Home | Volume 2 | Article number 114

Case report

Blépharite chronique bilatérale au cours du lupus érythémateux discoïde

Blépharite chronique bilatérale au cours du lupus érythémateux discoïde

Chronic bilateral blepharitis in a patient with discoid lupus erythematosus

Fatma Mkaouar1, Faten Frikha1,&, Chifa Damak1, Mouna Snoussi1, Raida Ben Salah1, Zouhir Bahloul1

 

1Service de Médecine Interne, CHU Hédi Chaker, Sfax, Tunisie

 

 

&Auteur correspondant
Faten Frikha, Service de Médecine Interne, CHU Hédi Chaker, Sfax, Tunisie

 

 

Résumé

Le lupus érythémateux chronique est une dermatose auto-immune touchant habituellement le visage et le cuir chevelu. La localisation palpébrale sous la forme d´une blépharite chronique est rare. Nous rapportons un cas de blépharite lupique au cours d´un lupus discoïde chez une femme âgée de 42 ans.


Chronic lupus erythematosus is an autoimmune dermatosis usually involving the face and scalp. Eyelid involvement manifesting as chronic blepharitis is rare. We report a case of blepharitis caused by lupus erythematosus in a 42-year old woman with discoid lupus.

Key words: Discoid lupus erythematosus; eyelids, blepharitis

 

 

Introduction    Down

Le lupus érythémateux chronique est une dermatose auto-immune touchant habituellement le visage et le cuir chevelu. La localisation palpébrale sous la forme d´une blépharite chronique est rare. Nous rapportons un cas de blépharite lupique au cours d´un lupus discoïde.

 

 

Patient et observation Up    Down

Patiente âgée de 42 ans, aux antécédents de maladie de kikuchi à localisation cervicale, est suivie depuis 2016 pour un lupus discoïde (atteinte cutanée étendue touchant le visage touchant le menton, les deux joues et la paupière inférieure gauche) confirmé par une biopsie cutanée. Elle a été traitée par une corticothérapie à dose moyenne (0,5 mg/kg/jour pendant un mois puis dégression progressive jusqu´à l´arrêt au bout de 2 ans) et hydroxychloroquine (400 mg/jour) avec nette amélioration des lésions cutanées. Elle consulte en aout 2019 pour érythème des deux paupières inférieures qui évoluait depuis trois mois, résistant au traitement symptomatique et à la corticothérapie locale. A l´interrogatoire, la patiente signale une sécheresse oculaire sans baisse de l´acuité visuelle. A l´examen, on notait la présence d´une inflammation au niveau des deux paupières inférieures (Figure 1). L´examen ophtalmologique concluait à une blépharite bilatérale compliquée d´un syndrome sec. Par ailleurs, l´examen clinique était sans particularités. L´examen mycologique d´un prélèvement des cils était négatif. Le bilan biologique ne montrait pas d´anomalie de la numération formule sanguine, du bilan hépatique ou rénal. Il n´existait pas de syndrome inflammatoire. Le diagnostic d´une blépharite lupique a été évoqué. La patiente a été remise sous corticothérapie à la dose de 0,5 mg/kg/jour.

 

 

Discussion Up    Down

Le lupus érythémateux discoïde (LEC) est une affection auto-immune chronique bénigne mais avec un préjudice esthétique [1]. Au cours du lupus érythémateux chronique les lésions concernent particulièrement le visage, le cuir chevelu, les oreilles [1,2]. Bien que les manifestations oculaires au cours du lupus sont nombreuses et peuvent toucher l´ensemble des structures oculaires, l´atteinte palpébrale n´est pas habituelle au cours de cette connectivite. Elle peut être responsable d´un retard diagnostique important entrainant ainsi des lésions cicatricielles définitives et des complications ophtalmiques. L´atteinte isolée de la paupière inférieure, étant rare [2-4], est généralement sous diagnostiquée. Dans la littérature, l´âge de survenue de l´atteinte palpébrale au cours du lupus discoïde varie entre 26 à 45 ans [2]. L´atteinte palpébrale touche préférentiellement de la paupière inférieure, plus précisément son tiers externe, comme chez notre patiente. Sur le plan clinique, l´aspect sémiologique est très évocateur et comporte les 3 lésions élémentaires du lupus érythémateux chronique: l'érythème parfois télangiectasique, l'hyperkératose ponctuée et plus tardivement l'atrophie. On peut observer des signes oculaires à type de chalazion, trichiasis, madarose, conjonctivite ou œdème palpébral chronique dans le cadre de la maladie lupique [1,3,5] ou des lésions cornéo-conjonctivales à type de kératite ponctuée superficielle par sécheresse oculaire voire des ulcérations cornéennes marginales.

Des lésions rétiniennes à type d´exsudats cotonneux plus ou moins associées à des hémorragies ont été rapportées. Enfin, des lésions orbitaires à type de myosite, d´exophtalmie, d´atteinte paralytique du VI sont aussi possibles [6]. L´atteinte cutanée se caractérise par des plaques palpébrales érythémateuses bien limitées ou infiltrées, parfois recouvertes de squames adhérentes ou de télangiectasies [4,7,8]. L´association de lésions cutanéo-muqueuses atypiques ou isolées à des lésions rétiniennes sous forme de rétinopathie lupique doit faire évoquer le diagnostic [6,9]. Dans la littérature, le délai diagnostique des atteintes palpébrales varie de 4 mois à 25 ans [7,9]. En l´absence de diagnostic précoce, l´évolution peut aboutir à l´atrophie cicatricielle des téguments [2,9]. L´association à d´autres lésions cutanées (LEC) nodules cutanés, alopécie cicatricielle [2,10,11] ou à des manifestations systémiques du LES [8] est souvent observée. Les formes palpébrales isolées, parfois atypiques, sont une cause fréquente d´erreur et de retard diagnostique [2,8,12]. L´examen histopathologique cutané montre les mêmes lésions observées au cours des autres formes de lupus discoïde [11-14], à type d´une hyperkératose épidermique, une dégénérescence de la membrane basale et un infiltrat lymphocytaire perivasculaire [7,11].

Le LED isolé des paupières peut être difficile à diagnostiquer [15] et un mauvais diagnostic initial est fréquent, d´où l´importance d´évoquer le lupus érythémateux discoïde devant une blépharite chronique qui persiste malgré une prise en charge médicale et hygiénique adéquate [1]. En effet, un diagnostic et un traitement précoce sont importants pour éviter des cicatrices permanentes et des dommages des structures locales [8]. Le traitement conventionnel du LED impliquant les paupières comprend la photoprotection topique et l'utilisation de corticostéroïdes topiques. Le traitement par antipaludéen à type d´hydroxychloroquine est généralement efficace [5,7]. Bien que ces traitements soient efficaces dans la majorité des cas, des cas réfractaires ont été signalés [15,16]. L'utilisation du tacrolimus topique pour le LED facial a également été signalée à effet variable [17]. La thalidomide peut être aussi indiquée avec succès [2].

 

 

Conclusion Up    Down

Bien que rare, une blépharite chronique doit faire évoquer le lupus érythémateux discoïde afin d´instaurer un traitement adéquat permettant d´éviter des cicatrices inesthétiques.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figure Up    Down

Figure 1: blépharite de la paupière inférieure

 

 

Références Up    Down

  1. Selva D, Chen CS, James CL, Huilgol SC. Discoid lupus erythematosus presenting as madarosis. Am J Ophthalmol. 2003;136(3):545-6. PubMed | Google Scholar

  2. Panse I, Cordoliani F, Rybojad M, Rivet J, Lebbe C, Morel P. Discoid lupus erythematosus involving the eyelids: 4 cases. Ann DermatolVenereol. 2004;131(1 Pt 1):58-60. PubMed | Google Scholar

  3. Huey C, Jakobiec FA, Iwamoto T, Kennedy R, Farmer ER, Green WR. Discoid lupus erythematosus of the eyelids. Ophthalmology. 1983;90(12):1389-98. PubMed | Google Scholar

  4. Gimenez-Garcia R, Sanchez-Ramon S, De Andres A. Discoid lupus erythematosus involving the eyelids. J EurAcadDermatolVenereol. 2005;19(1):138-9. PubMed | Google Scholar

  5. Cyran S, Douglass MC, Silverstein JL. Chronic cutaneous lupus erythematosus presenting as periorbital edema and erythema. J Am Acad Dermatol. 1992;26(2 Pt 2):334-8. PubMed | Google Scholar

  6. Flament J, Storck D. Œil et pathologie générale. Société Française d´Ophtalmologie. 1997;651.

  7. Acharya N, Pineda R 2nd, Uy HS, Foster CS. Discoid lupus erythematosus masquerading as chronic blepharo conjunctivitis. Ophthalmology. 2005;112(5):e19-23. PubMed | Google Scholar

  8. Gloor P, Kim M, McNiff JM, Wolfley D. Discoid lupus erythematosus presenting as asymmetric posterior blepharitis. Am J Ophthalmol. 1997;124(5):707-9. PubMed | Google Scholar

  9. Mseddi M, Marrekchi S, Meziou TJ, Sellami D, Kammoun B, Feki J et al. Discoid lupus erythematosus with eyelid involvement, a series of nine patients. J Fr Ophtalmol. 2007;30(3):247-249. PubMed | Google Scholar

  10. Braun RP, French LE, Massouye I, Saurat JH. Periorbital oedema and erythema as a manifestation of discoid lupus erythematosus. Dermatology. 2002;205(2):194-7. PubMed | Google Scholar

  11. Inuzuka M, Tomita K, Tokura Y, Takigawa M. Lupus erythematosus profundus with unusual skin manifestation:subcutaneous nodules coexisting with eyelid plaques. J Dermatol. 2001;28(8):437-41. PubMed | Google Scholar

  12. Donzis PB, Insler MS, Buntin DM, Gately LE. Discoid lupus erythematosusinvolving the eyelids. Am J Ophthalmol. 1984;98(1):32-6. PubMed | Google Scholar

  13. Tursen U, Oz O, Ikizoglu G, Kaya TI, Dusmez D. A case of lichen planus-lupus erythematosus overlap syndrome with eyelid involvement. Eur J Ophthalmol. 2002;12(3):244-6. PubMed | Google Scholar

  14. Trindade MA, Alchorne AO, da Costa EB, Enokihara MM. Eyelid discoid lupus erythematosus and contact dermatitis: a case report. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2004;18(5):577-9. PubMed | Google Scholar

  15. Pandhi D, Singal A, Rohtagi J. Eyelid involvement in disseminated chronic cutaneous lupus erythematosus. Indian J Dermatol Venereol Leprol. 2006;72(5):370-372. PubMed | Google Scholar

  16. Panse I, Cordoliani F, Rybojad M, Rivet J, Lebbe C, Morel P. Discoid lupus erythematosus involving the eyelids: 4 cases. Ann Dermatol Venereol. 2004;131(1 Pt 1):58-60. PubMed | Google Scholar

  17. Yoshimasu T, Ohtani T, Sakamoto T, Oshima A, Furukawa F. Topical FK506 (tacrolimus) therapy for facial erythematous lesions of cutaneous lupus erythematosus and dermatomyositis. Eur J Dermatol. 2002;12(1):50-52. PubMed | Google Scholar