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Research

Besoins en réinsertion psycho-sociale et économique des patientes opérées de fistule vésico-vaginale au Cameroun

Besoins en réinsertion psycho-sociale et économique des patientes opérées de fistule vésico-vaginale au Cameroun

Psychosocial and economic reintegration needs of patients operated on for vesicovaginal fistula in Cameroon

Pierre Marie Tebeu1,2,3,&, Jean Pierre Kamga Olen1, Estelle Carine Ngoula Zeck1, Jesse Saint Saba Antaon1,2, Charlemagne Simplice Moukouta4, Charles Henry Rochat5

 

1Faculté de Médecine et des Sciences Biomédicales, Université de Yaoundé I, Yaoundé, Cameroun, 2 Ligue d'Initiative et de Recherche Active pour la Santé et l'Education de la Femme (LIRASEF), Cameroun, 3Département d'Obstétrique et de Gynécologie, CHU, Yaoundé, Cameroun, 4Université de Picardie Jules Verne- Amiens France, Service de Psychogériatrie, Centre Hospitalier Psychiatrique Philippe Pinel, Paris, France, 5Geneva Foundation for Medical Education and Research, Switzerland

 

 

&Auteur correspondant
Pierre Marie Tebeu, Faculté de Médecine et des Sciences Biomédicales, Université de Yaoundé I, Yaoundé, Cameroun

 

 

Résumé

Introduction: la fistule obstétricale est une communication anormale entre le vagin et la vessie et/ou le rectum par la quelle les urines et/ou les matières fécales coulent constamment. Beaucoup de femmes présentant cette pathologie ont tendance à penser à se cacher et à se suicider. L´objectif de cette étude était d´étudier les besoins en réinsertion psychosociale des patientes opérées de fistule vésico-vaginale.

 

Méthodes: nous avons conduit une étude transversale descriptive dans deux hôpitaux de références en matière de prise en charge de la fistule obstétricale au Cameroun : l´Hôpital Protestant de Ngaoundéré et le Centre Hospitalier et Universitaire de Yaoundé. L´étude a été faite sur une durée de 9 mois (octobre 2016 à juin 2017). Toutes les femmes présentant une Fistule vésico-vaginale (FVV) étaient incluses. Parmi elles nous avons exclu celles qui n´avaient pas donné leur consentement éclairé. Les proportions ont été calculées à l´aide du logiciel EPI info version 7.1.3.3. Les effectifs et les pourcentages ont été calculés pour les variables qualitatives et les moyennes et les écarts types pour les variables quantitatives.

 

Résultats: l´âge de la population variait de 17 à 48 ans avec une moyenne de 32,13 ± 8,03 ans. Parmi les 50 patientes, 37 (74%) avaient rapporté le décès du nouveau-né à la grossesse causale et 4 sur les 24 (16,66%) qui avaient un travail avant la fistule avaient été contraintes de l´abandonner. Les besoins psychologiques non couverts étaient dominés par la paucité de counseling focalisé en cas du décès 5/37 (13,5%), la paucité du counseling en cas d´abandon par la famille/conjoint, 9/28 (32,1%), la paucité du counseling spécifique en cas d´idée suicidaire 2/16 (12,5%) et l´absence de prise en charge des patientes avec anxiété/dépression. Sur le plan social, les besoins non couverts étaient dominés par la paucité dans l´intégration d´une association, 21/50 (42%). Sur le plan économique, ils étaient dominés par l´absence d´activité génératrice de revenu particulièrement chez toutes les 26 femmes initialement sans emploi et chez les 4 femmes qui ont perdu leur emploi à cause de la fistule.

 

Conclusion: les besoins psycho-sociaux non couverts sont dominés par l´absence de counseling focalisé sur la condition spécifique de chaque femme, la faible proportion d´intégration d´une association et l´absence d´activité génératrice de revenu.


Introduction: obstetric fistula is an abnormal communication between the vagina, the bladder and/or the rectum through which urine flows and/or feces (stools) are constantly discharged. Many women with this condition tend to think about hiding or even committing suicide. The objective of this study was to analyze the psychosocial reintegration needs of patients with vesico-vaginal fistula. Methods:we conducted a descriptive cross-sectional study in two referral hospitals in charge of obstetric fistula management in Cameroon : The Protestant Hospital in Ngaoundere and the University Hospital Center of Yaoundé. The study had a duration of 9 months (October 2016- June 2017). All women who had vesicovaginal fistula were included. Among them, we excluded those who had not given their informed consent. The rate was calculated using Epi Info version 7.1.3.3. The number of patients and the percentages were calculated for the qualitative variables and averages, while standard deviations for the quantitative variables. Results: the age of the participants varied from 17 to 48 years with a mean of 32.13 ± 8.03 years. Among the ovaeall 50 women, 37(74%) experienced a perinatal death, and 4 of 24 women who had an occupation before fistula lost their job. Psychological unmet need were dominated by law focalized specific counseling in case of perinatal death5/37 (13.5%), low focalised counseling when anandonned by family/partner, 9/28 (32.1%), low proportion of specific counseling in case of suicide though, 2/16 (12.5%) ans and complete absence of specific care for ten patients who experienced anxiety/depression. On social view, unmet need were dominated by low reintegration of associations, 21/50 (42%). Concerning economical unmet needs, there were no income generating activity for 26 jobless women before fistula and specifically for those four woemn who lost their occupation because of fistula. Conclusion: psychological, social and economical unmet needs where dominated by low case focalised counseling, low integration nof associations, and absence of income generating activities

Key words: Obstetric fistula, reintegration, economy, characteristics, psychosocial

 

 

Introduction    Down

La Fistule obstétricale (FO) est une communication anormale entre le vagin et la vessie et/ou le rectum par laquelle les urines et/ou les matières fécales coulent constamment [1, 2]. Beaucoup de femmes présentant cette pathologie ont tendance à se cacher, voire à se suicider. L´entité la plus commune des fistules obstétricales est la Fistule génito-urinaire qui représente 79%-100% de toutes les FO [3]. L'Organisation mondiale de la Santé estime que dans le monde plus de 2 millions de femmes vivent avec une fistule obstétricale non soignée. Au Cameroun, la prévalence de 4 cas pour 1000 femmes âgées de 15 à 49 ans et l´incidence de 500 à 1000 nouveaux cas par an ont été rapportées [4 , 5]. L´écoulement continue d´urines et/ou de selles qui caractérisent la fistule obstétricale sont responsables de nombreuses conséquences psychologiques et sociales (perte de leur identité, de l´image de son corps et de l´estime de Soi) [6]. Les patientes de fistules sont souvent de bas niveau socio-économique et abandonnées par leur proches, ces conditions qui sont aussi des facteurs favorisant la tendance dépressive [7]. L´objectif de ce travail était d´étudier les besoins en réinsertion psychosociale des patientes opérées de fistule vésico-vaginale.

 

 

Méthodes Up    Down

Nous avons fait une étude transversale descriptive. Elle a été conduite dans deux hôpitaux de référence en matière de prise en charge de la fistule obstétricale au Cameroun. Il s´agissait de l´Hôpital Protestant de Ngaoundéré et le Centre Hospitalier et Universitaire de Yaoundé.. La période d´étude a été de cinq mois (20 décembre 2016 au 20 Avril 2017). Nous avons obtenu l´autorisation de recherche des différents lieux d´études et une clairance éthique du comité institutionnel d´éthique et de la recherche de la Faculté de Médecine et de Sciences Biomédicales de l´Université de Yaoundé I. La confidentialité des informations recueillies était de mise.

 

Étaient incluses les patientes de fistule vésico-vaginale (FVV), qui avaient accepté de signer le consentement. Parmi elles nous avons exclu les patientes avec fistules mixtes et Fistules Recto-Vaginales (FRV). Nous avons recruté de façon consécutive et non probabiliste toutes les patientes remplissant les critères d´inclusion pendant la période d´étude. La taille minimale de l´échantillon était estimée à 43 selon la formule de Schwartz. Pour ce qui est de la procédure, nous avons rencontré les patientes en période postopératoire et en consultation externe pour celles qui venaient aux rendez-vous. Nous avons également appelé les patientes dont les noms figuraient dans le répertoire des FO des deux hôpitaux. Les patientes ont été totalement informées des différents aspects de l´étude et leur accord a été recueilli après le consentement oral pour certaines et écrit pour d´autres. Nos variables comportaient : les problèmes psychologiques, sociaux, économiques, la prise en charge psychologique, sociale, les besoins non couverts en réinsertion psychologique,sociale et économique. Pour la collecte des données, nous avons utilisé une fiche technique ainsi que des scores d´évaluation. Pour l´anxiété, nous avons utilisé le generalized anxiety disorders 7 (GAD-7) et était considérée positive toute patiente avec un score supérieur ou égal à 10.

 

Quant à la dépression nous avons utilisé le Patient Health Questionnaire 9 (PHQ-9). Était considérée comme positive, toute patiente avec un score supérieur ou égal à 10. Les données recueillies ont été analysées avec le logiciel Epi-info 7.1.3.3. Nous avons calculé la moyenne ou la médiane pour les variables quantitatives, puis les effectifs et les pourcentages pour les variables qualitatives.

 

 

Résultats Up    Down

Cinquante (50) femmes âgées de 17 à 48 ans avec une moyenne de 32,13 ± 8,03 ans ont été incluses (Tableau 1).

 

Comme problèmes identifiés nécessitant une prise en charge psychologique, 74% (37/50) de patientes avaient rapporté le décès périnatal à la grossesse causale. Certaines patientes, 36% (18/50) avaient tendance à se cacher. D´autres patientes, 32% (16/50) avaient des idées de suicide et 10% (5/50) avaient tenté de se suicider. Parmi nos patientes 12% (6/50) étaient anxieuses et 12% (6/50) étaient dépressives. Comme problème suscitant une prise en charge sociale 50% (25/50) ont été abandonnées par leur conjoint.

 

Concernant la prise en charge psychologique, 47 patientes sur 50 (94%) ont affirmé avoir bénéficié d´un counseling clinique. Certain entourage avait également reçu le counseling familial dans 34% (17/50) de cas. Par rapport à la prise en charge sociale, la plupart des patientes 90% (45/50) ont eu le soutien de leur famille et 29/50 (58%) de patientes n´ont pas intégré une association (Tableau 2). Pour ce qui est des besoins psychologiques non couverts, les besoins psychologiques non couverts étaient dominés par la paucité de counseling focalisé en cas du décès périnatal 5/37 (13,5%), la paucité du counseling en cas d´abandon par la famille/conjoint, 9/28 (32,1%), la paucité de counseling spécifique en cas d´idée suicidaire 2/16 (12,5%) et l´absence de prise en charge des patientes avec anxiété/dépression. Le même constat a été fait pour les patientes avec décès du nouveau-né 86,5% (32/37) et les patientes abandonnées 67,9% (19/28), aucune des femmes présentant une dépression et/ou une anxiété n´a été suivie par un psychologue/psychiatre.

 

Concernant les besoins sociaux non couverts sur le plan social, ils étaient dominés par la paucité dans l´intégration d´une association, 21/50 (42%). Par ailleurs, 98% (49/50) des patientes n´ont pas bénéficié d´un planning familial, aucune activité génératrice de revenu et d´éducation informelle n´ont été réalisées (Tableau 3) Quant aux besoins non couverts sur le plan économique, nous avons noté l´absence d´activité génératrice de revenu chez toutes les 26 femmes initialement sans emploi et particulièrement chez les 4 femmes qui ont perdu leur emploi à cause de la fistule.

 

 

Discussion Up    Down

Caractéristiques socio-démographiques

 

Concernant les caractéristiques socio-démographiques, la tranche d´âge la plus représentée était celle de 30 à 39 ans soit 38%. Certains auteurs ont eu des résultats différents des nôtres. Une étude camerounaise avait trouvé que 38,4% des patientes avaient un âge compris entre 20 et 29 ans [8]. Ces résultats supérieurs aux nôtres peuvent s´expliquer par le fait qu´aucune activité de prise en charge de la FO n´avait existée dans cette région avant 2005.

 

Nous avons trouvé que 68% des femmes avaient accouché à l´hôpital. Certains résultats retrouvés dans la littérature sont semblables aux nôtres. L´équipe de Kirschner au Nigeria avaient retrouvé 59,3% en 2010 [9]. Ces résultats similaires aux nôtres peuvent s´expliquer par les trois retards comme décrits par d´autres auteurs. Une étude a montré que 82,3% des femmes ont pris la décision d´aller dans une formation sanitaire 6 heures après le début du travail [11]. Cette observation est en rapport avec la faible attitude de recours aux soins dans le contexte de pays à ressources limitées. Notre population d´étude était constituée en majorité de multipares (52%). Ceci pourrait s´expliquer par le fait que la tranche d´âge la plus représentée dans notre étude était celle des adultes. Certains résultats trouvés dans la littérature sont similaires aux nôtres, en 2012 l´équipe de Tebeu avait rapporté 59,3% au Cameroun [8]. La similitude des résultats pourrait s´expliquer par le fait que le déterminant de la FO ne soit pas seulement la primiparité, mais aussi la grande multiparité.

 

La durée médiane de vie avec la fistule était de 4 ans. Certains travaux dans la littérature rapportent des chiffres supérieurs aux nôtres. A l´Extrême Nord du Cameroun, en 2009, l´équipe de Tebeu avait retrouvé une médiane 8,5 ans de vie avec la fistule chez les patientes opérées de 2005 à 2007 [12]. Ces résultats supérieurs aux nôtres peuvent s´expliquer par le fait qu´aucune activité de prise en charge de la FO avant 2005.

 

Problèmes nécessitant une prise en charge psychologique

 

Problèmes nécessitant une prise en charge psychologique : le décès du nouveau-né était survenu dans 74% des cas. Cela pourrait se justifier par les accouchements à domicile. Certains résultats trouvés dans la littérature sont supérieurs aux nôtres En 2016 en RD Congo, l´équipe de Paluku avaient retrouvé que 85,9% d´enfants de patientes de fistules n´avaient pas survécu [13]; Delamou et al. en 2016 en Guinée avaient retrouvé 91,1% [14]. Ces résultats justifient la nécessité de renforcer la promotion des soins obstétricaux et néonataux d’urgence. Seule une patiente sur quatre (26%) déclarait avoir peur de la prise en charge chirurgicale. Cela pourrait s´expliquer par l´effet bénéfique du counseling clinique principalement pré-opératoire sur la perception de la chirurgie. Au Malawi, en 2015, l´équipe de Drew avait rapporté une proportion de 35%, donc supérieur à la nôtre [15].

 

La tendance à se cacher a été retrouvée dans 36% de cas. Cela pourrait se justifier par le fait que certaines patientes ont été humiliées du fait des représentations sociales et des stéréotypes sur la maladie et l´image de la femme [6]. A Maroua, Cameroun un résultat similaire à 32% avait déjà été rapporté [12]. Ces résultats constituent des preuves supplémentaires de la grande souffrance dont sont victimes les femmes qui vivent avec une FO indépendamment du cadre géographique [16].

 

Dans notre étude, 32% de femmes avaient des idées suicidaires et 10% ont essayé de se suicider. Cela pourrait s´expliquer par la longue durée avec leur maladie. D´autres ont eu des résultats différents des nôtres ainsi, dans l´étude de Maroua, Cameroun, 15% des patientes ont pensé au suicide, comme solution ultime à leur condition [12].

 

La dépression était retrouvée chez 12% de femmes. Une proportion similaire de 12,1% a été rapportée par l´équipe de Wilson, en 2015 en Tanzanie [17]. D´autres auteurs ont eu des résultats différents des nôtres avec 60% par l´équipe de Ghararo en 2009 au Bénin [18]; et 71,2% en Ethiopie en 2013 par l´équipe de Zeleke [19]. Ces résultats pourraient s´expliquer par le fait que les patientes présentent les facteurs de vulnérabilité psychologique pouvant engendrer des troubles psychiatriques ou psychopathologiques comme la perte de leur bébé, le faible statut socio-économique, la maladie elle-même, sans oublier les évènements traumatiques de la vie comme les deuils [17, 20].

 

Problèmes nécessitant une prise en charge sociale

 

Dans notre population d´étude 50% des femmes ont été abandonnées par leur conjoint. La longue durée de la perte incontrôlée d´urines pendant pourrait justifier cela. En effet, les fortes odeurs repoussent le voisinage. Lorsque les patientes sont guéries de la fistule, elles se voient en même temps retrouver leur équilibre psychologique. Car leur identité est fortement réhabilitée ainsi que leur image de corps rehaussée d´autant qu´elles peuvent se considérer de nouveau comme femmes [21]. Cette réalité se traduit par la disparition des symptômes dépressifs [22].

 

Prise en charge psychologique

 

Nous avons trouvé que 94% de femmes avaient reçu un counseling individuel clinique. La nécessité de counseling comme l´une des composantes de la prise en charge globale des FO avait déjà été largement suggérée [4, 23]. Un counseling bien conduit permet d´améliorer le bien-être physique et mental des patientes prises en charge pour fistule obstétricale [24]. Dans notre étude, peu d´entourage de patientes (34%) avait reçu un counseling familial. Ceci s´explique par le fait que les femmes de notre population ne sont pas souvent accompagnées par leur famille ou leur conjoint. Ce constat peut être le fait de l´abandon ou de la distance par rapport au centre de prise en charge. En 2009, au une série béninoise rapport une proportion plutôt inférieure à la nôtre avec 19% de counseling familial [25]. Ces résultats inférieurs aux nôtres se justifient à la fois par nos observations et par l´absence d´une équipe dédiée au counseling de manière partielle ou permanente.

 

Prise en charge sociale

 

La plupart des femmes soit 90% ont bénéficié du soutien de leur famille. Ceci pourrait s´expliquer par le fait que la majorité des femmes malgré l´abandon par le partenaire bénéficient de la solidarité de leur famille proche. Le soutien familial facilite le retour dans la communauté comme le rapportait l´équipe de Pope en 2011 en Tanzanie [26]. Certains résultats sont inférieurs aux nôtres soit 79,6% selon Singh et al. en 2017. Ces résultats inférieurs aux nôtres peuvent se justifier par le fait que cette étude a été menée dans un autre pays qui a probablement une autre culture.

 

Besoins non couverts en réinsertion psychologique

 

Dans notre étude 16% de femmes affectées par la fistule n´avaient pas reçu de counseling clinique et 86,5% n´avaient pas reçu de counseling psychologique en cas de perte du nouveau-né. Ces résultats pourraient s´expliquer par le manque de formation spécifique du personnel médical sur la prise en charge de la FO. Nous avons constaté que 87,5% de patientes n´avaient pas reçu de counseling spécifique parmi celles ayant eu l´idée et/ou de tentative de suicide. Ces résultats pourraient s´expliquer en partie par le fait que le suicide en Afrique est un sujet généralement tabou qui relève du non-dit. Il est dès lors dissimulé par ces femmes, ce qui rend difficile la faisabilité du counseling dans ce contexte spécifique. L´anxiété était présente chez 12% de femmes et la dépression chez 12%, cependant aucune n´a été suivie par un psychologue et/ou un psychiatre. Cela pourrait s´expliquer par l´absence et le manque d´implication de ces derniers dans les centres de prise en charge.

 

Besoins non couverts en réinsertion sociale et économique

 

Nous avons trouvé que 98% des femmes n´ont pas bénéficié du planning familial bien qu´elles aient reçu l´information. Ceci pourrait se justifier par le fait que la plupart des femmes de notre étude ne sont pas salariées et que le planning familial a un coût. Pourtant dans l´étude de Fortney en 1987, il est dit que l´usage du planning familial réduit le ratio de la mortalité maternelle chez les femmes à risque [27]. Dans notre série, 58% de femmes n´avaient pas intégré une association. Cela pourrait s´expliquer par le fait que certaines femmes de notre étude ont eu tendance à se cacher et la même attitude persiste. Certains auteurs ont eu des résultats différents des nôtres 44,2% selon Muleta et al. en 2008 en Ethiopie [28]. Pourtant dans une étude menée par Donnelly et al. en 2015 en Ethiopie, il est dit que les femmes vivant avec la fistule obstétricale (FVFO) souhaitent sensibiliser la population à propos de la FO, [23]. Une association serait un bon canal de sensibilisation. Ces résultats justifient la nécessité de redynamiser les activités associatives en faveur des FVFO au Cameroun. Parmi les femmes sans emploi ou qui ont perdu leur emploi suite à la FO aucune n´a été formée pour des activités génératrices de revenus financiers. Une étude faite par Martin et al. en 2015 au Cameroun a montré que les femmes ont reçu des appuis comme le fonds de commerce et le matériel d´élevage [29]. Dans cette même étude les agents de santé ont suggéré la prise en charge intégrée des FVFO et leur famille. De notre observation, ceci reste difficile à réaliser car il faut un financement et le processus est parfois long. Ces résultats justifient la nécessité de faire des activités simples et peu coûteuses que les femmes pourraient développer une fois rentrées dans leur communauté.

 

 

Conclusion Up    Down

Les affections nécessitant une prise en charge psychologique sont : l´anxiété, la dépression et le suicide. Elles sont réactionnelles à la fistule obstétricale et témoignent entre autres d´une représentation négative de l´image du corps et d´une baisse d´estime de soi. Celles nécessitant une prise en charge sociale et économique sont l´abandon par le conjoint et la perte d´emploi suite à la fistule. Les besoins psychologiques non couverts comportent le counseling recentré en cas du décès de bébé causal, d´idée/tentative de suicide, d´abandon par le conjoint/famille. Par ailleurs, les besoins sociaux non couverts sont dominés par la faible couverture contraceptive.

Etat des connaissances actuelles sur le sujet

  • Prévalence des fistules génitales au Cameroun ;
  • Facteurs associés aux fistules obstétricales ;
  • Connaissances, attitudes et perceptions de la population sur les fistules obstétricales.

Contribution de notre étude à la connaissance

  • Identification des besoins en réinsertion psychosociale des patientes opérées de fistule vésico-vaginale ;
  • Besoin d´accompagnement des femmes opérées des fistules.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Pierre Marie Tebeu: initiateur du travail, analyse des données, supervision et rédaction de l´article. Jean Pierre Kamga Olen: analyse des données et révision de l´article. Estelle Carine Ngoula Zeck: rédaction du protocole, collecte des données et rédaction de l´article; Jesse Saint Saba Antaon: rédaction de l´article, lecture critique de l´article, soumission du manuscrit et révision du manuscrit; Charlemagne Simplice Moukouta: lecture critique de l´article; Charles Henry Rochat: lecture critique de l´article. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Remerciements Up    Down

L´équipe de recherche exprime toute sa reconnaissance au personnel de l´Hôpital Régional de Ngaoundéré et du CHU de Yaoundé pour son engagement dans la lutte contre les fistules obstétricales.

 

 

Tableaux Up    Down

Tableau 1 : répartition des patientes opérées de fistule obstétricale vésico-vaginale (FOVV) en fonction des caractéristiques socio-démographiques

Tableau 2 : répartition des patientes de fistule obstétricale vésico-vaginale (FOVV) en fonction des besoins psychologiques non couverts

Tableau 3 : répartition des patientes de fistule obstétricale vésico-vaginale (FOVV) en fonction des besoins sociaux non couverts

 

 

Références Up    Down

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