troubles de la personnalité, la dépression, et les troubles cognitifs, sont les plus fréquents. Cinq à dix pour cent des enfants avec LES développent une psychose indépendamment de la corticothérapie, caractérisée par des hallucinations visuelles et parfois auditives. L´ensemble des troubles neuropsychologiques type déficit de l´attention, de la mémoire, dyspraxie visiospatiale, troubles du langage sont présents chez 50% des enfants et des adolescents lupiques [12]. Comme chez l´adulte, toutes les structures cardiaques peuvent être touchées. La péricardite est observée dans un tiers des cas. Une myocardite survient chez environ 15% des enfants et peut provoquer une insuffisance cardiaque parfois irréversible. L´atteinte valvulaire (endocardite de Libman-Sacks) est exceptionnelle et silencieuse; elle doit faire rechercher la présence d´anticorps anti-phopholipides. L´athérosclérose est en rapport avec l´inflammation ou la dyslipidémie [13]. Les pleurésies sont fréquentes [14]. La vascularite des petits vaisseaux mésentériques responsable de douleurs abdominales, l´anorexie, la perte de poids, l´hépatite ou la pancréatite aiguë sont des manifestations possibles mais rares [15]. L´anémie et la thrombopénie auto-immune sont fréquentes (50%) et constituent un facteur de gravité majeur. L´anémie inflammatoire affecte jusqu´à 70% des enfants avec LES. La lymphopénie peut être liée au lupus ou aux traitements immunosuppresseurs. L´asplénie fonctionnelle qui prédispose à l´infection par le pneumocoque et les autres bactéries encapsulées doit être recherchée par la présence de corps de Jolly au frottis sanguin et serait lié à la saturation des récepteurs du fragment Fc des immunoglobulines des cellules du système réticuloendothélial splénique par les complexes immuns circulants [15,16].

 

Près de la moitié des enfants atteints de LES possèdent des anticorps anti-cardiolipine (aCL) ou un anticoagulant circulant type lupique, mais seul un faible nombre d´entre eux développe une maladie thrombotique [17]. En cas de thrombose, la recherche de facteurs génétiques de thrombophilie associée est systématique. Les éléments biologiques de diagnostic et de suivi de lupus de l´enfant sont identiques à celui de l´adulte: le dosage de complément et des anticorps anti-DNA natifs et les éléments du bilan inflammatoire. Certains anticorps sont plus fréquents dans le LES pédiatrique, en particulier les anticorps anti-Sm et anti-RNP [6]. La recherche d´anticorps anti-phospholipides est également systématique au diagnostic et lors d´épisode thrombotique. Les infections responsables d´une partie importante de la morbi-mortalité du LES pédiatrique sont en rapport avec la lymphopénie, l´asplénie fonctionnelle, l´hypocomplémentémie et les traitements immunosuppresseurs. Le retentissement sur la croissance est également majeur. Entre 8 et 16% des enfants suivis pour LES ont un défaut de croissance staturale et 11% d´entre eux présentent un défaut de développement des caractères sexuels secondaires [18]. Ce dysfonctionnement est lié à l´activité de la maladie, à l´exposition répétée aux corticoïdes et au cyclophosphamide, et à la présence d´anti-phospholipides [19]. La mortalité au cours du lupus pédiatrique suite à des infections sévères, à des accidents cardiovasculaires. La pancréatite est également une cause reconnue de décès à l´âge pédiatrique [20]. Le LES pédiatrique, plus sévère que la forme adulte, doit être reconnu et traité précocement. Les enfants, puis les adolescents malades doivent bénéficier d´une prise en charge pluridisciplinaire afin de relever les défis d´une croissance staturale satisfaisante, de l´adhérence au traitement, de la responsabilisation face à la maladie. Le but du traitement est d´obtenir une rémission de la maladie en requérant un traitement adapté pour limiter les effets secondaires, en particulier sur la croissance et le développement. La photoprotection est primordiale et repose sur l´application d´écran total. La vaccination doit être la plus large possible, prenant en compte le type de vaccin et les traitements en cours, et inclut la vaccination contre le pneumocoque et le méningocoque. L´hydroxychloroquine doit être prescrite dès le diagnostic de lupus à une dose de 5mg/kg/j, avec une surveillance de la tolérance ophtalmologique. Les poussées systémiques et les atteintes d´organes sont comme chez l´adulte traitées à l´aide d´une corticothérapie associée à un immunosuppresseur.

 

 

Conclusion Up    Down

Le lupus pédiatrique présente une gravité supérieure au lupus de l´adulte en termes de complications rénales, de besoins en corticoïdes et de conséquences sur le développement, la croissance et la qualité de vie. Ses causes sont plus parfois génétiques.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: plaques érythémato-squameuses du visage atrophiques par endroits et surinfectées

Figure 2: pulpite des doigts des orteils

Figure 3: pulpite des doigts des mains

Figure 4: rash malaire en ailes du papillon du visage

 

 

Références Up    Down

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