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Case report

Tumeur métastatique inhabituelle au cœur : à propos d´un cas exceptionnel avec revue de littérature

Tumeur métastatique inhabituelle au cœur : à propos d´un cas exceptionnel avec revue de littérature

Unusual metastatic tumor in the heart: about an exceptional case with review of the literature

Mustapha Azzakhmam1,&, Ouadie Elmenaoui2, Mohamed Allaoui1, Hafsa Chahdi1, Abderrahmane Albouzidi1, Mohamed Oukabli1

 

1Département d´Anatomie-Pathologique, Hôpital Militaire d´Instruction Mohamed V, Faculté de Médecine de Rabat, Rabat, Maroc, 2Département de Radiologie, Hôpital Militaire d´Instruction Mohamed V, Faculté de Médecine de Rabat, Rabat, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Mustapha Azzakhmam, Département d´Anatomie-Pathologique, Hôpital Militaire d´Instruction Mohamed V, Faculté de Médecine de Rabat, Rabat, Maroc

 

 

Résumé

L´ostéosarcome est la tumeur osseuse maligne la plus fréquente. L´ostéosarcome métastatique au cœur exceptionnel ; uniquement 63 cas rapportes dans la littérature médicale en anglais jusqu´en 2017 durant les 123 années qui précédaient. En plus, l´incidence précise reste mal connue, estimée à <2% des ostéosarcomes métastatiques. Nous rapportons ici le cas rare d´un ostéosarcome humérale traite par chirurgie et chimiothérapie, avec métastase cardiaque métachrone étendue à la veine cave supérieure (VCS), l´oreillette droite (OD) et le ventricule droit (VD). La patiente a été opérée avec résection de la tumeur. L´étude anatomopathologique avait confirmé la même nature histologique que la tumeur primitive humérale, consolidée par la biologie moléculaire : métastase intracardiaque d´un ostéosarcome mixte ostéoblastique et chondroblastique. La patiente fut adressée en oncologie pour chimiothérapie et dont le suivi a détecté une récidive de la lésion cardiaque récemment.


Osteosarcoma is the most common malignant bone tumor. Osteosarcome metastatic with an exceptional heart; only 63 cases have been reported in the medical literature in English up to 2017 during the previous 123 years. In addition, the precise incidence remains poorly understood, estimated at <2% of metastatic osteosarcomas. We report here a rare case of humeral osteosarcoma treated with surgery and chemotherapy, with metachronous cardiac metastasis extending to the superior vena cava (SVC), right atrium (RA) and right ventricle (RV). The patient was operated on with resection of the tumor. The anatomic pathological study had confirmed the same histological nature as the primary humeral tumor, consolidated by molecular biology: intracardiac metastasis of a mixed osteoblastic and chondroblastic osteosarcoma. The patient was referred to oncology for chemotherapy and whose follow-up detected a recurrence of the cardiac lesion recently.

Key words: Cardiac metastasis, osteosarcoma, rare

 

 

Introduction    Down

Les tumeurs métastatiques au cœur sont parmi les moins connues et parmi les plus débattues en oncologie, peu d´études systématiques ont été consacrées à ce thème. Les tumeurs cardiaques primitives sont extrêmement rares. La plupart de ces lésions sont des métastases, elles sont 20 à 40 fois plus fréquentes comparées aux tumeurs primitives. Les études publiées avaient rapporté un taux allant de 1,5% à 20,6% (6% en moyenne) avec une augmentation progressive dans les études les plus récentes, incidence des métastases cardiaques et leur localisation par le type du néoplasme primitif d'origine [1, 2]. Les métastases peuvent atteindre le cœur par quatre voies de dissémination : 1) par extension directe ; 2) par voie hématogène ; 3) par voie lymphatique ; 4) par diffusion intra cavitaire à travers la veine cave ou les veines pulmonaires. Le côté droit du cœur est le plus touché par rapport au côté gauche [3]. Les tumeurs pulmonaires primitives sont la première source de métastases cardiaques avec 36%-39%, et atteignent le cœur souvent par voie lymphatique [4]. La deuxième source la plus fréquente de métastases cardiaques est représentée par les hémopathies malignes [5]. Les sarcomes des tissus mous et des os sont des sources moins fréquentes de métastases cardiaques et atteignent le cœur par voie hématogène [4]. L´ostéosarcome osseux est le plus prévalent de ces tumeurs. Nous rapportons ici le cas d´une métastase cardiaque métachrone d´un ostéosarcome humérale chez une patiente reséquée de son épaule et sous chimiothérapie adjudante. Nous présentons également une revue de la littérature de ce cas rare.

 

 

Patient et observation Up    Down

Il s´agit d´une patiente de 45 ans qui a été diagnostiquée porteuse d´une tumeur de l´extrémité supérieure de l´humérus. Les biopsies a visé diagnostique avaient conclu sur le plan histologique à un ostéosarcome mixte ostéoblastique et chondroblastique de haut grade. Une chimiothérapie néoadjuvante à base du protocole API-AI (Adriamycine, Platine, Ifosfamide) puis prise en charge chirurgicale par scapulectomie gauche avec résection extra articulaire gléno-humérale. Durant le suivi, la patiente présentait une dyspnée d´aggravation progressive. L´auscultation cardiaque avait détecté un « PLOP » ou bruit S3 très suspect. L´échographie Doppler cardiaque faite pour explorer l´état du cœur a montré une thrombose de la veine cave supérieure (VCS) avec extension à l´oreillette droite. Pour étayer plus la nature de cette thrombose et écarter une éventuelle embolie pulmonaire, l´angiosacanner a été fait et a montré ce même thrombus de la VCS étendu vers l´oreillette droite responsable d´une occlusion partielle de la VCS, sans développement de circulation collatérale et sans signe d´embolie pulmonaire. La nature très suspecte de ce thrombus a poussé à réaliser une imagerie par résonnance magnétique (IRM) Cardiaque qui avait objective une masse intra-auriculaire prenant naissance au niveau de la VCS et se prolabant dans le ventricule droit évoquant fortement une tumeur.

Devant ces éléments rassemblés, la patiente a été opérée 48 heures après son admission et subi une sterno-pericardotomie totale avec installation d´une circulation extracorporelle, ouverture longitudinale de la face antérieure de la VCS étendue à l´OD et ablation en monobloc de la masse tumorale adressée par la suite à l´étude anatomopathologique. Macroscopiquement (Figure 1A), la masse était flottante en per opératoire, rattachée au confluent veineux et comblait toute la lumière de la VCS et une grande partie de l´OD. À la réception au laboratoire, la masse était blanchâtre, à surface bosselée en grappe de raisin, faisant 15x6x2,5 cm de ses grands axes. À la coupe, la masse était de consistance cartilagineuse avec formations de cloisons bordant des cavités remplies d´un matériel mucoïde brunâtre (Figure 1B). Histologiquement, cette masse correspondait à une prolifération tumorale à différenciation cartilagineuse largement nécrosée, faite de lobules tumoraux de tailles et de formes irréguliers plus au moins confluents. La densité cellulaire étant modérée a élevée. Les cellules tumorales de grande taille pourvues de noyaux hyperchromatiques avec peu de figures de mitoses (Figure 2). L´examen minutieux n´a pas objective de composante ostéoïde ; il ne persistait que la composante chondro-sarcomateuse de cette tumeur soumise à des cures de chimiothérapie. Un testing moléculaire avait été fait (Tableau 1) et avait confirmé la nature ostéosarcomateuse de cette prolifération tumorale. Le diagnostic définitif retenu a donc été : métastase intracardiaque de l´ostéosarcome chondroblastique et ostéoblastique connue chez la patiente. Elle a été adressée en oncologie pour éventuelle chimiothérapie complémentaire, et au cours de laquelle une récidive fut découverte récemment au niveau du même site cardiaque lors d´une échographie Doppler de contrôle.

 

 

Discussion Up    Down

Les tumeurs métastatiques au cœur sont peu connues et peu documentées dans la littérature. La fréquence des tumeurs cardiaques secondaires a été rapportée entre 0,7% et 3,5% sur les autopsies de la population générale [5, 6] et 10 à 15,4% sur les autopsies ou un néoplasme malin était diagnostique [1]. Dans l´étude post mortem menée par l´Université de Trieste en Italie entre 1994-2003, il y´avait sur 7289 cas, un néoplasme cardiaque malin identifie (ou plus), correspondant à une incidence de 9,1% de toutes les tumeurs malignes (Tableau 2) [2]. L´incidence actuelle des ostéosarcomes est mal connue mais, on se basant sur les revues publiées dans la littérature, ceci serait un constat assez rare. Dans une étude publiée par Yedururi et al. en 2016 [6], l´atteinte cardiaque secondaire par un ostéosarcome a été identifiée dans 20 patients parmi 480 durant les six années précédentes dans une seule institution, mais seulement trois patients parmi ces 20 (0,6% de 480), avaient une atteinte cardiaque directe, alors que dans les autres cas, l´atteinte concernait les gros vaisseaux cardiaques centraux ou les vaisseaux affluents des sites tumoraux primitifs [6, 7]. Notre observation correspondrait au deuxième groupe des patients. Dans notre cas l´extension s´est faite à partir de la veine sous claviers gauche et s´est étendue vers la VCS avant de mouler l´OD et se prolaber dans le VD, on n´a pas objective une atteinte directe des tuniques cardiaques. Dans une étude précoce publiée en 1975 par Jeffrey et al. [1], l´atteinte cardiaque a été identifiée sur 9 autopsies parmi 43 (21%). Une autre étude d´autopsies faite par Siebert et al. [1], publiée en 1982 avait rapporté une atteinte cardiaque par l´ostéosarcome chez 4 patients parmi 20 (20%).

Sur le plan clinique, les manifestations peuvent être très variables, dans le cas d´une dissémination intraveineuse, le long de la VCS comme notre cas ou bien la VCI par exemple, l´atteinte de l´oreillette droite conduit occasionnellement à son obstruction ; ceci est observé typiquement dans les carcinomes hépatocellulaires. Ces métastases peuvent obstruer totalement la cavité auriculaire droite et bloquer le mouvement de la valve tricuspide, donnant un tableau comparable à une tamponnade par constriction péricardique ou celui d´une myocardiopathie restrictive. De plus, la masse tumorale peut s´ulcérer et larguer des microemboles néoplasiques dans la circulation sanguine artérielle pulmonaire [1, 2]. Un autre risque, est que le thrombus tumoral se produit au niveau du muscle pectine de l´oreillette droite ou dans le trabéculaire du VD (cette dernière situation est asymptomatique). Chez notre patiente, les signes cliniques étaient plutôt discrets, réduits à une dyspnée d´aggravation progressive et surtout masquée par les cures de chimiothérapie, le diagnostic était plus au moins fortuit lors du contrôle échographique. L´intérêt primordial de l´imagerie, une fois le diagnostic de masse posé, est de préciser s´il s´agit d´un thrombus ou d´une tumeur. Le diagnostic de tumeur étant retenu, l'imagerie doit ensuite orienter vers une étiologie : tumeur primitive ou secondaire. Cette approche de caractérisation doit également permettre de faire la distinction entre la nature bénigne ou maligne de la tumeur, et surtout d'en faire le bilan topographique et d'extension pour orienter une stratégie thérapeutique appropriée une fois la confirmation histologique obtenue. L'échocardiographie est l´examen de base pour la détection de ces tumeurs cardiaques. Dans certains cas elle peut évoquer le diagnostic mais le recours à une autre technique d'imagerie en coupes tomodensitométriques (TDM) ou IRM est habituelle. L´IRM est une technique pertinente pour étudier une masse cardiaque du fait de sa résolution en signal élevé. Elle permet notamment de rechercher des composants spécifiques dans la lésion (graisse par exemple), d´étudier sa mobilité avec des séquences ciné-MR et d´analyser son rehaussement dynamique et tardif. Le scanner offre un moins bon contraste tissulaire mais du fait de sa résolution spatiale élevée permet de mieux préciser les rapports anatomiques d´une lésion (coronaires, péricarde). Ces 2 examens peuvent donc s´avérer complémentaires. Dans notre cas, l´IRM s´est avéré la plus pertinente en matière de caractérisation de la lésion et surtout du diagnostic de présomption de sa malignité. L´ostéosarcome est une tumeur très agressive et qui possède un potentiel métastatique précoce durant son évolution et a souvent des métastases microscopiques au moment du diagnostic [8, 9].

L´histoire de l´ostéosarcome est marquée par la récurrence. Une étude avait revue des patients traités par la résection chirurgicale seule de la tumeur ; seuls 11% des patients sont restés sans récidive [10]. Le site métastatique le plus fréquent est dominé par les poumons [2]. Les métastases pulmonaires surviennent dans plus de 90% des cas d´autopsies chez les patients décédés par maladie métastatique. Les métastases extra-pulmonaires sont retrouvées cliniquement dans 33% des cas et dans 83% des patients sur autopsies [2,8,9]. La plupart des métastases extra-pulmonaires atteignent souvent les autres sites osseux, comme les vertèbres et le pelvis. Vingt pourcent des patients avec OS vont avoir des métastases pulmonaires détectables cliniquement au moment du diagnostic sur scanner thoracique et qui a une meilleur sensibilité par rapport à la radiographie standard [9]. Dans les deux études, clinique et des autopsies, la voie de dissémination veineuse était la voie principale de métastases. Les métastases cardiaques d´OS ont survenu uniquement chez neuf patients parmi 154 cas d´OS. Deux d´entre elles semblaient être des métastases tertiaires provenant des poumons, pour les sept autres cas la voie de dissémination au cœur n´était pas claire [9]. Bien que dans notre cas la lésion métastatique moulait l´oreillette droite, il est bien plus fréquent de voir des métastases cardiaques intéressant le péricarde et l´epicarde [2]. La voie veineuse de drainage dans notre cas, se poursuivant depuis l´extrémité supérieure de l´humérus, puis la veine brachiocéphalique et comblant l´oreillette droite puis se prolabant dans le ventricule droit, est une voie inhabituelle de métastases d´un OS.

 

 

Conclusion Up    Down

Ces facteurs, aussi bien que la progression volumétrique rapide de la tumeur présentée, sont inhabituels vue qu´une large masse intracardiaque reste exceptionnelle. La résection chirurgicale avec chimiothérapie post opératoire a été la conduite à tenir entreprise, malheureusement la patiente a présenté récemment une récidive de sa lésion intracardiaque détectée lors d´un contrôle échocardiographique de routine.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont participé à ce travail. Ils ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Remerciements Up    Down

Nos remerciements vont à l´endroit de Pr Youssef El Fakir, Radiologue, au Pr Nawal Doghmi, cardiologue et au Centre d´Imagerie Médicale et de Radiologie Interventionnelle NAKHIL, 6 Place Talha, 10 000 Agdal, Rabat - Maroc.

 

 

Tableaux et figures Up    Down

Tableau 1 : résultats du testing moléculaire éffectue sur la tumeur révélant de nombreuses mutations et amplifications génétiques en faveur de sa nature ostéosarcomateuse

Tableau 2 : incidence des métastases cardiaques et leur localisation par le type du néoplasme primitif d´origine

Figure 1 : aspect macroscopique de la lésion intracardiaque : A) surface bosselée en grappe de raisin ; B) consistance cartilagineuse et aspect cloisonne a la coupe avec présence d´un matériel colloïde brunâtre

Figure 2 : aspect microscopique : A) faible grossissement (HEx10) ; prolifération tumorale d´architecture lobulée ; B) grossissement modéré (HEx20); aspect d´un tissu cartilagineux malin avec absence d´ostéoïde évident témoignant de la persistance de la composante chondro-sarcomateuse uniquement ; C) fort grossissement (HEx40) ; D) chondrocytes malins aux atypies cytonucléaires prononcées, sans évidence d´un ostéoïde

 

 

Références Up    Down

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