Home | Volume 2 | Article number 45

Case report

Encéphalite cérébelleuse compliquant une méningite à pneumocoque:

Encéphalite cérébelleuse compliquant une méningite à pneumocoque: à propos d'un cas et revue de la littérature

Cerebellar encephalitis complicating pneumococcal meningitis: about one case and literature review

Moustapha Diop1,&, Papa Samba Ba1, Tracie Joyner Youbong1, Ibrahima Keita2, Ndong Essomba1, Pape Moussa Diouf1, Mathilde Ndèye Sarr1, Mouhamadou Ndiaye1, Khadidiatou Ba-Fall1

 

1Service des Maladies Infectieuses et Tropicales et de Médecine Interne, Hôpital Principal de Dakar, Sénégal, 2Département Anesthésie, Réanimation, Hôpital Principal de Dakar, Sénégal

 

 

&Auteur correspondant
Moustapha Diop, Service des Maladies Infectieuses et Tropicales et de Médecine Interne, Hôpital Principal de Dakar, Sénégal

 

 

Résumé

L'encéphalite cérébelleuse correspond à une atteinte inflammatoire diffuse ou focale du cortex cérébelleux. Elle complique rarement la méningite à pneumocoque. Nous rapportons dans cette observation un cas d'un militaire sénégalais de 22 ans en formation initiale du combattant, qui présentait un syndrome cérébelleux à la suite d'une méningite à pneumocoque chez qui les explorations paracliniques concluaient à une encéphalite cérébelleuse. Cette observation montre que l'atteinte cérébelleuse est une complication redoutable et possible de la méningite à pneumocoque. D'où la nécessité d'une prise en charge précoce de cette infection.


Cerebellar encephalitis is a diffuse or focal inflammation of the cerebellar cortex. It rarely complicates pneumococcal meningitis. We report the case of a 22 year old Senegalese military engaged in initial combat training presenting with cerebellar syndrome due to pneumococcal meningitis. Paraclinical explorations showed cerebellar encephalitis. This study shows that cerebellar involvement is a life-threatening and possible complication of pneumococcal meningitis. Hence the need for early management of this infection.

Key words: Meningitis, pneumococcus, cerebellar encephalitis

 

 

Introduction    Down

L'encéphalite cérébelleuse correspond à une atteinte inflammatoire diffuse ou focale du cortex cérébelleux [1]. Les causes infectieuses de cette affection sont le plus souvent des virus [2]. Quelques rares cas d´encéphalites cérébelleuses d´origine bactérienne ont été décrits dans la littérature [3,4]. Le pneumocoque à lui seul est responsable de 49% des cas de méningites bactériennes et est le plus fréquemment responsable des formes graves de cette infection en situation communautaire [5]. Cependant il atteint exceptionnellement le cortex cérébelleux. Nous rapportons dans cette observation un cas d'encéphalite cérébelleuse compliquant une méningite à pneumocoque chez un soldat sénégalais en formation initiale du combattant.

 

 

Patient et observation Up    Down

Mr A.K. 22 ans, militaire en formation initiale du combattant à Bango (Saint Louis, Sénégal) a été hospitalisé en Unité De Soins Intensifs (USI) de l'Hôpital Principal de Dakar le 26 Février 2018 pour une obnubilation fébrile d'installation rapidement progressive avec un score de Glasgow estimé à 10/15, sans signe de localisation neurologique, précédée de 10 jours de troubles psychiatriques. L'examen à l'admission retrouvait un syndrome méningé avec une raideur de la nuque, les signes de Kerning et Brudzinski positifs et une fièvre à 39°C. Le scanner cérébral était normal. La ponction lombaire montrait un liquide céphalo-spinal (LCS) trouble hypertendu dont l´examen microscopique objectivait une pléiocytose à 1750 éléments/mm3 avec 95% de polynucléaires neutrophiles, une protéinorachie à 2,5g/l et une glucorachie à 0,1g/l. La coloration gram montrait des diplocoques gram positifs et le test au latex ainsi que la culture du LCS étaient positifs en faveur d´un streptococcus pneumoniae. L'hémogramme montrait une hyperleucocytose à 22700 élements/mm3 à polynucléaires neutrophiles et une anémie à 10,7g/dl normochrome normocytaire. La natrémie était à 130 mEq/L et la kaliémie à 3,6 mEq/L, les ALAT étaient à 69 UI/L (2xN), l'azotémie à 0,39 g/L et la créatininémie à 7,4mg/L.

La sérologie rétrovirale (VIH), l'antigénémie Hbs et le dosage des anticorps anti-VHC étaient négatifs. L'électrophorèse de l'hémoglobine sérique était normale. Le patient a été mis sous ceftriaxone (3g x 2 pendant 14 jours) et dexaméthasone (10mgx4/jr pendant 4 jours). Après un retour de la conscience, il a été transféré au Service de Maladies Infectieuses de l'HPD le 06 Mars 2018 pour la suite de sa prise en charge. L'examen à son arrivée objectivait une dysarthrie, une ataxie cérébelleuse cinétique et statique, des tremblements, des troubles de la coordination et des réflexes ostéo-tendineux pendulaires. L'IRM encéphalique montrait des hypersignaux cérébello-mésencéphaliques droits en T2 et Flair rehaussés après injection de gadolinium en rapport avec une encéphalite cérébello-mésencéphalique (Figure 1). L'évolution a été favorable sous corticothérapie orale (30mg/jour) instaurée après 14 jours d´antibiotique associée à une rééducation motrice (Figure 2). Le patient a été mis en exéat le 3 Mai 2018 avec des séquelles neurologiques à type de troubles du langage, de la marche et de l'écriture.

 

 

Discussion Up    Down

L'encéphalite cérébelleuse est une atteinte inflammatoire du cortex cérébelleux dont les agents infectieux les plus souvent en cause sont des virus tels que le VZV, le HSV, le CMV, l'EBV [2,6] ou des bactéries spécifiques comme le Borrelia burgdorferi ou Rickettsia rickettsii [2,7]. Elle complique exceptionnellement les méningites purulentes comme en témoignent les rares cas qui ont été publiés [3,4]. Du point de vue physiopathologie, deux principaux mécanismes de survenue ont été décrits. Un mécanisme direct où l'agent infectieux colonise directement le cortex cérébelleux par voie hématogène ou neuronale et un mécanisme indirect ou post-infectieuse en rapport avec une inflammation péri-vasculaire ou un processus auto-immun survenant au décours d'une infection documentée ou non [8]. La symptomatologie clinique révélatrice est le syndrome cérébelleux qui peut être statique et/ou cinétique selon la topographie de la lésion. Au-delà des signes cliniques, l'IRM encéphalique reste un examen paraclinique incontournable dans le diagnostic de l'encéphalite cérébelleuse et objective un hypersignal en T2 et flair avec un rehaussement après injection de produit de contraste et un hyposignal en T1 [9]. Devant toute infection sévère à pneumocoque, il est opportun de rechercher activement un terrain sous-jacent la favorisant tels que la drépanocytose, l'infection à VIH, le diabète entre autres. Notre patient n'avait aucun de ces terrains. Le traitement de référence dans la méningo-encéphalite à pneumocoque reste les céphalosporines de troisième génération pendant 10 à 14 jours associés à la dexaméthasone pendant 4 jours pour limiter les séquelles neurologiques [10]. Même s'il n'existe pas d'études contrôlées sur la dose et l'efficacité de la corticothérapie dans les encéphalites post-infectieuses, l'administration de 0,5 à 1mg/kg par jour de prednisone pendant 4 à 6 semaines est recommandée [11].

 

 

Conclusion Up    Down

L'encéphalite cérébelleuse est une complication possible de la méningite à pneumocoque et son pronostic fonctionnel et vital reste sévère. D'où la nécessité d´un diagnostic précoce et d'une prise en charge adéquate des méningites bactériennes notamment celle due au pneumocoque. L'IRM encéphalique est un examen paraclinique incontournable pour la mise en évidence de cette affection et la corticothérapie à un grand apport dans le traitement des encéphalites post-infectieuses.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: A) IRM encéphalique/coupe sagittale: hypersignal en T2 du cortex cérébelleux droit avec prise de contraste après injection de gadolinium; B) encéphalique/coupe transversale: hypersignal en flair du cortex cérébelleux droit avec prise de contraste après injection de gadolinium

Figure 2: A) IRM encéphalique/coupe sagittale: régression de l´hypersignal après 6 mois de suivi; B) IRM encéphalique/coupe transversale: régression de l´hypersignal après 6 mois de suivi

 

 

Références Up    Down

  1. Sawaishi Y, Takada G. Acute cerebellitis. Cerebellum. 2002;1(3):223-228. PubMed | Google Scholar

  2. Pruitt AA. Infections of the cerebellum. Neurol Clin. 2014;32(4):1117-1131. PubMed | Google Scholar

  3. Jaggui RS, Husain M, Chawla S, Gupta A, Gupta RA. Diagnosis of bacterial cerebellitis: diffusion imaging and proton magnetic resonance spectroscopy. Pediatr Neurol. 2005;32(1):72-74. PubMed | Google Scholar

  4. Uchizono H, Iwasa T, Toyoda H, Takahashi Y, Komada Y. Acute cerebellitis following hemolytic streptococcal infection. Pediatr Neurol. 2013;49(6):497-500. PubMed | Google Scholar

  5. Auburtin M, Timsit JF. Méningites à pneumocoque: actualités, perspectives. Réanimation. 2001;10(3):291-301. Google Scholar

  6. Ciardi M, Giacchetti G, Fedele CG, Tenorio A, Brandi A, Libertone R et al. Acute cerebellitis caused by herpes simplex virus type 1. Clin Infect Dis. 2003;36(3):50-54. PubMed | Google Scholar

  7. Neophytides A, Khan S, Luoie E. Subacute cerebellitis in Lyme disease. Int J Clin Pract. 1997;51(8):523-524. PubMed | Google Scholar

  8. Stahl JP, Mailles A, Vaillant V, Floret D. Les encéphalites infectieuses aigues: recommandations pour un diagnostic étiologique. Réanimation. 2007;16(6):485-489. Google Scholar

  9. Nasri S, Amar AO, Aichouni N, Neftah C, Marzouki Z, Boutahar I et al. Intérêt de l'imagerie dans les cérébellites aiguës chez l'enfant: à propos de 3 observations. Journal of Neuroradiology. 2017;44(2):111. Google Scholar

  10. Georges H, Leroy O. Prise en charge des infections à Streptococcus pneumoniae: ce qui a changé en 15 ans. Médecine Intensive Réanimation. 2017;26(3):167-176. Google Scholar

  11. Sonneville R, Klein I, De Broucker T, Wolf M. Post-infectious encephalitis in adults: diagnosis and management. J Infect. 2009;58(5):321-328. PubMed | Google Scholar